I.                    LES FAITS. (Suite)

 

 

15.  Le 2 juin 1994, le Bataillon 157 Mobile, sous le commandement du colonel Fred Ibingira, s'est dirigé vers Gitarama, commençant par capturer Kabgayi. Une fois la ville investie, et obéissant aux instructions du Haut Commandement, trois évêques catholiques, Vincent Nsengiyumva, Archevêque de Kigali, Thaddée Nsengiyumva, Evêque de Kabgayi, Joseph Ruzindana, Evêque de Byumba, ainsi que neuf prêtres, Innocent Gasabwoya, Jean-Marie-Vianney Rwabilinda, Emmanuel Uwimana, Silvestre Ndaberetse, Bernard Ntamugabumwe, François-Xavier Mulingo, Alfred Kayibanda, Fidèle Gahonzire et Jean-Baptiste Nsinga, ont été emmenés en secret en divers lieux au cours de la nuit, puis exécutés ultérieurement à Gakurazo, au cours de la journée du 5 juin 1994.

 

16.  Le 1er juillet 1994, a été exécuté à Save l'ecclésiastique Chris Mannion, de nationalité britannique, Conseiller Général de la Congrégation des Frères Maristes, et ce en compagnie du religieux Joseph Rushigayiki.

 

 

17. Dans la soirée du 17 octobre 1994, a été assassiné l'ecclésiastique catholique Claude Simard, de nationalité canadienne, dans sa paroisse de Runyenzi.

 

18.  Après le massacre et l'assassinat de centaines de milliers de citoyens, appartenant tant à l'ethnie Hutu que Tutsi, entre les mois d'avril et de juillet 1994, l'A.P.R./F.P. R. ayant exclusivement pris le pouvoir par la force, des centaines de milliers de citoyens d'ethnie Hutu avaient besoin de protection dans des camps de déplacés internes principalement situés dans la zone occidentale du Rwanda, tandis que plus d'un million de Hutu rwandais avaient traversé les frontières avec les pays limitrophes, en particulier le Zaïre ; selon le rapport du Rapporteur Spécial des Nations Unies, Mr. René Degni-Segui, le nombre de réfugiés était de 2.500.000 personnes à la fin de juillet 1994.

 

Le régime mis en place de l'A.P.R./F.P. R. a déclaré ouvertement et sans ambiguïté sa volonté de procéder à la fermeture des camps de déplacés internes.

 

Au cours de la nuit du 6 au 7 janvier 1995, des militaires de l'A.P.R./F.P. R. ont attaqué le petit camp de déplacés de Busanze, où étaient rassemblés entre 3.000 et 4.000 déplacés, provoquant morts et blessés.

 

La nuit du 4 au 5 mars 1995, des militaires de l'A.P.R./F.P. R. ont assassiné le Préfet de la Préfecture de Butare, Pierre-Claver Rwangabo, ainsi que son fils aîné et son chauffeur.

 

Le 12 avril 1995, des militaires de l'A.P.R./F.P. R., menaçant les habitants du camp de Rwamiko (5.000 déplacés), ont encerclé le camp de Kibeho, afin de s'assurer que les réfugiés ne disparaissent pas au cours des jours suivants.

 

Au cours de la nuit du 11 au 12 avril 1995, des militaires de l'A.P.R./F.P. R. ont attaqué le camp de réfugiés de Birava (au Zaïre), massacrant 31 personnes et blessant 54 réfugiés, compte tenu du fait que la majorité des victimes étaient des femmes et des enfants.

 

19.  Au cours de la nuit du 17 au 18 avril 1995, environ 2.500 militaires de l'A.P.R./F.P. R. ont pénétré dans le camp de N'Dago (40.000 personnes), Munini (15.000) personnes et Kibeho (plus de 100.000 personnes ; que l'A.P.R./F.P. R. appelle « iriimbi y' Bahutu », « le cimetière Hutu »).

 

Le 18 avril, le cordon militaire s'est resserré et des tirs d'armes à feu ont été effectués, avec pour conséquence le meurtre de 10 personnes dont 8 enfants.

 

L'apport d'eau et d'aliments, ainsi que l'accès aux organisations humanitaires ont été supprimés.

 

Le 20 avril, la situation était tellement grave qu'elle a été dénoncée par Médecins Sans Frontières et par l'UNICEF, quoique cette dénonciation n'a pas empêché le massacre, au cours des jours suivants, d'environ 8.000 personnes, abattues par les forces de l'A.P.R./F.P. R.

 

Le 23 avril, environ 80.000 déplacés ont été conduits en marche forcée en camion vers la localité de Butare. Un grand nombre de personnes, des femmes et des enfants, tombèrent tout au long de la colonne, par manque d'eau et de nourriture. Et à Butare, aux environs de l'aérodrome, quelques 2.000 personnes ont été massacrées par des tirs indiscriminés de membres de l'A.P.R./F.P. R.

 

20.  A l'aube du 12 septembre 1995, un massacre a été effectué dans la localité de Kanana, au cours de laquelle au moins 110 civils ont été assassinés au cours de cette attaque préparée, organisée et perpétrée par des éléments de l'A.P.R./F.P. R.

 

21.  Au cours de l'année 1996, peuvent être signalés les actes suivants, assassinats, attentats et massacres, apparemment réalisés en vertu de la stratégie ordonnée et dirigée par l'A.P.R./F.P. R.

 

-          Le missionnaire espagnol Jose Ramon Amunarriz a échappé à une tentative d'enlèvement et/ou d'assassinat lorsqu'un groupe de cinq militaires de l'A.P.R./F.P. R. ont pénétré dans sa maison, et comme il ne s'y trouvait pas, ils ont fouillé le domicile puis interrogé et torturé sept religieuses franciscaines qui vivaient dans une communauté voisine.

-          Le 19 mars 1996, la religieuse espagnole Carmen Olza a été tuée en dépassant un véhicule à bord duquel avait été placée une mine (à vérifier).

-          Au cours des 10 et 11 avril 1996, au moins 40 personnes ont été assassinées à Gisenyi par des attaques aussi perpétrées par des militaires de l'A.P.R./F.P. R.

-          Au cours des 5, 9 et 10 juin 1996, 22 personnes ont été assassinées dans le secteur de Muhungwe.

-          Le 7 juillet, 18 personnes ont été assassinées dans les municipalités de Rushashi et Tare.

-          Entre les 5 et 13 juillet, 170 autres personnes ont été tuées en divers endroits des préfectures de Gisenyi et Ruhengeri, au cours d'opérations exécutées par des effectifs de l'A.P.R./F.P. R.

-          Les 9 et 10 juillet 1996, une centaine de personnes ont été attaquées et assassinées à Giciye et Nyamutera.

-          Le 13 juillet 1996, dans le secteur de Bayi, dans le village de Ramba, au moins 47 civils ont été mis à mort par des militaires de l'A.P.R./F.P. R., trois enfants et deux bébés figurant parmi les victimes.

 

22.  Au cours de l'année 1997, ont été organisées des attaques contre la population civile Hutu, au cours desquelles a été utilisée une nouvelle technique, inventée au Bureau des Renseignements, consistant en une simulation d'attaques contre la population civile par des rebelles ou infiltrés (extrémistes Hutu), lesquels attaquaient une population civile sélectionnée dans la zone de Ruhengeri, comme des témoins gênants ou des ennemis politiques, attaques justifiant une intervention rapide de la part de l'armée de l'A.P.R./F.P. R. contre la population Hutu, sous le prétexte d'éliminer autant d'extrémistes.

 

Sous cette forme, et sans affecter ce qui sera détaillé plus avant sur la mise à mort de trois coopérants espagnols de Médecins du Monde (témoins gênants), diverses opérations d'attaques ont été réalisées le 18 janvier 1997 contre des réfugiés qui venaient de rentrer en provenance de la République Démocratique du Congo, parmi lesquels des militaires de l'ancien régime comme l'ancien militaire Jean-de-Dieu Bizabarimana.

 

Le 2 février a été assassiné le prêtre canadien Guy Pinard.

 

Le 5 février, a été perpétré une attaque planifiée contre cinq agents de la Mission des Observateurs appartenant au Haut Commissariat pour les Droits de l'Homme des Nations Unies, lesquels ont été assassinés dans la localité de Karengera, soit Sastra Chim-Chan, de nationalité cambodgienne, Graham Turnbull, de nationalité britannique, ainsi que les interprètes rwandais Jean-Bosco Munyaneza, Aimable Nsengiyumva, et Agrippin Ngabo.

 

Entre les 2 et 3 mars 1997, s'est produit un massacre de plus de 1.000 personnes dans la localité de Musanze (Ruhengeri).

 

Au cours de la nuit du 27 au 28 avril 1997, l'A.P.R./F.P. R. a organisé le massacre de plus de 22 personnes à Muramba : ont été assassinés 17 élèves, la directrice et quatre autres personnes de l'Ecole Normale Primaire de Muramba.

 

Au cours de la nuit du 27 au 28 avril 1997, fut assassiné Emmanuel Sendahawarwa, de même que son épouse et sa petite fille, pour avoir réalisé des enquêtes sur les assassinats de Ruhengeri.

 

Le 9 juin 1997, une grande quantité de gens ont été rassemblés dans le stade de Ruhengeri, sous le motif de détenir des « infiltrés ». Ont été exécutées au moins 70 personnes.

 

Le 10 juin 1997, ont été simulées des attaques contre les bâtiments de l'administration municipale de Gatonde et Nyamutera. La « réaction » de l'A.P.R./F.P. R. a entraîné la mort d'un total de 294 personnes dans les localités limitrophes : Gatonde, 143 civils ; Kinigi, 80 civils ; Nyamutera, 40 civils ; Ndusu, 31 civils.

 

Le 8 août 1997, jour de marché dans la localité de Kanama, l'A.P.R./F.P. R. a réalisé une simulation d'attaque d' « infiltrés », avant laquelle, les militaires de l'A.P.R./F.P. R. avaient encerclé le marché, et ont attaqué les personnes qui s'y trouvaient, provoquant la mort de plus de 300 victimes. Ensuite, dans la soirée, des centaines de détenus ont été assassinés, 200 à Kanama et entre 200 et 300 à Rubavu. Les populations (oblaciones !) voisines ont été attaquées à l'arme lourde (mortiers de 82 mm ).

 

Le 3 octobre 1997, des militaires de l'A.P.R./F.P. R. ont attaqué deux familles de Gisenyi, en assassinant les 12 membres.

 

Entre les 8 et 9 octobre 1997, l'A.P.R./F.P. R. a assassiné une centaine de civils à Byahi.

 

Entre les 24 et 27 octobre 1997, furent assassinés entre 5.000 et 8.000 civils qui s'étaient réfugiés dans la grotte de Nyakimana et environs. Au cours des quatre jours que dura l'attaque, la zone fut bombardée au moyen de grenades, mortiers et tir de mitrailleuses, assassinat de manière indiscriminée hommes, vieillards, femmes et enfants, tant dans la caverne que sur les chemins de fuite.

 

Le 8 octobre 1997, ont été massacrés des centaines de civils à la frontière entre le Rwanda et le Zaïre, dans la localité de Gisenyi (Gisengy ?).

 

Le 16 octobre 1997, ont été abattus par balles plus de 390 personnes à Kirere, sous l'action des membres du détachement de Gendarmerie de Ruhengeri.

 

Le 31 octobre 1997, des centaines de civils ont été massacrés de manière indiscriminée au cours d'une opération militaire également effectuée par des effectifs de l'A.P.R./F.P. R., dans les secteurs de Rwinzovu, Busogo et Nyabirehe, de la localité de Mukingo.

 

Le 9 novembre, des soldats de l'A.P.R./F.P. R., après avoir encerclé le lieu-dit Gashyushya, secteur de Ntaganzwa, localité de Kibuilira (Gisenyi), ont tiré de manière indiscriminée contre les personnes qui se trouvaient en ce lieu, y compris des vieillards, des femmes et des enfants. Ont été comptées 150 victimes mortes.

 

D'autres opérations similaires ont été réalisées au cours des 12, 13, 15, 16, 17 et 21 novembre, ainsi que les 3, 9 et 11 décembre 1997, en diverses communes du nord-est du Rwanda ; ainsi les 13, 14 et 16 novembre, des hélicoptères militaires ont ouvert le feu contre différentes zones des localités Gaseke, Giciye, Karago, Kanama et Satinsyi, en préfecture de Gisenyi, de même que dans les localités de Ndusu et Gatonde, en préfecture de Ruhengeri, entraînant plus d'un millier de victimes mortes.

 

Les 10 et 11 décembre, s'est produit un massacre dans la localité de Mudende (Gisenyi), dans le camp de réfugiés installé à l'Université, causant au moins 300 victimes mortes.

 

23.  L'A.P.R./F.P. R. a mis sur pied une structure militaire parallèle chargée de la réalisation des assassinats sélectifs, massacres systématiques ou actions d'infiltration.

 

Cette structure parallèle était constituée par les groupes suivants :

-          « Escadrons de la Mort » qui se sont formés pour la réalisation d'une action spécifique et qui se sont dissous immédiatement ;

-          La « Local Defense Force » (LDF) aussi connue sous l'appellation « Reserve Forces » et qui incluait les enfants-soldats âgés de 15 ans ou moins que l'on appelait « kadogo » ;

-          Le réseau de commandos « Network Commando », créé en 1992, avec pour mission la réalisation des opérations de « nettoyage » (limpieza) et des actes terroristes contre la population Hutu et les autres personnes désignées ;

-          Le « Directorate Military Intelligence » (DMI), branche chargée officiellement des services de renseignement militaire, quoique non-officiellement chargée de la planification et de l'organisation des crimes systématiques, et tout spécialement par le biais des « Intelligence Officers » (I.O.) et le « Intelligence Staff » (I.S.), ainsi que sa branche extérieure l' « External Security Office » (E.S.O.) ;

-          Le « Criminal Investigation Department » (C.I.D.), groupe paramilitaire chargé de la réalisation les captures massives de populations dans le but de les interroger et de les torturer, afin d'obtenir des informations sur les victimes suivantes ;

-          Le « Surveillance and Security » aux ordres du DMI et chargé des travaux de renseignement dans les grandes villes ;

-          Et finalement cette structure parallèle comprennait les citoyens appartenant aux cadres locaux du FPR, connus comme les « Comités de Sécurité » (constitués par quatre militaires du FPR), les Chefs de Zone qui contrôlent une portion limitée du territoire, ainsi que les « abakada », informateurs occasionnels dans le but de préciser les crimes.

 

24.  Au cours de l'année 1995, ont eu lieu les premiers contacts entre les hauts commandants de l'A.P.R./F.P. R. et les militaires Tutsi Banyamulenge de l'est du Zaïre, afin de planifier, étudier et organiser de manière stratégique la prise du pouvoir par la force au Zaïre. En mai 1996, Laurent Désiré Kabila (Haut représentant du Parti de la Révolution Populaire – PRP) le général-major André Kisase Ngandu (Haut représentant du Conseil de Résistance de la Démocratie – CNRD), Déogratias Bugera (représentant de l'Alliance Démocratique des Peuples – ADP) et Bizima Karaha se sont déplacés au Rwanda afin de rencontrer les militaires qui étaient spécialement entraînés dans les localités de Nasho et Gashora. James Kabarebe accompagna personnellement cette délégation afin de présenter ses futures forces armées.

 

En juillet 1996, les éléments militaires spécialement recrutés dans ce but ont été déplacés à Cyangugu (à la frontière sud-est du Rwanda avec le Zaïre), s'intégrant dans les bataillons de l'A.P.R./F.P. R. numéro 101 et 157.

 

En août 1996, le général-major André Kisase Ngandu, originaire du Zaïre, se rend au Rwanda avec 600 combattants du Zaïre afin de compléter leur formation.

 

En date du 18 octobre 1996, se crée l'Alliance des Forces Démocratiques pour la Libération du Congo-Zaïre (AFDL), désignant comme porte-parole Laurent Désiré Kabila, lequel, dix jours plus tard, s'auto-proclame président de l'AFDL. En seulement neuf mois depuis sa formation, l'AFDL, conjointemant à l'A.P.R./F.P. R., conquiert l'immense territoire du Zaïre qui devint alors la République Démocratique du Congo.

 

A partir de l'année 1994, des centaines de milliers de Rwandais ayant fuit leur pays s'étaient réfugiés dans le Zaïre voisin. A la fin d'août 1994, la majeure partie de plus d'un million de réfugiés s'étaient installés dans une vingtaine de camps répartis à la frontière orientale du Zaïre avec le Rwanda.

 

En août 1995, ont commencé les manœuvres de rapatriement forcé des réfugiés des camps du Nord-Kivu et du Sud-Kivu, obligeant de nombreux réfugiés de monter de force dans les camions sous la menace des armes, pour être convoyés à la frontière du Rwanda. Plus de 16.000 Rwandais ont été forcés de rentrer au pays, et plutôt que d'affronter la persécution et dans de nombreux cas la mort, certains ont préféré se suicider, en se jetant (du camion) pendant le trajet vers la rivière Ruzizi.

 

Les autorités zaïroises et rwandaises ont établi la date du 31 décembre 1995 comme la date limite de la fermeture et de l'abandon de tous les camps de réfugiés, quoique ces plans ont été interrompus par l'explosion du conflit belliqueux.

 

Le 28 octobre 1996, plus d'un million de personnes ont commencé un exode personnel ou collectif, abandonnant les camps dans diverses directions.

 

Entre le 28 et le 29 octobre 1996, la ville de Bukavu a été conquise par les forces de l'ADFL, appuyées par l'A.P.R./F.P. R., procédant à l'attaque des camps de Panzi, ceux qui étaient situés dans la plaine de la Ruzizi, puis plus tard ceux de Nyamiragwe et Nyangezi, provoquant des marées de réfugiés fuyant sans aucune aide, se divisant en deux groupes, l'un qui prit la direction de Shabunda et Lalima, afin de rejoindre l'Angola, et l'autre qui tenta de suivre la route Bukavu-Kisangani.

 

Une de ces victimes, Marie-Béatrice Umutesi, a relaté devant ce juge les détails de sa fuite qu'elle a faite à pied sur environ 2.000 km , ainsi qu'il sera détaillé plus avant.

 

25.  Le Haut Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés (UNHCR = ACNUR) ont décidé de mettre en marche un programme de rapatriement forcé. Quand la délégation de l'UNHCR arriva à Mbandaka, elle décida de mettre en marche son plan, forçant les réfugiés à monter dans les camions, menaçant de revenir le lendemain avec des soldats de Kabila.

 

Vu que les membres de l'UNHCR ne pouvaient guère atteindre tous les endroits où s'étaient rassemblés les réfugiés, ils ont instauré un système de récompenses en argent et pièces de monnaie pour les Zaïrois. La récompense était de 10 $ US pour chaque réfugié rwandais livré. C'est dans ce cadre que se produit une véritable « chasse » aux réfugiés.

 

A la mi-février 1997, Madame Sadako Ogata, Haut Commissaire des Nations Unies pour les Réfugiés, visitant le camp improvisé de Tingi-Tingi, déclara qu'elle ne pouvait pas garantir ni la survie, ni la sécurité, ni la protection des réfugiés, et pouvait offrir uniquement de l'aide humanitaire à condition qu'ils remplissent les formulaires de rapatriement immédiat.

 

Le 28 février 1997, les forces de l'A.P.R./F.P. R. ont commencé à attaquer le camp de Tingi-Tingi, le détruisant complètement le 1er mars et provoquant la mort d'un nombre indéterminé de réfugiés.

 

Il fut fait de même contre les camps de Chimanga et Shabunda.

 

26.  Après avoir réalisé les premières attaques contre les camps de réfugiés au-delà de la frontière orientale de ce qui était à l'époque le Zaïre, quelques pays de la communauté internationale se sont mobilisés pour créer une force multilatérale d'interposition.

 

Les chiffres officiels de l'ACNUR/HCR démontraient manifestement que la situation des réfugiés au Zaïre était la suivante :

-          Réfugiés dans la région de Bukavu :     316.348 personnes,

-          Réfugiés dans la région de Goma :       717.991 personnes,

-          Réfugiés dans la région d'Uvira :           180.144 personnes.

 

Parmi eux, il y avait 117.316 citoyens du Burundi tandis que les autres, soit 1.095.167, étaient des réfugiés rwandais.

 

En novembre, du 15 au 19, s'est effectué un retour massif de réfugiés depuis le camp de Mugunga, chiffrant le nombre de Rwandais rentrant au pays entre 450.000 et 700.000 personnes. Ce retour, effectué sous les caméras de télévision internationale, a provoqué la paralysisde la mission de paix internationale précédemment mentionnée.

 

En décembre 1996, se rendant compte de l'absence de conséquences suite au non respect des préceptes des conventions internationales concernant le Statut des Réfugiés et en particulier l'obligation de « non refoulement », le gouvernement de Tanzanie a donné un ultimatum pour que les réfugiés rwandais rentrent au pays dans les trois semaines.

 

Après qu'ils fussent rentrés, la plupart des cas de manière forcée, il restait des fosses communes emplies de cadavres dans les camps du Nord Kivu et du Sud Kivu, Kibumba, Katale, Kahindo et Kalima.

 

Parmi ceux qui rentrèrent au Rwanda, bon nombre furent assassinés, d'autres détenus, et d'autres disparus dans des centres d'internement clandestins, perdant tous leurs biens, propriétés et équipements, tandis que les centaines de millier qui n'ont pas choisi ou n'ont pas eu la possibilité de retourner au Rwanda, ont été traités par les autorités de l'A.P.R./F.P. R. de « génocidaires ».

 

27.  En République Démocratique du Congo, en plus des massacres systématiques et planifiés des réfugiés, attaques généralisées et indiscriminées, exécutions et assassinats sélectifs de la part de l'A.P.R./F.P. R., les deux conflits ayant été conduits à terme dans ladite république avaient pour objectif le pillage systématique et organisé des ressources naturelles richissimes, entièrement détournées à l'avantage des forces armées, des groupes politico-militaires rebelles, des autorités civiles et des entreprises complexes liées à toutes ces forces armées.

 

Ainsi, par exemple, peu après la capture de Kinshasa, furent découvertes à Lubumbashi environ 300 toneaux remplis de diamants, prêts à l'exportation ; à peine découvertes, ces pierres précieuses ont été transportées par avion à Kigali.

 

De même, dans la même région de Lubumbashi, ont été perpétrés des pillages importants d'or, de diamants et de coltan.

 

Les actes de pillage ont servi, tantôt au financement de la guerre et des opérations militaires subséquentes, de même que pour l'enrichissement personnel des hauts commandants militaires de l'A.P.R./F.P. R.

 

II.                  LES VICTIMES ESPAGNOLES.

 

1.      Joaquim Vallmajo I Sala, né à Navata, Figueres (Girona), le 21 mars 1941. Ce missionnaire d'Afrique (Pères Blancs) fut ordonné à Girona le 27 juin 1965, partant en voyage au Rwanda la même année. Est reconnue sa lutte en faveur des Droits de l'Homme.

 

Au cours de ses dernières années, il a assumé la responsabilité des œuvres sociales et du développement dans le diocèse de Byumba, au nord du Rwanda, ainsi que l'aide aux déplacés de guerre, organisé dans les camps de Rebero, Kabondo, Muhura et Bugarura.

 

A cette époque, il a dénoncé ouvertement les situations d'injustice dont le peuple souffrait, en particulier les déplacés et les réfugiés, quelque soit leur origine ethnique, dénonçant les graves responsabilité s de l'une ou l'autre bande, et annonçant qu'il serait difficile d'empêcher en ce moment « la zaïrianisation du conflit », et venant à écrire « les Tutsi ont lancé une campagne mondiale de désinformation pour faire croire que les assassins sont les victimes et les victimes les assassins ».

 

Quelques jours avant sa disparition, il a fait une déclaration à un journal dénonçant qu'à diverses occasions avaient été intentionnellement filmés des cadavres identifiés comme des victimes Tutsi, alors qu'il s'agissait en réalité de victimes Hutu.

 

Vers 14 :20 heure, le mardi 26 avril 1994, des militaires de l'A.P.R./F.P. R. ont arrêté Joaquim Vallmayo dans le village de Kageyo (Byumba). Depuis lors, il n'a jamais plus été vu ni son corps récupéré.

 

Trois jours auparavant, le 23 avril, un de ses collaborateurs a été assassiné, ce pour quoi il avait demandé des explications aux militaires de l'A.P.R.

 

Le lundi 25 avril, à l'occasion de la libération d'une jeune religieuse qui avait été appréhendée dans une zone de combat, il fut intercepté pour un contrôle du FPR, au cours duquel le responsable le reconnut et l'accusa d'être « un disciple d'André Perraudin », et l'accusant de « dans tes homélies, tu as parlé en mal de nous… tu as dit que ceux du FPR se condamnaient… tu payeras un de ces jours ».

 

En ce même 26 avril, trois autres prêtres (Hutu) qui l'accompagnaient le 25 (Joseph Hitimana, Faustin Mulindwa et Fidèle Milinda), ont disparu sans laisser de traces, de la même manière que Joaquim Vallmajo.

 

Jusqu'à ce jour, les autorités rwandaises n'ont donné aucune explication concernant la conduite d'enquêtes pouvant servir à la découverte des auteurs de ce fait.

 

2.      Servando Mayor Garcia, né à Hornillos del Camino (Burgos) le 20 juillet 1952,

Julio Rodriguez Jorge, né à Piñel de Arriba (Valladolid) le 20 octobre 1956,

Miguel Angel Isla Lucio, né à Villalain (Burgos) le 8 mars 1943,

Fernando de la Fuente de la Fuente, né à Burgos le 16 décembre 1943,

 

Tous religieux maristes, faisant partie de la Communauté que cet ordre avait implanté dans le camp de réfugiés de Nyamitangwe (à quelque 20 kilomètres à l'ouest de la ville de Bukavu, dans la partie orientale du Congo).

 

Dans ce camp, étaient rassemblés environ 30.000 réfugiés rwandais, la majorité d'entre eux étant des jeunes de moins de 25 ans, presque tous des enfants. Ce camp était administré par la Croix Rouge sous le parrainage de l'ACNUR/HCR.

 

Les quatre religieux vivaient à quelque 3 kilomètres du camp dans le hameau de Bugobe et avaient organisé une école pour environ 5.000 réfugiés Hutu mineurs, reçus pour suivre l'enseignement primaire et secondaire en parallèle à celui des mineurs congolais. Cette initiative fut fortement combattue par les gouvernements du Zaïre et du Rwanda du FPR, les religieus espagnols dénonçant la situation que vivaient les réfugiés, spécialement lorsqu'en juin 1996, l'ACNUR/HCR décida de suspendre l'aide alimentaire, étant donné la situation dans laquelle demeuraient les réfugiés refusant de rentrer dans leur pays.

 

A la fin du mois d'octobre 1996, à l'annonce des informations concernant l'avance des militaires des rebelles Banyamulenge, appuyés par l'A.P.R./F.P. R., les religieux espagnols ont décidé de rester unis aux réfugiés qui n'avaient pas pu fuir, afin de leur apporter aide et assistance.

 

Le 30 octobre 1996, Servando Mayor Garcia, via l'émission de Radio Cadena COPE en Espagne, a formulé, au nom des réfugiés, une demande urgente d'aide afin d'établir un corridor humanitaire avant l'extermination des réfugiés.

 

Le lendemain, 31 octobre, les militaires rebelles et de l'A.P.R./F.P. R. ont pénétré dans le camp de Nyamitangwe. Au cours de cette matinée, Servando Mayor a donné une coup de téléphone, informant que le camp était vide, qu'ils étaient seuls et qu'ils s'attendaient à une attaque d'un moment à l'autre.

 

A 20 heures, il parlait avec un proche au moment duquel des personnes ont pénétré dans l'endroit où ils se trouvaient, la communication rapportant : « Je te quitte, nous avons de la visite… », « Bonne ou mauvaise ? »… « Il semble qu'elle est mauvaise… »

 

On ne sait pas davantage des quatre religieux espagnols. Quelques Zaïrois ont entendu des cris et des coups de feu.

 

Le 9 novembre 1996, à quelque 20 à 30 mètres de la maison, dans un puits fermé de quelque 12 mètres de profondeur, ont été découverts les corps sans vie des quatre religieux, présentant des signes de torture, d'impacts de balles et des blessures profondes de machettes.

 

3.      Mme Flors Sirera Fortuny, née à Tremp (Lleida) le 25 avril 1963,

Manuel Madarazo Osuna, né à Séville le 14 septembre 1954,

Luis Valtuena Gallego, né à Madrid le 7 février 1966,

 

Etaient membres de l'organisation humanitaire « Medicos del Mundo ».

 

Après avoir effectué diverses œuvres d'aide humanitaire dans le camp de Mugunga (où étaient réfugiés environ 250.000 réfugiés Hutu), entre la fin décembre 1996 et les premiers jours de janvier 1997, ils ont transféré le projet d'aide médicale dans la ville de Ruhengeri. Après des pourparlers difficiles avec les autorités sanitaires, a été approuvé un projet d'appui sanitaire dans une circonscription comprenant une population de 200.000 personnes, dont 40.000 réfugiés rentrés dans leur lieu d'origine, l'objectif du projet étant la formation et la motivation du personnel de santé local, l'amélioration des infrastructures sanitaires de base, des activités curatives et préventives en matière de santé, et, de manière intensive à partir de janvier 1997, la participation à la distribution des médicaments vers divers dispensaires de la zone.

 

Le 16 janvier 1997, ils sont allés au dispensaire situé dans la localité de Kabere, afin d'y distribuer les médicaments. Ils arrivèrent dans la localité quelques heures après qu'un massacre y avait coûté la vie à plus de 50 personnes. Ils portèrent alors assistance à la population et portèrent secours aux blessés. Alors qu'ils s'adonnaient à cette tâche, une personne leur fit part qu'elle connaissait un endroit où se trouvaient des personnes moribondes et de nombreux cadavres qui n'avaient pas été emmenés après le massacre. Les coopérants accompagnèrent ladite personne qui leur montra ce dont elle avait parlé, ainsi qu'une fosse commune d'un autre massacre qui avait eu lieu à cet endroit le 14 janvier, avec des centaines de cadavres.

 

Le fait de leur présence en ce lieu et leur témoignage oculaire du résultat des massacres ne fut pas porté à l'attention des agents du DMI.

 

Le 18 janvier, se produisirent trois attaques successives dont l'objectif était les organisations humanitaires internationales de Ruhengeri Save the Children (Reino unido), Medicos del Mundo (España) et Médecins sans Frontières (Hollande).

 

Les résidences de ces organisations étaient réunies dans la même zone, séparées l'une de l'autre d'une de l'autre d'environ 100 mètres .

 

Dans cette même zone, à proximité d'elles, se trouvaient les bâtiments de la Gendarmerie Nationale où travaillaient plus de 250 policiers et d'effectifs militaires de l'A.P.R./F.P. R., l'Ecole Militaire avec plus de 120 effectifs, divers établissements militaires, le camp militaire de Muhoza ainsi que le bureau de l'opération sur le terrain au Rwanda du Haut Commissariat pour les Droits de l'Homme (HRFOR).

 

L'attaque contre les coopérants eut lieu pendant une période de temps de deux heures, sans réaction aucune de la part d'aucune des effectifs précités.

 

Les premiers tirs ont commencé vers 19 heure, quelques minutes après le couvre-feu.

 

Après avoir éteint les lumières, évité les espaces ouverts et les fenêtres et fermé les portes, Manuel Madrazo eut un contact téléphonique avec Carmen Coll Capella et Cristina Pardo, elles-mêmes membres de Medicos del Mundo et qui se trouvaient au camp de base à Nairobi (Kenya), donnant leur témoignage qu'ils avaient essuyé des coups de feu et donné l'alerte.

 

Aux environs de 19 :40 heure, la résidence de Save the Children subit une première attaque, recevant un nombre indéterminé de balles contre la porte métallique de la maison. Peu après se produisirent deux fortes explosions, l'une résultant du lancement d'une grenade qui provoqua des dommages à la maison et aux véhicules parqués à l'extérieur de la maison. Quelques minutes après l'attaque, sont arrivés des militaires affirmant appartenir à l'APR et interdisant aux membres de l'ONG d'ouvrir la porte de la maison.

 

Vers 20 heure, un groupe composé de 8 à 12 hommes armés, la majorité d'entre eux avec des uniformes militaires, se présentèrent à la résidence de Medicos del Mundo, qui était fermée et surveillée par un gardie du nom de Jean de Dieu Batuye.

 

Quatre hommes en uniforme de camouflage, appartenant à l'APR et portant trois armes longues et une arme courte, dirent au gardien d'ouvrir afin de garantir la sécurité des coopérants espagnols, et passèrent sans ménagement pour le gardien, ouvrant l'entrée de l'accès extérieur tandis que le reste des militaires restaient à l'extérieur de la maison.

 

Ces quatre hommes entrèrent à l'intérieur de la maison où ils s'entretinrent avec les occupants, Mme Flors Sirera, Manuel Madrazo, Luis Valtuena et un citoyen des Etats-Unis Nitin Madhav. Tandis qu'ils s'entretenaient, un des hommes prit quelque chose de faible valeur en inspectant la maison (vêtement et monnaie). Ensuite, le militaire qui semblait être le chef leur demanda de présenter leurs passeports qu'il examina, ce après quoi et apparemment sans problème, il ordonna de quitter la maison.

 

Au moment de partir, des coups de feu furent tirés à l'extérieur, Manuel Madrazo et Nitin Madhav se couchant par terre, tandis que Flors Suirera et Luis Valtuena choisissaient de fuir en direction contraire, vers la partie arrière de la maison.

 

Ensuite, le chef militaire qui venait de sortir de la maison voulut y rentrer à nouveau, et, sans mot dire, tira sur Manuel Madrazo et Nitin Madhav, tandis que d'autres militaires entraient dans la maison en tirant sur Flors Sirera. Depuis l'extérieur de la maison, fut tirée une rafale de coups de feu vers l'intérieur, dans la zone de la cuisine, atteignant Luis Valtuena.

 

Manuel Madrazo, Flors Sirera et Luis Valtuena perdirent la vie à cause de leurs blessures par balles. Nitin Madhav fut gravement blessé à sa jambe gauche qui dut être amputée en urgence au cours de cette nuit.

 

Vers 20 :15 heure, ont été tirés quelques coups de feu à proximité du siège de Médecins sans Frontières, tirs effectués par un groupe de 8 à 10 militaires appartenant à l'APR du détachement de Ruhengeri. Après avoir tenté en vain que les gardiens leur ouvrent la porte et en les menaçant en tirant quelques balles, battirent en retraite ( ?) en quittant les lieux.

 

Les autorités rwandaises n'ont pas répondu à la demande d'information effectuée par ce juge concernant l'enquête qui, eût égard aux circonstances, à la nature et aux responsables des faits, pouvait être réalisée par elles.

 

4.      Isidro Uzcudun Pouso, n » à Pasaia (Guipuzcoa) le 24 janvier 1931. Ordonné prêtre en 1957, parti en mission au Rwanda en 1963. Il a presté service dans les paroisses de Kayensi et Mugina (Rwanda Central). Promoteur de la paix et de la réconciliation, défendeur des Droits de l'Homme, il s'est singularisé par la dénonciation sociale de l'injustice et de la défense des personnes soumises aux abus.

 

Il a dénoncé de manière significative l'existence d'affrontements avec les autorités de l'APR.

 

Rien que dans la localité de Mugina, ont été assassinés par l'A.P.R./F.P. R. 1.325 personnes entre mai 1994 et août 1995.

 

En 1996 et 1997, les autorités militaires de l'APR commencèrent à qualifier les prêtres de la localité d' « interahamwe » (extrémistes Hutu), ayant recours également à des attaques verbales et à des menaces, avec pour motif les explications que les prêtres exigeaient sur la situation des réfugiés qui arrivaient à Mugina.

 

Le 10 juin 2000, un jeune du nom de Sylvain Rulinda, qui était arrivé vers 10 heure à bord d'un véhicule Toyota en compagnie du sergent Marcel Kalisa et de deux civils non identifiés, ont interrogé à trois repises Isidro Uzcudun.

 

En arrivant à la paroisse vers 18 heure, le sergent Marcel Kalisa et l'un des civils utilisèrent la porte d'entrée de Janvier Ndayambaje et s'introduisirent à l'intérieur par une porte latérale. Après avoir immobilisé le domestique du prêtre, ils se dirigèrent vers ceux qui se trouvaient dans la salle à manger. Le civil portait un pistolet et le sergent un Kalachnikov. Après avoir pris les clés de la voiture, d'Isidro Uzcudun, ils demandèrent de l'argent, libérant celui qui était sous une caisse. Devant la demande de plus d'argent, le prêtre refusa en disant que s'ils avaient à le tuer, qu'ils le fassent rapidement, ce après quoi, le sergent Marcel Kalisa le pointa et l'abattit d'un coup de feu dans le thorax, provoquant la mort d'Isidro.

 

Aucune information n'a été obtenue de la part des autorités du Rwanda, en référence à l'enquête qui aurait pu servir à l'élucidation des faits ayant entraîné l'assassinat d'Isidro Uzcudun.

 

 

III.                  LES PREUVES PRATIQUES.

 

Les indices rationnels de criminalité que sous-entend la présente résolution se fondent sur les preuves pratiques des enquêtes actuelles, initiées en date du 28 février 2006, lorsque ont commencé les déclarations sous serment par la partie demanderesse (parte acusadora).

 

1.      Le témoin TAP-006, civil, appartenant à l'ethnie Hutu, a témoigné dans sa déclaration judiciaire avec une connaissance extensive des faits criminels qui se sont déroulés au Rwanda, et surtout en particulier depuis la date du 19 juillet 1994, date à laquelle il fut nommé Secrétaire Général du Gouvernement du Rwanda, jusqu'à la date du 22 août 1994 où il fut nommé chef des Services Secrets Civils du gouvernement politico-militaire de l'A.P.R./F.P. R. (Armée Patriotique Rwandaise / Front Patriotique Rwandais), exerçant en parallèle la charge de chef du Bureau Central National d'INTERPOL, siégeant dans la capitale rwandaise, Kigali, ces deux charges ayant été exercées de manière continue sur le territoire du Rwanda jusqu'en date du 31 août 1995, date à laquelle il décida de démissionner de ses charges, après avoir pris le chemin de l'exil. Les faits qu'il déclare connaître le sont de manière directe, lors de l'exercice de ces deux hautes charges.

 

TAP- 006 a donné des détails sur les responsabilité s des crimes de ceux qu'il arriva à connaître, distinguant les faits de ceux qui furent témoins oculaires ou qui parvinrent à être au courant par leurs propres voies, des faits qui furent portés à la connaissance de manière indirecte ou via des tierces personnes qui méritent la confiance, identifiant de manière claire les personnes responsables des crimes concrets, comme dans les rapports des organisations internationales qui ont contribué à la plainte ayant initié la procédure présente.

 

Dans sa déclaration, TAP- 006 a expliqué comment il fut témoin direct des kidnappings et exécutions sommaires de la population civile et des déplacés de guerre, particulièrement au cours des années 1994 et première moitié de 1995, et ce en divers endroits du territoire du Rwanda. Ainsi que pour les attaques systématiques contre la population civile, particulièrement au nord et au centre du pays, au cours de ladite période.

 

En sa qualité du plus haut responsable des « Services Secrets civils, il a pu connaître et établir des listes bien détaillées, avec prénom et nom de famille de 104.800 personnes mortes de façon violente en diverses circonstances et lieux, à cause du pouvoir politico-militaire de l'A.P.R./F.P. R., et ce pendant une année entière, c'est-à-dire depuis la prise violente du pouvoir en juillet 1994, jusqu'à peu de temps avant la date de son exil et de sa démission en juillet 1995 (parmi un total de 312.726 victimes connues de l'A.P.R.). De même, il a pu déterminer de manière détaillée le nombre et la localisation de 173 fosses communes utilisées par l'A.P.R./F.P. R. pour se débarraser des cadavres, faisant référence au fait qu'à d'autres occasions les cadavres furent massivement incinérés dans des endroits comme le Parc National de l'Akagera ou dans la Forêt de Nyungwe (respectivement au nord-est et au sud-ouest du pays, ces endroits étant des zones naturelles et pratiquement dépeuplées, d'accès difficile et qui furent l'objet d'un contrôle militaire strict par l'APR), ainsi que d'autres localités comme Mutara, Dirima, Kabutare, Save et Nshili. Ces informations furent ultérieurement corroborées et amplifiées par quelques déserteurs membres de l'APR, et plus spécialement par les témoins protégés TAP-003, TAP-043 et TAP-002, pour ne citer que les plus importants.

 

Il a identifié les 10 responsables criminels les plus importants selon l'information à laquelle il avait accès en tant que chef des Services Secrets rwandais, tout en gardant à l'esprit que les crimes concrets dont il a reçu l'information se sont déroulés entre août 1994 et juillet 1995.

-          Le général-major Paul Kagame, en sa condition de Commandant en chef de l'A.P.R. (High Command Officer – HCO). TAP- 006 a distingué clairement entre les faits criminels qui sont attribués à la décision personnelle et directe du général-major Paul Kagame, lesquelles décisions étant orientées afin de couvrir les crimes commis par ses subalternes hiérarchiques avec son ordre, sa connaissance ou son accord, selon les cas. Les trois faits criminels clairement identifiés sont concrètement les massacres de la population civile de la ville de Byumba et environs (ville au nord du Rwanda), séparant les épisodes de massacres dans le Stade de Byumba et Nyinawimana à la fin d'avril 1994, les massacres des évêques et religieux près de Kabgayi du mois de juin 1994 (les révélations en relation avec lesdits crimes et leurs responsables –avec le général-major Paul Kagame en tête- ont été ultérieurement confirmées et complétées tout spécialement par les témoins TAP-002 et TAP-043, coïncidant avec le territoire assigné pour ses opérations). Il a également identifié un troisième crime attribuable à l'ordre direct du general-major Paul Kagame : les massacres de civils à Kibeho et environs, en dates du 21 au 23 avril 1995.

Et quant à la couverture des responsables criminels  hiérarchiquement subalternes, ainsi que le camouflage des crimes perpétrés, il a également identifié les personnes suivantes : colonel Twahirwa Dodo, lieutenant-colonel Fred Ibingira, colonel Kayumba Nyamwasa, lieutenant-colonel Charles Kayonga et colonel Bagire, pour donner les exemples les plus éloquents. Ainsi que nous le verrons, ces responsables semblent suffisamment cités par les autres témoins protégés et non protégés.

-          Le général-major Kayumba Nyamwasa, en sa condition de Chef des Services Secrets Militaires (Commanding Officer of the Directory of Military Intelligence – D.M.I.) jusqu'au jour de juillet 1994 où la guerre s'est terminée officiellement. Il lui a attribué la responsabilité directe pour les massacres commis sous son ordre direct ou celui de ses militaires hiérarchiquement inférieurs comme le lieutenant-colonel Jackson Rwahama Mutabazi, le lieutenant-colonel Jack Nziza, le colonel Dan Munyuza, le capitaine Charles Karamba, le capitaine Joseph Nzabamwita, le major Steven Balinda et le lieutenant Alphonse Mbayire, entre autres.

-          Le général de brigade Karenzi Karake, en sa condition de Chef des Services Secrets Militaires (Commanding Officer of the Directorate of Military Intelligence –D.M.I.) depuis juillet 1994 (en remplacement du général-major Kayumba Nyamwasa) jusqu'au mois de mars 1997 (en conformùité avec le témoin et d'autres témoins comme TAP-043 et TAP-002, qui ont complété les informations relatives à sa responsabilité criminelle au cours des périodes postérieures) . Lui ont été attribuées les responsabilité s directes au cours des massacres commis par le DMI au cours de cette période. TAP- 006 a spécialement témoigné sur les crimes commis à Kigali et dans le reste du pays au cours de la période où il a exercé ses fonctions auparavant détaillées, c'est-à-dire au cours des années 1994 et 1995. De même, lui a été attribuée la responsabilité criminelle directe des assassinats sélectifs – et stratégiques -  de personnalités politiques assassinées durant la guerre et ses diverses trêves, c'est-à-dire entre 1990 et 1994 (il a été fait références aux opérations terroristes d'assassinats politiques comme ceux d'Emmanuel Gapyisi ou Félicien Gatabazi, respectivement en 1993 et 1994, entre autres, alors que l'A.P.R./F.P. R. n'avait pas encore accédé au pouvoir par la force et était encore un groupe rebelle politico-militaire. D'autres témoins ont également fait référence à la responsabilité criminelle directe pour ces crimes, comme par exemple TAP-043).

-          Le colonel Fred Ibingira, à qui ont été attribuées les responsabilité s directes dans les massacres commis contre la population civile au Bugesera, au Mayaga et à Butare en 1994 ainsi qu'à Kibeho en 1995.

-          Le général de brigade Sam Kanyemera « Kaka », à qui sont attribuées les responsabilité s directes pour les massacres commis par les troupes du Bataillon Alpha au cours de son avance militaire violente vers Kigali au cours du mois d'avril 1994.

-          Le colonel Twahirwa Dodo, à qui ont été attribuées les responsabilité s directes pour les massacres commis par la Brigade de l'axe Umutara-Kibungo au cours des années 1994 et 1995.

-          Le lieutenant-gé néral de brigade Charles Kayonga, à qui ont été attribuées les responsabilité s directes pour les massacres commis dans la ville de Kigali en 1994, ainsi qu'à Gitarama et Kibuye en 1995.

-          Le colonel Charles Ngoga, à qui ont été attribuées les responsabilité s directes pour les massacres commis par la Brigade de l'axe Gitarama-Kibuye en 1994 et par la Brigade de l'axe Butare-Gikongoro- Cyangugu en 1995.

-          Le colonel Caesar Kayizari, à qui ont été attribuées les responsabilité s directes pour les massacres commis dans la ville de Cyangugu (ville frontière située à l'ouest du Rwanda, sur la rive du Lac Kivu et près du Zaïre à l'époque).

  

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Texte original: http://www.latinreporters.com/espagneRwandaAudienceNationale06022008.pdf
Source traduction: Forum: feidar_info@yahoogroupes.fr