Rwanda : qui est vraiment Kagame ?

 


L'accusation de complicité du gouvernement français dans le génocide rwandais
est absurde. Ce n'est qu'une habile opération de communication du président
rwandais, pour faire oublier sa mise en cause dans l'attentat qui a coûté la vie
à son prédécesseur.

Tous les ingrédients d'une habile opération de communication sont réunis : une
commission d'enquête (ça fait ONU ou Congrès des Etats-Unis, ça fleure la
démocratie et la défense des droits de l'homme etc.), un rapport (bien plus fort
qu'un communiqué ou une harangue !), le choix du moment de la publication pour
donner à l'opération le maximum de retentissement : début août quand l'actualité
est au point mort dans le pays occidentaux et que les grands quotidiens ne
savent plus sur quoi titrer.


Tout ce qu'il fallait faire pour accréditer l'accusation absurde de complicité
du gouvernement français dans le génocide rwandais de 1994 est réuni.
Tous ceux qui, sans doute par un reste de racisme inavoué, prennent les
Africains pour des amateurs ne savent pas bien à qui ils ont affaire avec Paul
Kagame et l'équipe qui dirige aujourd'hui le Rwanda d'une main de fer.
Certes, ces gens ne sont pas près de développer leur pays qui est un des plus
pauvres du monde : l'économie n'est pas leur fort. Mais pour ce qui est de la
manipulation politique, nos dirigeants doivent se persuader qu'à côté des gens
au pouvoir à Kigali, ils ne sont que des enfants de chœur.
Il est possible dans un livre ou un article en France ou en Europe de dire du
mal de n'importe quel chef d'Etat dans le monde sans que cela tire à conséquence
ni même qu'il y ait des réactions.

Interdit de dire quoi que ce soit sur Kagame
A cette règle, une exception : si dans un livre ou un article quelqu'un s'avise
de dire la vérité sur le régime de terreur instauré par Paul Kagame au Rwanda,
il sera immanquablement assailli de pétitions indignées, il fera l'objet de
harcèlement médiatique et internautique, ou encore de poursuites judiciaires
ruineuses.


Pierre Péan avait pu dans des ouvrages antérieurs mettre en cause impunément la
« Françafrique » et particulièrement son homme clef, le président Bongo du
Gabon, pourtant très introduit à Paris et disposant de la manne d'un pays
pétrolier.
Quand il s'est avisé en 2005 d'enquêter sans préjugés et en professionnel
consciencieux qu'il est, sur l'affaire rwandaise et qu'il a conclu dans un livre
bien documenté (1) que la France n'avait rien à se reprocher, il est devenu la
cible d'un harcèlement sans précédent, pas en Afrique, non, en France et
accessoirement en Belgique. On ne saurait dire que son livre soit passé inaperçu
: une page entière lui a été consacrée par Le Monde et Le Figaro : rien que des
articles critiques !
Profitant de la légèreté, de l'ignorance et du mépris ordinaire de nos
dirigeants pour les Africains, le président Kagame a décidé de harceler la
France jusqu'à ce qu'elle soit reconnue par l'opinion publique française (c'est
à moitié fait) et internationale ( c'est fait aussi sauf en Afrique où les
dirigeants savent ce qui s'est vraiment passé) complice du génocide de 1994.

Kagame est soupçonné d'avoir commandité l'attentat contre l'ancien chef d'Etat
rawandais
Est-il nécessaire de rappeler que la vérité est à l'inverse ?
- Paul Kagame est fortement soupçonné d'avoir été l'instigateur de l'attentat du
6 avril 1994 qui a coûté la vie à deux chefs d'Etat, ceux du Rwanda et du
Burundi, qui se trouvaient dans le même avion, attentat qui a joué un rôle
décisif dans le déclenchement de la tuerie.
- Si des centaines de milliers de Rwandais, d'ethnie tutsie mais pas seulement,
ont péri du fait du pouvoir hutu aux abois, des centaines de milliers de hutus
ont aussi péri du fait du nouveau pouvoir tutsi (2) ;
- S'il est vrai que la France a eu une coopération militaire avec l'armée et la
gendarmerie rwandaises, dominées par les Hutus, avant 1994, nos instructeurs ne
leur ont sûrement pas enseigné le maniement de la machette, principal instrument
des massacres .


- L'opération Turquoise montée en 1994 avait pour but de sauver des vies et
singulièrement celles des victimes tutsies.
Que cette opération n'ait eu rien de déshonorant pour la France, la preuve :
CNN–Afrique laissa entendre alors qu'il s'agissait d'une opération américaine !
Voilà la vérité. Mais pourquoi le régime Kagame s'acharne t-il à faire admettre
le contraire à l'opinion internationale ? Il y a bien entendu la volonté de se
disculper : l'équipage de l'avion abattu étant français, l'entourage de Kagame a
fait l'objet, à la demande des familles, de poursuites de la part du juge
Bruguière ; il est bien connu que la meilleur défense, c'est l'attaque : quand
vous êtes légitimement accusé, accuser mensongèrement votre accusateur en criant
plus fort que lui est une vieille tactique, connue dans les cours de récréation.
La pseudo-rapport de Kagame intervient en outre au moment où les juristes
chargés de punir les coupables de génocides devant le tribunal international
d'Arusha ont ouvert au fil des séances les yeux sur le véritable rôle de Kagame
dans les massacres de 1994 et sur la nature du régime qu'il a mis en place :
ils se montrent aujourd'hui de plus en plus réticents à s'appuyer sur la justice
rwandaise.


Mais il faut aussi compter avec l'immense orgueil de cet homme qui a décidé
d'humilier la France.
Il connait parfaitement les ressorts de la communication internationale, ceux de
la mauvaise conscience européenne, du goût de l'autodénigrement (même quand il
n'y a pas matière) d'une partie de nos médias, il dispose d'un réseau
impressionnant soigneusement tissé ( et dont les articulations restent à
élucider (3)) en Europe. Il joue admirablement de tout cela.

Un dirigeant sans aucun scrupule surtout Kagame n'a aucun scrupule.
Les procès totalitaires ont montré comment un
procureur parfaitement cynique arrivait au moyen d'accusations véhémentes à
éveiller le sentiment de culpabilité même chez les innocents, aisément
déstabilisés par une rhétorique dont ils n'avaient même pas l'idée.


Le Quai d' Orsay, face à cette opération, ne trouve rien d'autre à faire que de
rappeler notre volonté de réconciliation avec le régime de Kigali. Alors que
c'est précisément cette volonté, exprimée par une visite incongrue de Bernard
Kouchner auprès de son « ami » Kagame qui est sans doute à l'origine de cette
escalade dans l'audace. « Oignez vilain, il vous poindra ! ».
Le seul moyen de clouer le bec à ces accusations invraisemblables n'est pas non
plus de s'en tenir à un silence méprisant, qui n'aura d'autre effet que
d'exaspérer l'adversaire et surtout de laisser accréditer la rumeur qu'il s'efforce
de propager, selon le vieux ressort énoncé par Voltaire :
« Calomniez, calomniez, il en restera toujours quelque chose ! ».


Sans doute, faut-il cesser de vouloir amadouer un adversaire de toutes les
façons irréconciliable, mais on aurait tort pour autant de le négliger : seul un
démenti cinglant – que notre gouvernement doit d'ailleurs aux principaux acteurs
politiques et militaires concernés, Mr Balladur alors premier ministre en tête
est à même de calmer un adversaire de ce genre et de couper court aux soupçons
déjà largement répandus dans la presse et l'opinion françaises. Mr  Kagame a beau
connaître, mieux que la plupart des Africains, les ressorts de la société
politique occidentale, il en est un qu'il faut lui rappeler, c'est que dans une
société ouverte, on ne plaisante pas avec la vérité.


1. Pierre Péan, Noires fureurs, blancs menteurs, Fayard 2005
2.Il faudrait aussi prendre en compte, pour avoir une vision complète de la
question, les massacres de Hutus par les Tutsis intervenus à plusieurs reprises
au Burundi.
3. Le lobby rwandais a pour noyau la diaspora tutsi chassée de son pays par la
révolution de 1962 et dont seule une petite partie est revenue au pays en 1994,
mais il s'est acquis dans les medias ou l'université en France, en Belgique, en
Suisse, des complicités que rien n'explique sinon la naïveté ou des préjugés
anticolonialistes habilement exploités.



Dimanche 10 Août 2008
Hubert Martin