Les
tribulations de deux Papous à Paris
jeudi 30 novembre 2006, 20h15
Par Béatrix BACONNIER-MARTIN
PARIS (AFP) -
"Vos chefs sont comme les nôtres: ils parlent beaucoup trop, l'eau sort de
leur bouche comme une fontaine": C'est le jugement sans appel de deux
membres d'une tribu papoue venus voir "les sociétés modernes" durant
une semaine à Paris.
Leurs
pérégrinations, version contemporaine du périple des deux Persans de
Montesquieu dans ses "lettres persanes", veulent être une
"exploration inversée" du monde, selon leur accompagnateur, Marc Dozier.
"Pour une
fois, ce ne sont pas les blancs qui regardent le reste du monde, mais le reste
du monde qui nous regarde et donne son avis grâce au regard de deux
Papous".
Arborant des
coiffes traditionnelles à plumes, mais habillés à l'occidentale et portant
cravates, le "chef de guerre" Mudeya Kepanga et le "chef de paix" Polobi
Palia ont visité le Palais-Bourbon et l'Hôtel de Lassay et assisté à des débats dans l'hémicycle.
"Votre
assemblée est une maison d'or, elle est faite d'or du sol au plafond",
ont-ils remarqué en la comparant à la leur, "faite de bois", en Papouasie-Nouvelle- Guinée.
"On se
demandait toujours pourquoi l'homme blanc venait chercher l'or chez nous,
maintenant on le sait", ont-ils assuré.
Au terme de leur
voyage, au cours duquel ils ont, comme tout touriste qui se respecte, visité la
Tour Eiffel, les musées et assisté à un spectacle du Moulin rouge, les deux
visiteurs adressent un message à "l'homme blanc": "Notre pays
est un pays sous développé et surexploité. On nous vole nos exploitations
minières et forestières, on massacre les Papous. Il faut nous aider à stopper
ces massacres et préserver nos territoires" .
"La voie à
suivre c'est un équilibre" entre civilisation "blanche" et
civilisation dite primitive, "entre le symbole des habits de l'homme blanc
que nous portons aujourd'hui et la coiffe, symbole de la culture papoue. Nous
aussi on veut le développement mais il ne faut pas qu'il déborde notre pays,
qu'il abîme notre culture", plaident-ils.
Pour eux,
"le problème, c'est que lorsque les compagnies extraient le gaz ou coupent
du bois, elles donnent l'argent aux gouvernements qui ne le redistribuent
jamais comme il faut, parce que, souvent, ils sont corrompus. Ils le dépensent
en allant boire des bières chez les blancs mais ne construisent ni routes, ni
hôpitaux".
"J'en veux
particulièrement aux noirs parce qu'ils nous laissent dans
l'obscurantisme" , juge le chef de guerre.
En souvenir de la
Tour Eiffel, les deux Papous rapportent un rivet. "On va le planter pour
qu'une tour puisse pousser chez nous", plaisantent- ils.
Le spectacle au
Moulin rouge les a étonnés, non parce que les femmes y montrent leurs seins,
mais leurs jambes. "Le comble de l'impudeur pour nous c'est de montrer les
jambes, et vous vous en faites une danse, le french cancan !".
De leur visite à
l'Assemblée, ils rapportent un petit buste de Marianne, cadeau de deux députés,
dont ils se serviront, disent-ils, pour faire passer un message d'espoir car
"les blancs ont apporté des choses positives: les valeurs d'égalité, de
liberté, fraternité".
Un message dont les femmes blanches peuvent espérer qu'il
profitera à leurs consoeurs papoues. Car parmi les choses qu'ils ont le plus
appréciées, nos deux pèlerins retiennent la "gratuité de la femme
blanche" alors que les papous doivent "payer cher" pour acheter
leurs épouses.
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