Hotel Rwanda : Un livre après le film.

En 2006, un ami nous avait prédit que Paul Rusesabagina allait au devant d’une campagne de ses adversaires de Kigali qui ne lui épargneraient rien. Aujourd’hui, un peu moins de deux ans plus tard, c’est un livre qui est publié pour démontrer que Rusesabagina n’est pas l’homme modèle dépeint par le film inspiré de son expérience en 1994.

Les auteurs ne sont pas des écrivains ou des journalistes ordinaires puisque l’un est un conseiller du chef de l’Etat rwandais et l’autre est le directeur de l’agence rwandaise d’information(ARI/RNA) qui a remplacé la gouvernementale Agence rwandaise de presse (ARP).

Nous avons lu l’ouvrage et ce qui frappe c’est la dureté avec laquelle M. Rusesabagina est critiqué. A la fin du livre on ne peut qu’éprouver du dégoût face à tant de cupidité, d’insensibilité et d’opportunisme dont aurait fait preuve M. Rusesabagina dans des moments très difficiles.

Nous avons contacté l’intéressé pour recueillir son point de vue. Il nous a d’emblée déclaré qu’il n’y avait pas grand-chose de nouveau dans ce livre. A de nombreux endroits le livre l’accuse d’avoir fait payer les personnes réfugiées au Mille Collines alors qu’il aurait eu instruction de ses chefs en Belgique de ne pas le faire. Ceux qui n’avaient pas de quoi payer cash aurait dû lui signer des reconnaissances de dettes, des chèques ou lui céder des biens matériels (voiture ou maisons). La plupart des témoignages des réfugiés qui le condamnent, commencent en substance par avant son arrivée c’était gratuit et humain et après des paiements étaient exigés en usant de menaces de mort.

La question que l’ancien gérant du Mille Collines s’est posé, qu’il nous a posé et qu’il pose à tous ceux qui lisent ou liront ce livre c’est : pourquoi est-ce que les factures qu’il a établies pour faire payer les réfugiés n’ont pas aussi été reprises dans le livre ? Un chèque récent de Rusesabagina tiré sur une banque rwandaise y figure mais pas les chèques encaissés – ou des traces de leur encaissement dans les banques - et les reconnaissances de dette des réfugiés qui sont évoqués à maintes reprises.

A propos de la véracité des témoignages contre lui, Rusesabagina a mentionné trois ouvrages : le livre de Philip Gourevitch, Nous avons le plaisir de vous informer que, demain, nous serons tués avec nos familles, celui de Rakiyaa Omar, Stories from Rwanda et celui de Mukagasana Yolande, La mort ne veut pas de moi (pages : 245-248) qui reprenaient tous des témoignages élogieux à propos de M. Rusesabagina.

 Il épingle notamment le témoignage d’Odette Nyiramirimo qui a depuis aussi changé son avis sur lui. En ce qui concerne plus particulièrement Mme Yolande Mukagasana, en s’aidant d’un officier FAR ami, M. Rusesabagina l’a fait parvenir aux Mille Collines où elle n’a passé qu’une seule nuit – du 26 au 27 mai- avant d’être évacuée vers Kabuga. Elle travaillait auparavant en tant qu’infirmière avec l’épouse de M. Rusesabagina et était une amie de la famille.

Pour ce qui est du blocage de l’aide humanitaire pour pouvoir vendre les stocks de l’hôtel, Rusesabagina a dit que M. Philippe Gaillard du Comité International de la Croix Rouge pourrait éclairer ceux qui cherchent à connaître la vérité.

M. Rusesabagina nous a fait remarquer que beaucoup de témoignages de ses anciens collègues commencent en disant qu’il est arrivé au Mille Collines plusieurs jours après le début des massacres pour chercher de l’essence et qu’il y est resté flairant la bonne affaire. Les réfugiés ordinaires auraient un schéma de témoignages tandis que les employés de l’hôtel en auraient un autre.

M. Rusesabagina ne devrait pas en rester là et nous non plus, nous vous informerons de la suite. Nous avons déjà pris contact avec un des témoins à charge... aujourd’hui !

NKB 21/02/2008