4.                Le témoin TAP-041 a fait spontanément sa déposition devant ce Juge en date du 5 décembre 2006.




Le témoin TAP-041 a ratifié intégralement le contenu de la plainte à laquelle il fit directement référence.

A l'égal de Marie Béatrice Umutesi il a apporté un document qui consiste en la description des faits endurés par lui et par d'autres [p.88] réfugiés comme complément à son témoignage. Il a aussi ratifié dans son contenu ce complément de témoignage documenté.

Le témoin TAP-041 est né au Rwanda en date du 28 juin 1969. Ainsi qu'il en a fait part au cours de son audition judiciaire, il a fui de son village natal (Kinyamakara, Préfecture de Gikongoro) juste après l'attentat présidentiel et avant l'avance de l'A.P.R./F.P. R. dans la région. Il a pris la route occidentale en direction de Cyangugu (voir la carte, ville frontalière avec le Zaïre, située sur le Lac Kivu au sud-ouest du Rwanda), parvenant à traverser le pont sur la Ruzizi à la fin du mois de juin 1994 et s'installant comme il put dans la ville zaïroise de Bukavu.

 

Le témoin TAP-041 a reçu une aide en management au camp de réfugiés installé à Kashusha, camp de réfugié où il s'était installé initialement. Plus tard, il a déclaré avoir bénéficié d'une formation dans le camp d'Adi-Kivu, sous la coordination du Service Jésuite des Réfugiés, coordonné par le jésuite espagnol Lluis Magrina.

 

Quand il fut interrogé s'il avait connaissance de l'existence des quatre frères maristes espagnols, il a affirmé connaître le camp de réfugiés de Nyamirangwe où il s'était déplacer pour constater de visu les énormes difficultés qui empêchaient ces religieux de pouvoir réaliser les tâches éducatives de base en faveur des réfugiés, difficultés provenant tantôt des autorités congolaises –sous pression rwandaise-, tantôt de la part du U.N.H.C.R., devant la volonté manifeste, en diverses occasions, de fermer les camps de réfugiés et de forcer leur retour au Rwanda. Il a été mis au courant de leur mort ultérieurement, en cours de chemin lors de sa fuite vers l'ouest du Zaïre, de même qu'il apprit aussi la mort de l'évêque zaïrois Christophe Muhizirwa.

 

 

Le témoin TAP-041 a expliqué lors de son audience judiciaire comment il est demeuré principalement dans le camp de Kashusha jusqu'à ce que ce camp fut attaqué en date du 2 novembre 1996. Cette attaque se produisit au moment où il s'apprêtait à manger sa petite ration de nourriture, devant l'abandonner lorsque furent tirés, contre lui et les autres réfugiés du  [p.88] camp, des rafales d'armes automatiques dans toutes les directions, voyant comment certaines touchaient certains compagnons réfugiés et notant comment une balle faillit le toucher. Il a affirmé avec clarté, avec tout un luxe d'explications, que furent utilisées au cours de cette attaque et d'autres attaques des armes automatiques Kalashnikov, un son qu'il reconnaissait lui être familier. Lors de l'attaque du camp de Kashusha, il a affirmé avoir subi une attaque d'obus Katiuska, de l'armement lourd. E plus, il a affirmé que cette attaque fut réalisée par des éléments militaires rwandais sans uniforme, donnant la même explication que Marie Béatrice Umutesi en relation à la méthode d'identification par la langue, c'est-à-dire le kinyarwanda.

Selon ce qu'il a déclaré de son propre chef, le témoin TAP-041, il a pu fuir après cette attaque pour aboutir, à l'égal de Marie Béatrice Umutesi dans le Parc National de Kahuzi-Biega, racontant comment il l'a traversé en quatre jours –sans pratiquement manger-. Il a précisément raconté comment, en présence du témoin TAP-010, ils ont rencontré en chemin Marie Béatrice Umutesi, parvenant finalement à la reconnaître. Elle était inconsciente et malade, couchée à même le sol, avec les gencives fortement enflammées, le témoin TAP-010 lui portant secours avec une pièce de monnaie afin de pouvoir extraire les molaires infectées. Plus tard en chemin, après des jours sans pratiquement voir la lumière à cause de la densité de la forêt et avoir avancé le long de ruisseaux parce qu'il n'y avait pas de chemins, ils finirent par rencontrer à nouveau Marie Béatrice Umutesi, tout en avançant vers Hombo, tout heureux de la retrouver en meilleure forme.

 

 

Tandis qu'ils avançaient en fuyant les attaques des militaires rwandais qui les persécutaient implacablement, selon sa déclaration, ils ont perdu des gens qui sont restés en arrière par fatigue, par maladie, par manque d'alimentation, tandis qu'ils rencontraient de nouveaux compagnons en chemin ou re-rencontraient d'autres connus. Quelques exemples : au cours de la nuit du 7 au 8 décembre 1996, des soldats de l'A.P.R., cheminant via l'axe Bukavu-Miti- Bunyakali ont coupé le pont Chambuca à Hombo, l'unique voie de salut des réfugiés qui se sauvaient vers la forêt, en particulier par l'axe Nyabibwe-Shanje. Le témoin TAP-041 a rencontré plus tard au cours de sa fuite un homme du nom de témoin TAP-011, faisant partie du groupe qui venait de Shanje, et il raconta comment il put échapper à un [p.90] massacre qui se produisit au carrefour de Hombo, au pont de référence où il y eut de nombreuses victimes mortes –au moins deux cent, dont deux amis du témoin TAP-041-, ainsi que des blessés de diverses gravité. E la même manière, il a raconté un autre massacre qui eut lieu à Tebero : cela a coïncidé avec ce que d'autres réfugiés ont réfugié sur les attaques contre les camps du Nord-Kivu, région de Goma, dans une dynamique parallèle à ce qui a été subi par le témoin TAP-041. Lui ainsi que les autres réfugiés qui fuyaient en se dirigeant vers le village de Tebero, ont rencontré une grande quantité de cadavres, parmi lesquels il put reconnaître l'un de ses compagnons du camp d'Inera –du nom de Théophile- assassiné par balles, ainsi que l'épouse de Manase (auteur d'une chanson populaire rwandaise renommée). Ce fut dans la poursuite de sa fuite qu'il rencontra deux survivants du massacre précité de Tebero, les témoins TAP-012 et TAP-013, qui lui racontèrent comment, depuis Hombo à Tebero, des soldats cachés dans la forêt avaient tendu diverses embuscades tantôt dans la forêt, tantôt lors de la marche des réfugiés vers Tebero. Ces réfugiés ont marché dans la forêt en file indienne, le témoin TAP-012 relatant le massacre qui se produisit le 19 décembre 1996. Il s'est souvenu avec précision de l'expression du visage de deux enfants abandonnés qui pleuraient sur le bord du chemin en fuyant. E groupe de réfugiés fut attaqué par surprise durant les premières heures de la matinée par des éléments de l'A.P.R. avec des tirs de balle et d'obus, fuyant terrorisés dans toutes les directions, de sorte que le témoin TAP-012 se coucha finalement sur le sol, désespéré et immobilisé, et espérant rencontrer la mort, voyant comment les corps tombaient sur lui, les blessés criant en vain au secours, les femmes abandonnant les enfants pour courir plus vite. Après cette attaque armée qui se prolongea au moins pendant quatre heures, le feu cessa, et après une période de prudence, les survivants se levèrent, le témoin TAP-012 essayant de retrouver sa mère et sa femme qui étaient près de lui, ne pouvant trouver le corps d'aucune des deux. Jusqu'à présent, il ignore ce qu'il est advenu de sa mère et de son épouse. Selon ce qu'a relaté le témoin TAP-012, il a pu voir environ 500 cadavres de réfugiés à Tebero. En des modalités quasi semblables, se produisit un massacre analogue par des éléments militaires de l'A.P.R. en provenance de Bukavu, pouvant compter environ 500 victimes, selon la déclaration du témoin TAP-041 qui connaissait les pères de deux enfants qui furent victimes du massacre de Walikale, les pères étant actuellement situés au Bénin.

 

 

 [p.91] Le témoin TAP-041 déclara s'être rendu au camp de Tingi-Tingi, d'où il se souvient de ce fait qui s'est passé avant Noël. Il raconta, en termes analogues à ceux de Marie Béatrice Umutesi, la visite d'Emma Bonino à Tingi-Tingi, se souvenant qu'elle a dit qu'elle pouvait voir que les réfugiés n'existaient pas. Il s'est souvenu aussi de la visite de la Haute Représentante de l'U.N.H.C.R. dont il se souvenait l'avoir entendu dire qu'elle pouvait garantir l'assistance et la sécurité exclusivement à ceux qui acceptaient immédiatement leur rapatriement au Rwanda. Le témoin TAP-041 a réussi à fuir précipitamment de Tingi-Tingi juste avant la destruction du camp, prenant connaissance plus tard par l'entremise d'autres réfugiés qu'il y avait eu beaucoup de victimes à cet endroit.

Le témoin TAP-041 a aussi décrit d'autres massacres qui se déroulèrent entre les mois de février et mars 1997, comme celui qui se déroula au pont métallique de Shabunda, attaqué par des soldats rwandais qui exhortaient les réfugiés en kinyarwanda pour qu'ils retournent au Rwanda. Aussi le massacre de quelques religieux et religieuses qui eut lieu à Kalima, dont un des religieux parvint à s'enfuir.

 

Le témoin TAP-041 a déclaré comment il a pu traverser le fleuve in extremis et se rendre à Ubundu, au sud de Kisangani. Devant le choix qu'il avait, soit de prendre la direction vers Kisangani, où circulaient des rumeurs signalant que la ville et ses environs étaient contrôlés et attaqués par des éléments militaires de l'A.P.R., soit de traverser la forêt, il opta en fin de compte pour la forêt du Maniéma (c'est là qu'il y perdit son ami Alfred Habinshuti et Oberte Nyiramwiza, respectivement à cause d'une maladie et à cause d'une hémorragie post partum).

 

Le témoin TAP-041, dans sa déclaration, se retrouve presqu'à la fin de son périple dans la périphérie de Mbandaka, concrètement à Wendji-Secli au début de mai 1997 (après être passé –avec des marches journalières de 30 à 40 kilomètres, sans avoir à manger dans de multiples occasions et avec divers problèmes physiques- par Opala, Ikela, Boende et Ingende, d'innombrables situations limites comme celle qu'il put raconter [p.92] de s'être rendu après une longue marche, affaiblis et affamés, en un lieu où ils découvrirent quelques fûts d'huile sur lesquels ils se précipitèrent pour boire quelque chose, découvrant ensuite qu'il y avait dedans des morceaux découpés de corps en sang). Le témoin TAP-041 a déclaré dans sa déposition qu'il est parti de l'est du Zaïre –du camp de Kashusha- avec 68 kilogrammes, tandis qu'à Wendli-Secli, où il fut gravement malade à cause d'une diarrhée sanglante, il ne devait plus peser que 25-30 kilogrammes. Il a raconté comment à ce point il ne pouvait plus bouger à cause de sa maladie et de son état physique, et comment il se rendit avec un compagnon vers un endroit qui paraissait plus sûr, après qu'un prêtre de la région les avertit que des soldats rwandais étaient proches, leur suggérant de fuir immédiatement. Il a raconté comment deux jours plus tard, au cours de la nuit, ils furent réveillés par des tirs d'armes à feu, étant porté par ses compagnons à l'intérieur de la forêt jusqu'à une rivière où ils le déposèrent afin de s'enfuir en courant loin de cette attaque, moment à partir duquel il les perdit de vue. Il a relaté comment les soldats de l'A.P.R. ont poursuivi et mitraillé tous les réfugiés qui fuyaient dans cette zone, le témoin TAP-041 se cachant comme il pouvait dans la rivière entre quelques buissons, vu qu'il ne pouvait ni courir, ni s'enfuir. Il a déclaré être demeuré à cet endroit, immergé jusqu'au cou pendant cinq jours, tout en voyant passer bon nombre de cadavres flottants et du sang en abondance. Depuis sa position cachée, il a vu comment ont été massacrés quelques réfugiés qui pensaient que les attaques étaient terminées. Il supposa que la majorité de ceux qui avaient fui en direction de Mbandaka avaient été massacrés. Il s'est souvenu qu'un Père Blanc avec une camionnette orange, qui était français ou belge, avait filmé quelques images de ce massacre de la ville de Mbandaka.

 

Pour terminer, il a expliqué comment il a pu passer au Congo-Brazzaville et comment il avait survécu, commençant quasiment à zéro, accueilli, non sans difficultés, par des Pygmées.

 

 

5.                Le témoin Jean Marie Vianney Ndagijimana a fait sa déposition devant ce Juge en date du 5 décembre 2006.

[p.93] Jean Marie Vianney Ndagijimana a déclaré, en résumé, qu'à partir de 1977, il s'est consacré à la fonction publique, ayant été ambassadeur du Rwanda dans divers pays (entre autres comme ambassadeur rwandais à Paris entre 1990 et 1994, signalant que les relations diplomatiques avec l'Espagne relevaient de sa compétence fonctionnelle et territoriale) et représentant du Rwanda auprès de l'O.U.A. et d'autres organismes internationaux. Entre juillet et le premier octobre 1990, il fut nommé Ministre des Affaires Etrangères (MINAFET) du Rwanda (en tant que représentant du parti politique M.D.R. dans le Gouvernement d'Union Nationale dirigé par le F.P.R.). En octobre de l'année 1994, en désaccord avec le massacre de milliers de civils (Hutu) par les troupes du F.P.R./A.P.R. , il décida de remettre sa démission et de prendre le chemin de l'exil d'une manière qu'il expliqua.

 

Au cours de sa déposition, il a fait part comment au cours de l'année 1994, s'est établie une Commission Internationale dans le but de connaître ce qui se passait au Rwanda, signalant que le F.P.R./A.P.R. ne devait pas soumettre à cette Commission Internationale les territoires qui étaient sous son contrôle. Il a déclaré de manière concise quel était le type de gouvernement et de prise de décisions, lorsqu'il participait aux délibérations en tant que MINAFET, une fois qu'il fut nommé en juillet 1994 : il signala le décalage existant entre les points qui se discutaient et les points qui étaient décidés en marge du Conseil des Ministres, auxquels le témoin n'a jamais eu accès, ayant le sentiment qu'il avait une mission sans savoir ce qui avait été décidé dans son dos.

 

Il a déclaré être personnellement au courant, en tant que MINAFET, de ce qui fut connu comme « Rapport Gersony » : le témoin fit état que ce Rapport faisait référence à une Mission d'Enquête du statu quo rwandais par le Haut Commissariat pour les Réfugiés (U.N.H.C.R.) , une fois que le F.P.R./A.P.R. eut pris le pouvoir et avant la tragédie que vécut le Rwanda en juillet 1994 et avant la crise humanitaire qui entraîna –suppose-t-on- plus d'un million de personnes à partir se réfugier dans les pays voisins, fuyant les affrontements militaires, se réfugiant principalement vers le Zaïre, quoique aussi en Tanzanie et au Burundi. L'objectif de la Mission de cet organisme des Nations Unies était précisément d'établir si le Rwanda [p.94] réunissait les conditions de sécurité suffisantes pour faciliter un rapatriement massif des réfugiés.

 

Le MINAFET de l'époque, Jean Marie Vianney Ndagijimana, suppose que cette mission était le fruit d'une réunion à haut niveau avec une délégation officielle des Nations Unies, tenue dans son bureau officiel, réunion qui eut lieu en date du 19 septembre 1994. Selon sa déclaration ont assisté à cette réunion : le Secrétaire Général Adjoint des Nations Unies et Responsable du Département des Missions de Maintien de la Paix (D.P.K.O.) Mr. Kofi Annan, le Représentant Spécial du Secrétaire Général des Nations Unies au Rwanda Mr. Sharyar Khan, le irecteur pour l'Afrique du U.N.H.C.R., le délégué du U.N.H.C.R. au Rwanda, ainsi qu'un expert nord-américain qui était responsable de la Mission et du Rapport qu'il devait réaliser, Mr. Robert Gersony. Du côté du Ministère des Affaires Etrangères étaient présents, en plus du Ministre de l'époque, son collaborateur Simon Nsonere et un fonctionnaire du Ministère. Selon ce qu'il déclara au cours de son audition judiciaire, cette Délégation officielle des Nations Unies a informé Jean Marie Vianney Ndagijimana des conclusions pratiquement définitives de ce rapport : il a fait part à cette Délégation officielle que seulement dans trois Préfectures du Rwanda –c'est-à-dire Byumba (au nord du Rwanda), Kibungo (au sud-est du Rwanda) et Gisenyi (au nord-est du Rwanda), les trois préfectures avec un potentiel majeur pour le rapatriement possible des réfugiés pour lesquelles l'enquête avait été refusée- et au cours d'une période d'à peine deux mois –c'est-à-dire depuis la mi-juillet jusqu'à la mi-septembre- il avait rassemblé de l'information et enregistré les exécutions sélectives et massacres systématiques effectués parl'A.P.R./ F.P.R. contre au moins 30.000 personnes appartenant à l'ethnie Hutu. Selon ce qu'on pu déclaré eux-mêmes Mr. Kofi Annan et Mr. Robert Gersony, tout était détaillé : les lieux, les faits, la nature des crimes, les techniques utilisées, la disparition des corps, le nombre de victimes…, de sorte que la conclusion provisoire de ce Rapport stipula que le Rwanda ne réunissait pas à ce moment les conditions de sécurité permettant de commencer le rapatriement des réfugiés. Jean Marie Vianney Ndagijimana a pu, selon ses dires, lire et voir ce vaste rapport et discuter avec la Délégation des faits et résultats de [p.95] l'enquête. Le MINAFET de l'époque a demandé une copie de ce Rapport, recevant comme réponse qu'à ce moment ce n'était pas possible, parce qu'ils commençaient une tournée de contacts dans le but de s'informer de cette situation, décidés à pouvoir le terminer [ce rapport], afin qu'une fois terminé, ils puissent faire parvenir ce Rapport au Gouvernement du Rwanda. Selon lui, il supposa que cette Délégation s'était réunie au moins avec le Président de la République, Pasteur Bizimungu (membre du F.P.R.), avec le Premier Ministre Faustin Twagiramungu (membre du même parti que le témoin, c'est-à-dire le M.D.R.), et avec le Vice-Président et Ministre de la Défense, le général major Paul Kagame (commandant en chef de l'A.P.R.), dans le but de discuter de thèmes identiques.

 

 

Jean Marie Vianney Ndagijimana a expliqué comment il a assisté à l'Assemblée Générale des Nations Unies à la fin de septembre 1994, et comment, dans ce cadre, tantôt à New York comme à Washington, tantôt l'organisation des Nations Unies (au cours de réunions à haut niveau, y compris avec le Secrétaire Général des Nations Unies Boutros Boutros Ghali) comme le Département d'Etat des Etats-Unis, qui était au courant de l'enquête et du rapport ainsi que de ses conclusions (au cours d'une réunion avec le Secrétaire d'Etat Adjoint aux Affaires Africaines George E. Moose et le Directeur Général de USAID, agence officielle de la coopération nord-américaine) l'ont exhorté à mettre fin à cette dynamique et à ces massacres, offrant de ne pas rendre public ce Rapport et d'oublier ces victimes, au cas où la situation devait se reproduire.

 

Après son passage à New York et Washington, et après que Paul Kagame eût exigé en personne du témoin qu'il revienne immédiatement avant les premières fuites du « Rapport Gersony » à la presse, Jean Marie Vianney Ndagijimana se rendit à Paris, demanda l'asile politique et ne retourna pas au Rwanda.

Le « Rapport Gersony » fut soumis à embargo de la part des Nations Unies et ne vit jamais le jour  [p.96].

 

 

 

6.                Le témoin Maria Angel Candel Aguilar a fait sa déposition devant ce Juge en date du 25 janvier 2007.

Le témoin déclara que c'était le troisième déplacement comme coopérant médical de feu son mari Manuel Madrazo dans la région des Grands Lacs. Elle a expliqué comment, au cours de cette troisième mission, il tint à rentrer en Espagne le 22 décembre 1996 afin d'aller chez son dentiste, observant à cette occasion qu'il était fort affecté, contrairement à son accoutumée, à voir beaucoup de choses graves, s'étonnant de son souhait de ne pas s'attacher aux choses à régler, comme si il se tramait quelque chose.

 

Concrètement, en relation aux faits dont fut victime Manuel Madrazo, le témoin a rappelé la dernière conversation téléphonique qu'elle eut le 15 ou le 16 janvier (deux ou trois jours avant sa mort violente) : le témoin fit part qu'au cours de cette conversation « …je l'ai déjà trouvé complètement terrorisé et, comme il l'a dit, qu'il voulait se tirer de là sinon ils ne rentreraient pas à la maison dans les temps, parce qu'il était témoin d'une barbarie très grave, c'est-à-dire, selon ses dires, non pas en référence à la situation générale mais à quelque chose de spécifique et concret qu'il avait été porté à voir, et que c'est pour cela qu'il avait décidé de proposer de partir de là, ce préparant à voir qu'ils avaient été témoins de quelque chose de très grave… » (cela correspond dans la date et l'expression avec ce qui a été déclaré par le témoin TAP-004 en relation de ce qui s'est passé le 16 janvier 1997 et qui a été détaillé antérieurement) , ajoutant ensuite « …qu'une fois son mari a commenté qu'il craignait que les conversations téléphoniques étaient écoutées, ce pour quoi il n'était pas très expressif à ce moment… ».

 

 

 

7.                Le témoin Cynthia Ann Mc Kinney a fait sa déposition devant ce Juge en date du 8 mai 2007.

Cynthia Ann Mc Kinney, citoyenne des Etats-Unis d'Amérique a témoigné comment, en raison de son activisme en faveur des Droits de l'Homme, parmi plusieurs autres aspects, elle fut élue comme Représentante du Congrès au nom du Parti Démocrate des Etats-Unis, étant intégrée dans la Commission de la Politique Extérieure. Dans sa déposition, elle a fait part comment, en marge de cette charge publique, elle a pu prendre connaissance de faits relevants en relation avec le conflit d'Afrique Centrale, et comment [p.97] les documents et informations inter échangés avec de nombreux interlocuteurs spécialisés dans ces conflits, desquels elle a sélectionné les plus importants.

 

Elle a signalé qu'elle a effectué deux voyages importants dans le Zaïre de l'époque. Selon sa déclaration, le premier voyage eut lieu en été 1996 (concrètement au mois d'août, juste avant que se produisit ce que l'on appelle la première guerre du Zaïre/Congo et donc juste avant l'attaque contre les camps de réfugiés). Le témoin a relaté comment elle a voyagé pour prendre connaissance de « Kabila père » (faisant référence à Laurent Désiré Kabila), faisant état que pour cette première fois, elle se rendit à Lubumbashi (au sud de la République Démocratique du Congo) dans un avion affrété par la compagnie nord-américaine American Mineral Fields. Elle a aussi déclaré qu'au cours de ce voyage, elle a découvert  que dans le même avion voyageaient divers représentants de cette entreprise aussi bien que des trafiquants d'armes, signalant comment un citoyen suisse qui voyageait dans cet avion lui fit par de son mécontentement de ce qui était en train de se passer (faisant référence à ce voyage de nature politique). Elle a déclaré aussi comment, après ce voyage, et comme fruit des enquêtes qu'elle réalisa : « …elle est arrivée à la conclusion que certaines entreprises déterminées, entre autres American Mineral Fields, fournissaient armes et finances à Kabila par qui les territoires ont été envahis et grâce à qui les concessions minérales ont été modifiées… » (il faut signaler ici que la compagnie American Mineral Fields apparaît mentionnée dans le Rapport du Conseil de Sécurité des Nations Unies S/2002/1146 rédigé par un Groupe d'Experts chargé d'examiner l'exportation illégale des ressources naturelles et autres richesses de la République Démocratique du Congo, concrètement comment une des entreprises sur laquelle le Panel des Experts des Nations Unies disposait de preuves évidentes de violation des principes de l'O.C.D.E. concernant les entreprises multinationales ; de même le Premier Rapport du Groupe d'Experts des Nations Unies S/2001/357, affirme en relation avec la déclaration du témoin, point 26 « …L'exploitation illégale par des étrangers aidés par des Congolais a commencé avec la première <guerre de libération> en 1996. Les rebelles de l'A.F.D.L., appuyés par les soldats d'Angola, du Rwanda et de l'Ouganda, ont conquis les régions orientale et sud-orientale du Zaïre. A mesure qu'ils avançaient, le dirigeant d'alors de l'A.F.D.L., feu Laurent Désiré Kabila, a signé des contrats avec un certain nombre de compagnies étrangères… ».).

 

 

Le témoin a déclaré qu'après cette première rencontre, elle eut une seconde entrevue, avec un caractère plus officiel, avec le leader rebelle [p.98] à l'époque, Laurent Désiré Kabila (vu qu'elle faisait partie d'une Délégation officielle nord-américaine envoyée en mai au Zaïre par le Président de l'époque Bill Clinton, et dirigée par Richardson, le témoin ayant été incluse dans cette Délégation officielle à la demande personnelle de Bill Clinton en raison des relations de confiance qu'elle avait pu établir avec Kabila au cours de son premier voyage). Au cours de sa déclaration, elle a aussi déclaré avoir voyagé à diverses occasions au Rwanda, ayant eu des entretiens avec de nombreux personnages clés. Elle put ultérieurement prendre connaissance de rapports de l'Agence nord-américaine de renseignement, la C.I.A., en rapport au coût possible en nombre de victimes humaines dans le cas où serait provoqué un « changement de régime au Rwanda », apprenant plus tard que ce changement de régime faisait partie d'instructions et d'un instrument des Etats-Unis d'Amérique. Le témoin déclara que, dès qu'elle commença à découvrir tous ces éléments occultes du conflit, elle demanda à faire une enquête officielle qu'elle ne parvint jamais à concrétiser, ce pour quoi, elle commença à s'impliquer politiquement dans la mise à jour des faits occultes, en venant à conclure que : « …lorsqu'en août 1998, l'Ouganda et le Rwanda envahirent le Congo, les dirigeants des pays envahisseurs contaient sur l'appui financier des Etats-Unis (d'Amérique)… ».

 

 

Cynthia Ann Mc Kinney fit part, au cours de sa déclaration, de certains actes précis qu'elle réalisa au cours de l'analyse et de l'enquête des faits occultes en relation avec ces conflits belliqueux, tantôt aux Etats-Unis comme avec des acteurs clés. Elle a apporté au cours de sa déposition une liste de diverses personnalités de l'administration nord-américaine, des Nations Unies (y compris le Secrétaire Général Kofi Annan), d'autorités de la zone en guerre (Rwanda, Burundi, République Démocratique du Congo) et d'autres pays, en plus de journalistes d'investigation spécialisés, des membres importants d'O.N.G. (etc…), [liste] qu'elle a remise comme document (reprise à la page 2.152 des Actes). Le témoin a apporté aux Actes (page n° 2.153) une photocopie de la lettre originale (dont elle a ratifié le contenu) qu'elle a envoyé au Président de l'époque Clinton, en date du 31 août 1999, dans laquelle elle a, en résumé, communiqué au Président de son pays et de son parti (Parti Démocrate) qu'ils se commettaient des crimes contre l'humanité dans la République Démocratique du Congo et en Afrique, avec l'appui apparent de l'administration nord-américaine, tout cela étant le fruit de l'investigation et de l'échange d'information récoltée  [p.99] par le témoin sur le terrain et via des personnages clés avec lesquels elle était en relation.

 

Après avoir signalé qu'elle avait envoyé une autre lettre au Président suivant G.W. Bush, le témoin a expliqué qu'elle a convoqué, en sa qualité de Représentante du Comité des Relations Internationales du Congrès des Etats-Unis, un nombre sélectionné de personnalités et d'enquêteurs afin d'analyser l'influence de l'Etat nord-américain et des multinationales dans les conflits d'Afrique, un événement qui prit place au Congrès des Etats-Unis (Capitol Hill), le vendredi 6 avril 2001. Lors de son audition judiciaire, le témoin a apporté comme document l'Acte final en relation avec cet événement (uni à l'Acte aux pages 2.156 et suivantes), document intitulé « Actions couvertes en Afrique : une arme fumante à Washington ». ans cet Acte documenté apparaissent comme intervenants Wayne Madsen, journaliste indépendant d'investigation, ancien officiel de la Marine des Etats-Unis et ancien membre de l'agence nord-américaine de renseignement National Security Agency , N.S.A., et du Naval Telecommunications Command, lequel, après avoir pu faire part de l'entraînement militaire reçu par Paul Kagame aux Etats-Unis ainsi que l'entraînement de ses forces en opérations de missiles terre/air (faisant référence à l'enquête qu'avait réalisé à cette époque le juge français J.-L. Bruguière en relation avec l'attentat présidentiel) , ainsi que les enquêtes secrètes de la C.I.A. concernant les victimes potentielles que provoquerait la mort du Président rwandais, finissant par suggérer que soit investigué le rôle des compagnies militaires nord-américaines dans la région centrafricaine. Apparaît en second lieu Keith Harmon Snow, un journaliste nord-américain d'investigation réputé, qui a colligé de très nombreux témoignages et de l'information sur le terrain en Afrique Centrale, qui a pu clairement faire état du pillage de guerre de la République Démocratique du Congo concernant des minerais comme les diamants, l'or, le colombo-tantalite (aussi connu sous le nom de coltan, un minerai sur lequel le témoin dit posséder une information sur les importants intérêts financiers des tats Unis dans ces exploitations) , le niobium, le cobalt, le manganèse et le pétrole, le gaz naturel et l'aluminium, et probablement l'uranium. Il a présenté un témoignage qu'il avait obtenu dans la zone occidentale de l'Ouganda concernant le fait que la multinationale nord-américaine Barrick Gold Co. (dont G.W. Bush est Conseiller auprès du Conseil d'Administration) opérait dans les mines [p.100] de Kilo-Moto, près de Bunia (à l'est de la RDC). Il a expliqué comment il avait obtenu l'information relative au fait que Paul Kagame était à Washington  en août 1996, mettant au point ses plans de guerre (contre le Zaïre d'alors) avec le Pentagone. Il a énuméré trois multinationales clés au Katanga, au sud du Zaïre, leur influence et les opérations des militaires rwandais de l'A.P.R., de même que comme pour L.-D. Kabila, comme le révéla plus tard le témoin TAP-002, comme étant le Lundin Group, American Mineral Fields International et Anglo-American, qui opéraient dans les mines de cette zone (référence plus antérieure dans le temps à ce qui a été réalisé depuis par le Groupe d'Experts des Nations Unies sur l'exploitation illégale des ressources naturelles, document postérieur à l'année 2002). Il a fait part comment des Bérets Verts nord-américains avaient entraîné et coordonné les actions militaires en RDC, Soudan, Ouganda et Rwanda, signalant que des témoins avaient aperçu des « Nègres américains » tant en Ouganda qu'en République Démocratique du Congo. De même, il révéla –alors qu'à ce moment on parlait uniquement des personnes Tutsi comme victimes du génocide- comment la grande quantité de victimes Hutu, fruit de massacres commis par les Tutsi, massacres qui ne furent l'objet d'aucune enquête, insistant en ce moment sur 1,7 million de personnes victimes complètement ignorées comme victimes par les médias.

 

Cynthia Ann Mc Kinney parla spécialement au cours de sa déclaration de ces deux investigateurs clés, signalant que « …soutenant la même thèse que le témoin, comme quoi un syndicat du crime fondamentalement composé par des trafiquants d'armes, de ressources et de diamants, a pris place avec des gens corrompus du pouvoir, afin de pouvoir obtenir des bénéfices privés… » (sic).


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Texte original: http://www.latinreporters.com/espagneRwandaAudienceNationale06022008.pdf
Source traduction: Forum: feidar_info@yahoogroupes.fr
Agaculama.