Le témoignage déposé par l’ancien Major JM Micombero auprès du Juge
anti-terroriste Français  Marc Trévidic est un faux témoignage.

J’ai lu attentivement les déclarations contenues dans le témoignage de l’ancien Major de l’Armée Patriotique Rwandaise Jean-Marie Micombero, et j’ai relevé plusieurs faits invraisemblables qui montrent que le témoignage résulte d’un pur montage et ne mérite aucune crédibilté.

Le témoignage intitulé’’ J’ai assisté à la préparation de l’attentat qui a déclenché le génocide’’, rédigé par l’ancien major Major Micombero sous prétexte qu’il était sur place à Kigali, comme agent de renseignement auprès du 3ème bataillon, est un nouveau tissu de mensonges. Il a été visiblement monté, comme ceux qui l’ont précédé, dans le seul but d’imputer la responsabilité de l’attentat contre l’ancien président Habyarimana, et par ricochet l’énorme responsabilité d’avoir déclenché le génocide perpétré contre les Tutsi du Rwanda et ses conséquences au Général Paul Kagame, l’actuel président du Rwanda.

Nous allons démontrer, point par point, les trop nombreuses incohérences qui prouvent que le témoignage est un impur montage. Permettez-moi d’abord de vous dire qui je suis et en qualité de qui je publie un tel démenti. Je suis un ancien journaliste de la radio Muhabura, la radio du Front Patriotique pendant la guerre et j’étais affecté auprès du 3ème bataillon envoyé à Kigali dans le cadre de l’accord de paix. Vingt ans après les faits, les circonstances me poussent à rompre le silence et entrer dans les débats. Jusqu’à présent, je m’étais exprimé uniquement par les livres que j’ai publiés sur la guerre et le génocide. Lorsque le chef de la radio Muhabura, feu Rutayisire Shabani,  m’invita dans son bureau pour me donner la mission de rejoindre le bataillon à Kigali, il avait ajouté une phrase qui se révèle aujourd’hui prophétique : ‘’ L’histoire aura besoin de toi’’. Il connaissait la profondeur de mes analyses, mon intégrité, et  mon objectivité.

                                 Le témoignage de Micombero

Micombero affirme que le matin du 6 Avril 1993, très tôt, il avait vu arriver à moto au CND, un certain James Mugabo, qui travaillait à l’aéroport de Kanombe et servait d’informateur du FPR sur les déplacements de Habyarimana. Selon Micombero, James Mugabo venait informer le Boss du renseignement, Charles Karamba. Aussitôt, Charles Karamba s’est mis à parler par sa radio sur le canal du bataillon et a dit à tout le monde de se mettre en état d’alerte(stand-by). Micombero aurait alors quitté l’immeuble principal pour aller prendre son arme( AK 47) avant d’aller rejoindre sa position dans les tranchées. ‘’ C’est là , dans une tente installée tout près de ma position dans les tranchées que je dormais’’,dit-il. Cette introduction de son témoignage contient en elle-même assez d’éléments incohérents qui trahissent le mensonge et le montage.

Au vu de ces éléments, je peux relever  facilement que Micombero, qui à l’époque avait sans doute un grade très inférieur, ne travaillait pas au sein de l’équipe de renseignement du bataillon que l’on appelait IS( Intelligence Service). L’équipe formée par de jeunes officiers subalternes, lieutenants pour la plupart, était placée sous la supervision du Capitaine Charles Karamba. L’équipe du service des renseignements avait un bureau au rez- de chaussée de l’immeuble, côté Chez Lando.

Je  connaissais tous les membres de cette équipe des IS, qui étaient souvent en contact avec nous les journalistes. Ils partageaient les chambres au Rez-de chaussée du bâtiment, et dormaient là-bas. Ils n’avaient aucune position dans le flanc- arrière de la colline parlementaire, où étaient dressées les tentes des différentes compagnies. Ils ne dormaient pas dans les tentes ou dans les tranchées. Micombero ne faisait pas partie d’eux. Si Micombero travaillait pour le renseignement, il le faisait auprès de sa compagnie au sein du bataillon, sans aucun contact avec le public extérieur. De ce fait, il avait rarement des occasions de se trouver dans la proximité de l’I.O( Intelligence Officer) dont le bureau se trouvait près de l’entrée principale du bâtiment, et encore moins, très tôt le matin, au moment où tout le monde prenait son café  avant de démarrer les activités de la journée.

-          Le prétendu informateur qui travaillait à l’éroport.

L’arrivée  au CND d’un tel informateur à moto très tôt le matin, est aussi invraisemblable. C’est une pure  création imaginaire de Micombero pour ces raisons. Le portail d’entrée de la parcelle du CND était étroitement surveillé en permanence par les agents du gouvernement Habyarimana, (gendarmes en civil, garde présidentielle, membres des milices Interahamwe). La surveillance avait pour but d’identifier tous ceux qui entraient au CND, y compris les numéros d’immatriculation des véhicules et des motos, en dresser la liste, afin de les rechercher et les exécuter au moment venu. Il était même dangereux de se fier aux  conducteurs des motos qui pouvaient être des membres des milices interahamwe. Si le FPR avait un informateur qui travaillait à l’aéroport de Kanombe, il ne viendrait pas s’exposer à découvert à moto au CND au vu et au su de tous. Il transmettrait ses informations par d’autres moyens et des intermédiaires de relais en dehors même du CND. En plus, les autos et motos restaient garés dans un stationnement aménagé à l’intérieur de la parcelle du CND mais éloigné de l’entrée des bureaux du bâtiment, de telle sorte que une personne placée près de l’entrée de l’immeuble, ne pouvait pas savoir par quel moyen de transport un visiteur est arrivé. En plus, si un informateur arrive, il ne va pas s’adresser directement au chef du renseignement(I.O), il sera reçu par l’un ou l’autre des agents de l’équipe du service des renseignement (I.S),qui le conduirait auprès de leur chef en cas de besoin.

Micombero qui dormait dans les tranchées creusées dans le flanc arrière de la colline parlementaire, ne pouvait pas se trouver très tôt le matin  ou dans la proximité immédiate de Charles Karamba(I.O) car il n’était pas son escort et ne travaillait pas directement avec lui.

-En plus, le déplacement de ce 6 avril de l’ancien président Habyarimana vers Dar-Es-Salam en Tanzanie était connu d’avance puis qu’il s’agissait d’un sommet sur le Burundi qui réunissait plusieurs chefs d’État de la sous-région. Ce qui exclut la présence d’un quelconque informateur venu de l’aéroport. Pour dire quoi? Si l’attentat contre l’avion avait été planifié le matin lors du départ, et aurait été empêché par l’épais brouillard qui couvrait la ville de Kigali, les membres du commando criminel n’attendraient pas l’arrivée d’un informateur à moto, pour aller installer leur lance-missile en plein jour sur le terrain ennemi dans une zone fortement patrouillée. En plus, chaque sortie d’un véhicule attaché au service du bataillon du FPR était consignée auprès de la MINUAR, quelques jours à l’avance, ensuite escorté par les soldats de la mission onusienne. Les véhicules ne se déplaçaient pas librement, n’importe quand et n’importe comment. Selon Micombero, l’Officier du renseignement( Intelligence Officer, ou I.O)  aurait dit en ce moment à tout le monde de se mettre en état d’alerte( Stand-By). C’est encore un autre fil du tissu de mensonge, car il ne revenait pas à l’Intelligence Officer de donner l’ordre de mise en alerte. Ce rôle revient à la chaîne de commandement, du commandant de bataillon jusqu’aux chefs de peloton et de section, en passant par les commandants de compagnie. Et si on connaît cet homme( Charles Karamba) qui ouvrait rarement sa bouche pour se confier, trop méfiant envers tout ce qui bouge, reconnaîtrait que ce témoignage n’est pas vrai.

Micombero ajoute qu’en se dirigeant vers sa tente et sa position dans les tranchées, il aurait rencontré Andrew Kagame, commandant de la compagnie Tiger, qui lui aurait dit que c’est probablement la fin de l’Ikinani. Quand on sait comment fonctionnaient et se comportaient les combattants du Front Patriotique souvent trop réservés, on saisit derrière cette phrase une simple invention de Micombero, qui cherche à étoffer son histoire. Un officier qui commandait une compagnie, escorté par deux ou trois soldats en permanence dans ses moindres déplacements, ne prononce pas des paroles en l’air en s’adressant à un subalterne qui n’est pas son égal. La hiérarchie au sein du FPR était rigoureusement respectée.

En conclusion, après la lecture de cette introduction, on remarque immédiatement tous les signes d’un montage grossier, faciles à relever pour quelqu’un qui était là en tant que journaliste,  dont le rôle est d’observer tout ce qui se passe autour de lui et plus loin. Le mensonge de Micombero, vient conforter celui du Lt Abdul Ruzibiza,  selon certains observateurs, trop pressés d’accuser Paul Kagame et lui coller la responsabilité de l’attentat contre l’avion de Habyarimana et ses conséquences. Or, nous avons démontré, sur base des faits tangibles, au-delà de tout doute raisonnable, que la fameuse Histoire Secrète inventée par Ruzibiza n’était qu’un montage car Ruzibiza n’avait jamais été à Kigali ni avant ni pendant le génocide. Nous avons démontré que les déclarations et le  livre qui lui  ont été attribués n’étaient que des faux. Lui-même était revenu sur ses déclarations avant sa mort. C’est cette contradiction même qui probablement a précipité sa mort. Il ne fait aucun doute que les mêmes acteurs qui étaient cachés derrière le pseudo témoignage de Ruzibiza, se cachent aussi derrière Micombero. L’élément nouveau sur lequel le montage de Micombero  espère fonder sa crédibilité,  est de dire’’ Moi, j’ai assisté à la préparation, j’étais là’’ en tant que agent du renseignement. Dans l’intérêt de la justice et de l’histoire, nous poursuivrons le démontage de son mensonge, à travers la suite de son témoignage, et tout le monde reconnaîtra que l’histoire de Micombero ne tient pas debout et ne résiste pas à l’analyse objective.

            L’histoire du repérage et de la camionnette, un autre mensonge

Après l’arrivée de l’informateur à moto, Micombero aborde une nouvelle page de sa fiction. Micombero déclare qu’il a alors vu la camionnette sortir du CND. Cette camionnette était  d’habitude  utilisée  pour aller jeter les déchets vers Mulindi. Pour Micombero, cela n’était qu’une couverture.   En réalité, c’était  pour faire le repérage d’un endroit tranquille d’où tirer les missiles. Micombero précise qu’il n’a pas distingué qui était dans la camionnette. ‘’ Mais j’ai pensé qu’il y avait le chauffeur Didier Mazimpaka, les tireurs de missiles, les deux gardiens’’… écrit-il. Beaucoup de monde avaient fait le repérage ajoute-t-il. Et il énumère des noms en commençant par le commandant du bataillon, Charles Kayonga, l’Intelligence Officer, et d’autres noms encore dont un certain Hubert.

Toute personne qui se trouvait au CND à cette date du 6 avril 1994, comprend immédiatement que cette histoire de la camionnette Toyota Stout est une fiction. Micombero est parti rejoindre sa position et prendre son arme dans sa tente près de la tranchée où il dormait. Je rappelle que les tranchées étaient creusées sur le flanc arrière de la colline parlementaire. De là, on ne voyait plus les véhicules qui circulaient dans la cour frontale de l’immeuble ou qui se dirigeaient vers la sortie. Et en rejoignant sa position près de sa compagnie où il était affecté, et se mettre en état d’alerte, il n’est pas revenu rôder près de l’entrée de l’immeuble. Il a l’honnêteté de dire qu’il n’a pas vu les occupants de la camionnette, encore moins ce qu’ils transportaient. ‘’ Mais j’ai pensé qu’il s’agissait du chauffeur….écrit-il.

Cet aveu ne suffit-il pas pour enlever toute crédibilité à son témoignage? Pour formuler une accusation aussi grave, un homme doué d’un minimum de bon sens n’a pas le droit d’accuser qui que ce soit sur base de ce qu’il a pensé. Le droit et la justice ont besoin des faits authentiques et non des pensées. Même si une camionnette avait circulé à l’intérieur de la percelle du CND, il y avait plus d’une camionnette, il y avait plusieurs chauffeurs. Comment peut-il déclarer ‘’ Je n’ai pas pu distinguer les occupants de la camionnette’’ et oser ajouter ‘’ mais j’ai pensé qu’il s’agissait du chauffeur Didier Mazimpaka? S’il n’a pas distingué les occupants de la camionnette, pouvait-il distinguer le numéro de la plaque d’immatriculation ‘’ 2200 dont il parle plus loin? Impossible.

Il ajoute que la camionnette se servait du manège d’aller jeter les déchets mais en réalité pour faire du repérage, et que beaucoup de monde avaient fait du repérage en commençant par le commandant du bataillon. Nous devons rappeler ici que la sortie d’un véhicule du CND ou des officiels du FPR, civils ou militaires, devaient obligatoirement  être accompagnés par les soldats de la MINUAR en ayant précisé à l’avance leur destination et le motif du déplacement. Pour ces motifs, le commandant du bataillon et l’intelligence Officer, ne sortaient jamais de l’enceinte du CND. Les rencontres et négociations avec les autres partis politiques en vue de la mise en place du nouveau gouvernement prévu dans l’accord d’Arusha, se faisaient soit à l’Hôtel Amahoro, siège de la Minuar près du Stade Amahoro, soit au Village urugwiro. J’ai moi-même souvent accompagné la délégation du FPR composée uniquement des civils toujours sous escorte de la Minuar. Le commandant du bataillon et  l’Intelligence Officer, n’auraient jamais quitté le CND pour se diriger vers Remera, Kanombe ou Masaka. Aucun motif n’aurait justifié ce déplacement. Et pour leur sécurité, ils n’auraient  jamais osé se glisser dehors incognito, sur le terrain de l’ennemi. Il est étonnant de voir que Micombero ne cite pas Ruzibiza parmi ces techniciens qui auraient fait le repérage, alors que ce dernier a affirmé dans ses témoignages qu’il a fait partie de ces équipes imaginaires de repérage. Micombero ajoute que c’est le seul Kayonga, commandant du bataillon, qui rendait des comptes au commandant en chef de l’armée patriotique, le général  Kagame, et en son absence, il parlait à son plus proche collaborateur, James Kabarebe. Il ajoute qu’il voyait chaque soir le commandant du bataillon monter sur le toit de l’immeuble pour aller informer son chef de l’état d’avancement des préparatifs de l’attentat depuis quelques semaines.

Micombero a affirmé que sa position était dans les tranchées, près de la compagnie à laquelle il était affecté. C’est là qu’il dormait. Cela signifie, et nous l’avons déjà démontré, qu’il ne faisait pas partie de l’équipe des agents du service des renseignements (Intelligence Service) dont les membres avaient un bureau et des chambres près de l’entrée de l’immeuble. En toute logique, le soir, il était dans sa position près de sa tente dans les tranchées où le souper était servi. Pour monter au 6ème étage où les officiels avaient un bureau, et non sur le toit, le commandant du bataillon prenait l’escalier à l’intérieur du bâtiment. Micombero ne pouvait pas le voir monter, encore moins savoir ce qu’il disait ou à qui il parlait. Affirmer autre chose relève de son imagination.

Dire que beaucoup de ses collègues connaissaient l’endroit de tir ‘’ Masaka’’ est aussi une affirmation gratuite  car moi-même, en tant que journaliste, toujours à la recherche de l’information interne ou externe, je n’avais jamais entendu parler de cette histoire d’attentat contre la vie de Habyarimana. Micombero parle des tireurs des missiles et ajoute que l’un des tireurs, un certain Frank qu’il avait rencontré au mess des VIP, et qui lui parlait d’abondance, lui avait dit qu’il était venu avec son arme. Sachant qu’il faisait  partie de la section des missiles, il en avait déduit qu’il était là avec son missile  dont la mission ne faisait aucun doute.

Je voudrais d’abord dire qu’il n’y avait aucun Mess des VIP au CND. Qui étaient-ils ces VIP? Quel grade avait-il pour fréquenter les VIP? Il y avait une cafétéria où tout le monde, visiteurs externes, officiels du FPR, un soldat quel que soit son grade qui avait une visite d’un membre de sa famille, pouvaient se rencontrer le soir. À supposer que ce Frank Nziza, tireur de missile et porteur d’une mission aussi importante,  ait existé, il ne serait jamais venu traîner dans la cafétéria, se souler et s’afficher publiquement en parlant de sa mission. La cafétéria accueillait des visiteurs externes sans distinction. Il est certain que même des espions du régime Habyarimana, se faisant passer pour des sympathisants du FPR, venaient y chercher des informations pour aller dresser des listes des personnes à éliminer. Ce n’est pas dans un tel endroit qu’un soldat du FPR, connu pour leur culte du secret, et du principe sacro-saint du : ‘’sache ce que tu as besoin de savoir’’ irait s’épancher en parlant d’abondance comme le dit Micombero. Il est clair que ce Frank Nziza, qui se confiait à tout le monde en disant qu’ils sont venus pour abattre l’avion n’a tout simplement jamais existé.

Même le prétendu beau-frère de Micombero, venu pour conduire la camionnette au lieu du tir ensuite remplacé à cause de sa mauvaise conduite est aussi une invention de Micombero, cité dans le but de crédibiliser davantage son histoire. Il y avait plusieurs chauffeurs au sein du 3ème bataillon, tous des combattants sélectionnés pour leur courage et très disciplinés, sans aucun contact avec des facteurs perturbateurs comme l’alcool ou la drogue. Le problème de mauvaise conduite n’existait pas au sein de l’armée patriotique à cette époque. Parler de mauvaise conduite envers ces chauffeurs qui ont accompli un travail héroïque pendant les trois mois de guerre en conduisant la nuit tous feux éteints, sous les bombes de l’ennemi afin de ramasser les blessés sur les champs de bataille est presque une insulte.

        Le report de l’attentat

Micombero déclare que l’officier de garde, Andrew Kagame aurait donné l’ordre de laisser tomber ‘’ Operation stand down’’en parlant avec l’un des tireurs qui  disait que le brouillard ne permettait pas de bien voir dans le ciel. Et le commando criminel revint au CND et le stand by fut levé. De retour au CND, l’un des tireurs aurait expliqué largement pourquoi l’opération avait été abandonnée. Et Micombero affirme qu’il était là avec les autres officiers du renseignement.

Encore une fois, toute cette histoire ne peut convaincre personne. Un commando parti pour exécuter une mission aussi importante ne parlerait pas à un officier de garde. Le commandant du bataillon avec à ses côtés le chef des opérations, qui est responsable des plans, suivrait lui-même la progression du commando   jusqu’à la fin de l’opération. Il ne reviendrait pas à l’officier de garde de recevoir cette communication et de donner cet ordre d’abandonner l’opération. En outre, il serait surprenant qu’une simple camionnette se lance dans une telle aventure, avec à son bord tireurs de missiles et leurs armements, sans aucune couverture  ni plan de repli. Si Micombero n’a rien  mentionné de tout ça, il y a une raison.  Le fameux commando n’a pas existé. Micombero n’a pas jugé nécessaire de dire à quelle heure la camionnette fut de retour au CND, alors qu’il a rencontré l’un des tireurs qui a donné des explications détaillées sur les causes de l’abandon de l’opération. Micombero ne mentionne pas avoir revu   la camionnette transportant missiles et tireurs et son conducteur de retour au CND. Ces derniers n’auraient pas manqué de venir s’entretenir avec le chef des opérations, le commandant de bataillon, et le chef de l’Intelligence Service. Micombero qui affirme qu’il travaillait dans un bureau des agents du renseignement aurait suivi ou remarqué ces mouvements ou cet entretien. S’il n’en dit rien, malgré sa soif évidente de donner le plus de détails et de précision possibles, c’est que ces faits n’ont pas existé. Et tous ces détails auraient difficilement échappé à l’équipe des journalistes dont je faisais partie et qui échangeaient fréquemment des informations.

                             L’après-midi du 6 avril 1994

Micombero garde un silence total sur l’après-midi du 6 avril 1994 jusqu’à l’explosion de la soirée. Il déclare seulement que le prétendu informateur qui travaillait à l’aéroport serait revenu à Moto au CND dans l’après-midi. Il ne dit pas à quelle heure, ou qui il a rencontré et pourquoi. Nous devons préciser que l’aéroport de Kanombe n’avait aucune information sur l’heure d’arrivée du président Habyarimana, puisque à Dar-Es-Salam même, la réunion a été retardée  par l’absence du Maréchal Mobutu jusque tard dans l’après-midi, avant de se résigner à commencer les débats. Le président Habyarimana, qui craignait pour sa sécurité, raison pour laquelle il avait embarqué son chef d’État-major, invité à partir avec lui à la dernière minute tenait à la présence  du Maréchal. Mais le Maréchal Mobutu, à qui Habyarimana avait demandé de passer le prendre à Kigali, informé sans doute par ses sources d’une possibilité d’attentat, refusa d’aller en Tanzanie. Rappelons qu’un journal proche du régime Habyarimana avait annoncé depuis quelques mois que Habyarimana sera tué au moins de mars par un…Hutu. Micombero n’a rien dit sur la deuxième sortie de la camionnette Toyota Stout 2200 et du commando des tireurs de missiles. Et pourtant cette étape, qui aurait conduit directement à l’attentat, constitue un élément crucial. Il est impossible qu’un Micombero qui affirme qu’il était entrain de travailler dans un bureau près de l’entrée de l’immeuble  n’ait pas pu voir ou savoir que le commando repartait pour exécuter sa salle bésogne.  Rappelons que le travail du service des renseignements était davantage un travail de surveillance des mouvements et de collecte de l’information qui se faisait surtout en dehors des bureaux. S’il ne dit rien à ce sujet, c’est qu’il n’y a rien à dire. C’est que la Toyota Stout et son commando criminel n’ont pas existé. Micombero comme témoin saute cette étape fondamentale et arrive au moment de l’explosion. Il déclare qu’il s’entretenait avec le chef des opérations et quelques civils au moment de l’explosion. Il ne dit pas où se tenait cet entretien, dans la cour en plein air ou dans un bureau. Cette scène est aussi invraisemblable. Si le FPR avait dépêché un commando ce soir-là pour aller abattre l’avion, l’officier chargé des opérations, 3ème dans la hiérarchie du commandement du bataillon, après le commandant du bataillon et son second, et à ce titre principal responsable du montage de l’opération, ne serait pas là entrain de discuter avec un soldat au grade subalterne et des civils à un moment aussi important.  Micombero reconnaîtra lui-même que cela n’est pas crédible. Il raconte du n’importe quoi parce qu’il sait que ce n’est pas la vérité.          

En entendant la forte explosion, il a aussitôt pensé que l’avion de Habyarimana avait explosé  et il est parti prendre son arme. Nous devons dire ici que les explosions dans la ville de Kigali étaient devenues monnaie courante depuis le début de l’année 1994. Mais une explosion à l’arme lourde était inhabituelle. Il s’est passé plusieurs minutes avant de réaliser ce qui s’était passé. Après l’explosion  à l’arme lourde, le commandant du bataillon a donné l’ordre de fermer la cafétéria, permettant ainsi  aux visiteurs externes qui étaient au CND ce soir-là,  de quitter les lieux et concentrer toute son attention sur la sécurité du bataillon.  Micombero ajoute ceci’ : ‘’ Avec Tumwine et Karamba, on s’est dit qu’il était dangereux de laisser partir des employés civils’’.  Micombero devrait se rappeler qu’il n’y avait aucun employé civil au CND.

Tout ce qu’il y avait à faire jusqu’à la cuisine était fait par les membres bénévoles permanents du FPR qui restaient sur place avec le bataillon. Cette phrase est aussi un mensonge supplémentaire et tendancieux destiné à faire croire que le commandement du bataillon était indifférent envers la vie des civils présents au CND ce soir-là. Nous pouvons aussi ajouter qu’après l’explosion, Micombero  déclare qu’il est parti prendre son arme dans sa position dans les tranchées, et pour cette raison, il n’avait plus de contact avec les deux officiers cités (Tumwine et Karamba) avec lesquels l’écart hiérarchique interdisait le frottement. La tension et l’angoisse sont montées rapidement dans toute la ville et autour du CND. Les barrières ont été immédiatement montées et renforcées. Les militaires et autres forces de patrouille se sont déversées dans les rues. Plusieurs personnes qui n’étaient pas encore rentrées chez elles, se sont dirigées vers l’hôtel le plus proche.

Dans ces conditions, Si le commando tireur de missile était parti du CND où était logé le 3ème bataillon du FPR, Il aurait été pratiquement impossible de se replier et regagner son point de départ à bord de la camionnette chargée de leur lance-missile.

Micombero déclare qu’il a croisé plus tard dans la nuit l’un des tireurs qui lui a décrit les détails de l’opération. Si cela avait été le cas, Micombero aurait précisé dans son témoignage comment le commando à réussi à se replier et gagner le siège du bataillon. Si cela n’a pas été fait, c’est que l’histoire de Micombero est tout simplement fausse comme toutes celles qui l’ont précédé.

Micombero pousse l’invraisemblance jusqu’à dire que ce soir-là, pour la première fois, le commandant de bataillon a autorisé la bière sous-entendu après l’explosion pour faire la fête en se félicitant de l’exploit. Il est permis de se demander à qui Micombero croit s’adresser pour lui faire avaler de telles balivernes. Après l’explosion à l’arme lourde, la cafétéria où était servie la bière a été aussitôt fermée.  Le commandant du bataillon ne pouvait donc pas autoriser la bière. En plus, toute la ville de Kigali s’est enflammée aussitôt, avec des tirs et des explosions des grenades dans tous les coins de la ville. En toute logique, le bataillon a été placé en état d’alerte, conscient qu’il peut être attaqué à n’importe quel moment par la garde présidentielle ou le bataillon para-commando de Kanombe. Ce n’est pas dans un moment pareil qu’un commandant de bataillon dont le défi immédiat était de survivre[1], allait inviter ses soldats à boire et se soûler.

Je préfère arrêter ici la démonstration que je tenais à faire pour prouver que le témoignage de l’ancien Major Micombero est un impur montage destiné à tromper la justice et imputer  la responsabilité  d’un crime  aussi grave à un groupe sans pour autant en apporter la preuve convaincante. Comme les autres mensonges qui l’ont précédé, à l’instar de celui d’Abdul Ruzibiza, cette histoire de Micombero n’a pas résisté à l’analyse d’un témoin oculaire des faits. Devant un débat contradictoire, Micombero n’apporte aucune preuve crédible de l’accusation extrêmement grave qu’il a lancée contre une organisation et un groupe de personnes. Il devrait même revenir sur son témoignage et retirer son accusation.

 Nous demandons à tous ceux qui auront ce document entre les mains d’en informer le bureau du juge anti-terroriste français Marc Trévidic.

Pierre-Amal Kana

Ancien journaliste, auteur et chercheur.

Dernier livre publié : Afghanistan, Le rêve pashtoun et la voie de la paix

www.dignitypress.org/afghanistan

 Major Micombero : J'ai assisté à la préparation de l'attentat qui a déclenché le génocide

 



[1] Voir : Le défi de survivre, par Robusto Kana, Ed. Persée, Paris, 2008