Rwanda: "La descente aux enfers"
Le colonel Luc Marchal

Auteur de "Rwanda: La descente aux enfers", Le colonel Luc Marchal livre le premier témoignage d'un responsable militaire belge ayant participé, sous le béret bleu de l'ONU, à la Mission des Nations Unies pour l'Assistance au Rwanda (MINUAR), de décembre 1993 à avril 1994. Il y est surtout question du parcours d'un homme, officier de profession, dont la démarche personnelle fut de mettre son experience militaire au service de la paix, dans un pays africain au tournant de son histoire.

Livre de Luc Marchal

Le 22 septembre 2008, la chambre du Tribunal penal international pour le Rwanda (TPIR) devant laquelle sont jugés, entre autres, les anciens chefs d'état-major des Forces armées et de la Gendarmerie rwandaises, a rendu un arrêt pour le moins critique à l'égard de l'actuel procureur du TPIR, le Gambien Hassan Bubacar Jallow. Des termes aussi peu équivoques que "niveau d'intégrité" et "défaut de diligence" rappellent au procureur son devoir d'aider la chambre à découvrir la vérité concernant les allégations contenues dans l'acte d'accusation et à rendre justice à la communauté internationale, aux victimes et aux accusés.

De quoi s'agit-il ? Le règlement du TPIR impose au procureur l'obligation de communiquer aux avocats des inculpés tout élément pouvant être utile à leur défense. Or, dans le procès dit "Militaires II", il s'avère que, depuis 1997 déjà, des témoignages en faveur des inculpés ont été retenus à dessein par le procureur. Implicitement, l'arrêt de cette chambre du TPIR ne met pas uniquement en cause l'actuel procureur, mais l'ensemble du personnel de son
administration ainsi que les trois procureurs précédents. Soyons très clair, il n'est pas seulement question de négligence ou de lenteur dans la transmission de certains témoignages utiles à la défense des inculpés, mais bien d'une volonté délibérée de les escamoter ni plus ni moins. En effet, ces témoignages, qui aujourd'hui sont en possession des équipes de défense, ont tout simplement été retirés de la circulation, comme s'ils n'avaient jamais existés.

Il s'avère aussi que parmi les témoignages manquants, la responsabilité directe du Front patriotique rwandais (FPR) est mise en cause, entre autres dans l'assassinat de la Première ministre, Agathe Uwilingiyimana, dans celui des dix casques bleus belges, ainsi que dans des massacres de civils perpétrés dès le 7 avril 1994. Tout ceci n'est pas neuf mais souligne, si besoin en est, l'impérieuse nécessité que tout soit mis en oeuvre pour que Justice et Vérité triomphent enfin de ceux qui n'ont d'autre objectif que de les maintenir dans l'obscurité la plus opaque. En vue de permettre une vision plus globale des choses, un rappel des événements qui ont suivi l'attentat sur l'avion du président Habyarimana, le 6 avril 1994, me paraît utile. Cette mise en perspective devrait faciliter un meilleur cadrage des réalités d'aujourd'hui.

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