Rwanda-Burundi : la nouvelle route des affaires

Rwanda, Burundi
Janvier Murenzi

(Syfia Grands Lacs/Rwanda) La nouvelle route qui relie le Rwanda au
Burundi et desservira le futur aéroport de Kigali, attire dans le
Bugesera rwandais, jusqu'alors peu développé, de nombreux
investisseurs. Hommes d’affaires, rwandais mais aussi burundais et
tanzaniens s'y pressent.

Course contre la montre pour les hommes d'affaires rwandais qui se
précipitent nombreux dans le Bugesera, au sud-est du Rwanda. Ils
veulent être les premiers à profiter des opportunités offertes par la
nouvelle route qui relie Kigali à Nemba, sur la frontière avec la
province de Kirundo au nord-est du Burundi. Les 40 premiers kilomètres
sont finis depuis juillet dernier et, début 2008, les 60 km seront
totalement macadamisés. Rwandais, Burundais, mais aussi Ougandais et
Tanzaniens, tous affluent dans cette région longtemps isolée et laissée
pour compte.


Les opérateurs économiques de Kigali et les Églises qui n’avaient
jamais réalisé que le Bugesera était un carrefour, se bousculent
aujourd'hui pour construire magasins et hôtels à Nyamata, chef-lieu de
la région, à mi-parcours entre Kigali et Nemba. "L’association des
Églises pentecôtistes du Rwanda a commencé à monter un hôtel. Quatre
autres hommes d’affaires attendent impatiemment la finalisation du plan
directeur de la ville de Nyamata pour construire les leurs", révèle
Cassien Kasire, directeur des infrastructures dans le district de
Bugesera. D’autres veulent installer des hôtels et motels sur la
frontière entre les deux pays.

Prix des parcelles multiplié par dix
À Nyamata, ville jusqu'alors poussiéreuse et peu attractive, les
bâtiments poussent chaque jour. Les marchés débordent de denrées
alimentaires, contrairement aux années précédentes. Cette frénésie est
aussi motivée par le projet de construction d’un aéroport international
plus étendu que celui de Kigali, à Karera, à 11 km à l’est de Nyamata.


"Cette situation influe sur la valeur des parcelles.

Une parcelle coûtait 100 000 Frw (182 $) au début de la construction de cette route
en 2006. Son prix a été multiplié par dix, une année après : elle coûte
maintenant un million", précise Cassien Kasire.
Les investisseurs comptent en effet sur une importante clientèle sur ce
nouveau marché au centre de quatre pays : Rwanda, Burundi, Ouganda et
Tanzanie. "Sans nul doute, le Bugesera connaîtra au même titre que
Kigali, l’afflux de commerçants ougandais et plus encore des Burundais
qui seront plus près de chez eux et des Tanzaniens très proches",
analyse Kamanzi, boulanger de Kigali qui pense s'installer dans le
coin. De Nyamata, il faut entre une heure et trois heures pour
atteindre Rusumo sur la frontière tanzanienne et six heures pour
Bujumbura.
Parallèlement, des Burundais ont commencé à s’installer au nord de leur
pays pour profiter des opportunités offertes par ce nouveau corridor.
"Nos voisins burundais empruntent déjà la nouvelle route pour se rendre
à Kigali. D’autres tentent de s’installer durablement dans la région du
Bugesera pour bénéficier de la nationalité rwandaise", confie Cassien
Kasire.

La route facilite la vie des habitants
Cette région, régulièrement confrontée à des disettes, a vu finalement
le ciel lui sourire, remarque Kanakuze, mère de trois enfants, qui fait
désormais la navette Kigali-Nyamata pour aller à son travail. "En moins
de 45 minutes, je suis déjà dans mon bureau, ce qui était impossible
auparavant", se réjouit-elle. Avant 17 heures, elle est déjà rentrée
chez elle pour s’occuper de ses enfants.
Le transport a aussi été facilité par l'arrivée de plusieurs agences de
transport. "En 2006, il n’y avait qu’un seul taxi ponctuel de
l’Association des transporteurs en commun, mais à présent, cinq agences
rivalisent ici à Nyamata. Chaque heure, de 6 à 19 heures, les véhicules
emmènent les gens à Kigali et vice versa", explique François, agent du
district de Bugesera, qui souligne qu’avant, on ne pouvait pas regagner
la capitale à partir de 17 heures.
Jusqu'à la construction de la route, il fallait deux heures à bord d'un
vieux minibus et 1000 Frw (1,8 $) pour aller à Kigali. Actuellement, on
y va en 25 minutes pour 500 Frw (0,9 $). Plus rapide, plus large, la
route goudronnée est appréciée des chauffeurs.
Facilités de circulation, retombées économiques, les habitants de la
région sont enchantés. "Avant, il était difficile de sauver les vies
des personnes gravement malades transférées à Kigali, car ces dernières
trépassaient avant d’arriver à l’hôpital à cause de l’état de la
route", se rappelle Musonera, maire du district de Bugesera.
Le projet de construction de la route Kigali-Nemba est vieux de 44 ans.
Il a été conçu en 1963, mais ce n'est qu'en avril 2006 que le premier
coup de pioche a été donné.