Le
tour du monde du sexe : la femme collective des Bashilele
Tous
les
jeunes gens de la tribu vivent sous le même toit, le kumbu,
où ils peuvent
bénéficier des faveurs d'une épouse
commune qu'ils chouchoutent.
Par
Frédéric
Lewino
Publié
le
31/07/2017 | Le Point.fr
Les
Bashilele (ou Lele) vivent dans le Kasaï occidental, une
province de la
République démocratique du Congo.
Ces Bantous pratiquent la culture sur brûlis du maïs
et du manioc, chassent,
pêchent. Les anciens monopolisant les richesses, les jeunes
gens doivent
travailler dur et longtemps avant de pouvoir « acheter »
une femme. Aussi commencent-ils par s'en
procurer une en commun avec leur classe d'âge. C'est la femme
collective. Dans
les années soixante, l'ethnologue britannique Shelley
Douglas a longuement
étudié leur société
très complexe, tout comme le démographe congolais
Séraphin
Ngondo.
Cette
épouse
commune a de nombreuses vertus. Elle pallie la rareté des
femmes due aux
nombreux interdits matrimoniaux et à la polygamie des hommes
riches. Son statut
lui permet de s'affranchir des tabous sexuels. Elle joue
même, au sein de la
communauté, un rôle de médiatrice. En
général, les villages s'organisent autour
d'une place carrée. Les hommes sont répartis en
quatre classes d'âge (les
kumbus) qui occupent chacune un côté du
carré. Grand soin est pris que deux
classes d'âge qui se suivent ne se côtoient pas,
afin d'éviter toute friction.
Chaque homme entretient donc des liens forts avec, d'une part, sa
parenté qui
peut se répartir dans plusieurs villages et, de l'autre,
avec ses frères d'âge.
Quand les jeunes gens d'un kumbu atteignent l'âge de se
marier, ils commencent
par se procurer, faute de moyens, une
femme collective. Celle-ci peut être fournie par
une classe d'âge
supérieure avec une de leurs petites filles. Mais si les
anciens ne s'exécutent
pas, alors les jeunes gens n'hésitent pas à
enlever leur future épouse dans un
village voisin. À moins qu'une célibataire ne les
rejoigne d'elle-même.
Cinq hommes
choisis
Celle-ci
n'est absolument pas leur esclave sexuelle comme on pourrait le penser.
Pendant
six mois à deux ans, l'épouse collective est
chouchoutée par ses époux, qui la
nourrissent et effectuent toutes les tâches
ménagères pour elle. Ils doivent
aussi l'amuser, la séduire.
Les maris
rivalisent d'imagination pour cela. Cette situation avantageuse pour la
jeune
femme peut durer de six mois à deux ans, le temps que les
frères d'âge
réunissent sa dot et la remettent à ses parents.
Une épouse collective
coûte 300 bandes
de raphia
(contre seulement 150 pour
une épouse monogame). La dot versée,
l'épouse sélectionne les hommes du kumbu
qui lui plaisent suffisamment pour devenir ses
époux permanents. Il ne
serait pas vivable pour elle de satisfaire ad vitam æternam
les besoins sexuels
de la trentaine de jeunes gens qui cohabitent. On ne voit ça
que dans la
télé-réalité... Au cours
d'une cérémonie,
elle sélectionne environ cinq
hommes, ceux qui ont fait le plus d'efforts pour la séduire.
Chaque époux
potentiel est représenté par un bâton
fiché en terre. La jeune femme fait
tomber ceux dont le propriétaire ne lui convient pas.
Elle
s'installe alors dans une hutte indépendante où
elle reçoit ses époux
permanents à tour de rôle. Elle leur fait la
cuisine, entretient leurs affaires
et leur fait l'amour. Elle doit également leur rester
fidèle. Du moins dans le
village, car dans la forêt, elle peut se donner
à qui lui chante, à
l'exception des étrangers au village. Il ne faudrait pas
exagérer, non plus.
Ses enfants bénéficient d'un statut
spécial d'enfants du village.
Un de ses époux permanents peut fréquenter
une autre femme, mais à chaque incartade, il doit payer une
amende, entre 5 et 10 bandes
de raphia.
Une fois que
les hommes du kumbu parviennent à rassembler suffisamment de
feuilles de raphia
pour payer seuls une dot, ils s'achètent une « épouse
personnelle ». Celle-ci n'est pas
partagée avec
les frères d'âge. En revanche, l'époux
continue à profiter de son épouse
collective s'il le désire. À noter que lors d'un
conflit entre tribus, ce sont
les femmes collectives qui sont envoyées comme
négociatrices, bénéficiant d'une
sorte d'immunité. Aujourd'hui, la tradition des femmes
collectives est
quasiment tombée en désuétude.
Partenaire
occasionnel
Du reste,
d'autres ethnies africaines ont pratiqué la polyandrie, mais
pas forcément la
même que celle des Lele. Au Rwanda,
par exemple, la coutume considérait que les femmes
mariées avaient des besoins
sexuels qui devaient être satisfaits comme n'importe quel
autre besoin
naturel : manger, boire. Aussi, durant les longues absences de
son mari,
l'épouse pouvait prendre un
partenaire
provisoire. En échange de quoi, celui-ci la
protégeait en cas de danger.
Néanmoins, pour que ces amours extra-conjugales ne tournent
pas au vinaigre,
entraînant des violences entre rivaux, capables de
déstabiliser la tribu, les
femmes étaient éduquées durant leur
enfance pour rester très pudiques.
À
la veille du mariage, les matrones délivraient leurs
derniers conseils en la
matière : toujours choisir un partenaire sexuel
accepté par la coutume,
mais ne jamais en faire un amant régulier
afin de ne pas déclencher la
jalousie du mari officiel. Cependant, il ne faut pas non plus
fâcher ce
partenaire occasionnel en se refusant à lui, car il
constitue un mari
potentiel en cas de veuvage. Ce que les matrones expliquent
avec ces
mots : « Tes
partenaires
sexuels sont comme ton mari. Ils sont tous tes taureaux. On ne barre
pas le
chemin à un taureau, et là où ont lieu
les préparatifs sexuels du taureau pour
mettre la vache en chaleur, c'est là où il doit
la monter. » Enfin, il
ne peut pas être question pour l'époux officiel d'interdire
à son épouse
de rejoindre un partenaire privilégié. Si jamais
sa jalousie l'y pousse, il se
voit morigéner par le conseil de famille.
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