Réactions
de consternation
après les révélations des
«Congo Files»
L'entrée du siège de l'ONU, à New York.
© (Photo : www.un.org)
Par RFI Publié
le 29-11-2018
Les
réactions se multiplient après
les révélations des « Congo
Files ». Ces documents confidentiels de
l'ONU sont relatifs au meurtre des experts Michael Sharp et Zaida
Catalan, il y
a un an et demi en RDC. L’ONU a toujours affirmé
que ces deux enquêteurs avaient
été tués par des miliciens. Cinq
médias internationaux, dont RFI et Le Monde,
ont analysé cette fuite sans précédent
de documents. Et ces milliers de pages
révèlent qu’il aurait pu s'agir
d’un piège impliquant des agents de
l’Etat
congolais, que les Nations unies enquêtaient sur cette
éventualité et auraient
choisi de taire ces informations pour ne pas se brouiller avec Kinshasa.
C’est
la consternation, le choc,
l’indignation après les
révélations des Congo Files.
Le
secrétariat général des Nations
unies aurait choisi de taire
des informations délicates aux
familles des victimes et au Conseil de sécurité
de l’ONU. Des informations
concernant une possible implication d’agents de
l’Etat et militaires congolais
dans le meurtre des deux experts.
Un comportement
inacceptable, selon
Jan Eliasson, ancien vice-secrétaire
général des Nations unies :
« Pour
moi, il est très important de s’en tenir
à la vérité et que tout soit
révélé,
même si cela gêne le pays dans lequel nous avons
une mission de maintien de la
paix. Si ces informations se confirment, sur une éventuelle
implication dans le
meurtre de ces deux experts, alors ces informations doivent
être rendues
publiques. J’espère que l’ONU va
rectifier cela. »
Pour le prince
Zeid, ancien
haut-commissaire des Nations unies aux droits de l'homme et ancien
président du
comité de sanctions sur la RDC, ces omissions sont
inacceptables. Il se dit
même écœuré par de telles
manœuvres : « Le groupe
d'experts
travaille pour le Conseil de sécurité. Le
secrétariat général de l'ONU se doit
de présenter les faits au Conseil de
sécurité. Il n'a pas à s'autocensurer
sous
prétexte qu'un pays comme la chine et Russie pourrait
apposer son veto sur
telle ou telle action. »
« Ce
n'est certainement pas
le travail d'un comité d'enquête qui travaille
pour le compte du secrétaire
général, explique-t-il. Ils
doivent rapporter les faits,
directement, à travers le comité de sanctions sur
la RDC. Et c'est au Conseil
de sécurité de décider si ces faits
sont importants ou pas. Mais il ne fait
aucun doute que les éléments
révélés par ces documents [les Congo
Files]
devaient être mentionnés, qu'il y avait des
preuves d'une implication d'agents
de l'Etat. Je ne peux pas dire aujourd'hui à quel niveau la
décision a été
prise de ne pas inclure ces preuves, si c'était au niveau du
comité d'enquête
de monsieur Greg Starr ou au-dessus, mais pour tout vous dire,
j'étais écœuré
de voir ça. »
Amnesty demande
une nouvelle enquête
L’organisation
Amnesty International
a également réagi, se disant choqué
par le manque de respect de l’ONU pour ses
employés sur le terrain et appelant à
l’ouverture d’une nouvelle enquête
indépendante sur le meurtre des deux experts.
« C’est choquant. On a
affaire à un pays qui est décimé par
des décennies de conflits, des millions de
morts. Dans la région du Kasaï, il y a eu plusieurs
milliers de morts depuis
2016. Les Nations unies sont intervenues tardivement »,
considère Jean Mobert Senga,
d’Amnesty International.
« Zaida
Catalan et Michael
Sharp sont
allés là-bas pour enquêter sur les
massacres, les viols, qui étaient en train de se
commettre, ajoute-t-il. Les
Nations unies n’ont pas fait leur travail pour
empêcher ces massacres, mais
voilà qu’elles ne sont même pas capables
de s’impliquer suffisamment pour que
la vérité et la justice soient rendues
à leurs propres enquêteurs. Alors,
comment veut-on que les millions de Congolais, qui voient les Nations
unies,
puissent leur faire confiance, alors qu’elles
méprisent même la vie de leurs
propres agents ? Mais le plus choquant et le plus grave,
c’est vraiment
cette intention délibérée de couvrir
un crime aussi odieux pour
préserver des relations avec les autorités
congolaises. »
JK : Lire aussi :
Meurtre
des experts en RDC: des agents de l'Etat appelés
à expliquer leur rôle