Rwanda
: le ministre James Kabarebe décline la convocation du juge
français en charge
de l’instruction sur l’attentat du 6 avril 1994
12
décembre 2017
James
Kabarebe (au centre), alors
général major de l'armée rwandaise,
à l'aéroport de Kindu, à l'est de la
RDC,
en septembre 2002. © Rodrique Ngowi /AP/SIPA
Le ministre
rwandais de la défense, James Kabarebe, était
convoqué le 14 décembre par un
juge parisien qui entendait le confronter à un ancien
militaire rwandais
accusant le FPR d'être impliqué dans l'attentat du
6 avril 1994. Contestant la
crédibilité de ce témoin de la 25e
heure, ses avocats ont sèchement
décliné la
convocation. Jeune Afrique révèle en
exclusivité la teneur de leur arguments.
« Il
est exclu d’envisager qu’un ministre de la Défense
en exercice se rende en
France pour être confronté à une personne aussi
problématique. » Lundi
11 décembre, à Paris, dans le cabinet du juge
antiterroriste Jean-Marc Herbaut,
les avocats de James Kabarebe ont écarté
d’un revers de robe le scénario
proposé à leur client.
En charge de
l’information judiciaire sur l’attentat commis le 6
avril 1994 contre l’avion
de l’ex-président rwandais Juvénal
Habyarimana, le juge Herbaut et sa collègue
Nathalie Poux avaient en effet convoqué l’actuel
ministre rwandais de la
Défense pour être confronté
à un témoin de
dernière minute qui s’est signalé dans
la
procédure alors que celle-ci était
déjà close.
Ancien
sergent de l’armée rwandaise, entendu en mars
à Paris, James Munyandinda, alias
Jackson Munyeragwe, accuse en effet le Front patriotique rwandais
(FPR),
l’ancienne rébellion tutsie,
d’être à l’origine de cet
attentat qui donna le
signal de départ du génocide.
Mais pour
Bernard Maingain et Léon-Lef Forster, les avocats de James
Kabarebe et d’un
autre officier de l’armée rwandaise, Franck Nziza,
« cette confrontation
est manifestement non justifiée, et en conséquence nos clients ne
comparaîtront pas ces 14 et 15 décembre 2017 ».
Tous deux
mis en examen depuis 2010, ainsi que cinq autres Rwandais proches du
régime de
Kigali, les deux hommes dénoncent de longue date, via leurs
avocats, une
« manipulation judiciaire » qui
ne dit pas son nom. Ouverte depuis
1998, l’information judiciaire a en effet vu
défiler plus d’une demie-douzaine
de témoins à charge du FPR dont les
récits – mutuellement contradictoires
– sont tantôt peu crédibles,
tantôt objets de rétractation.
Rupture des
relations diplomatiques
Ce lundi,
Mes Maingain et Forster ont transmis aux deux magistrats
français un courrier
de huit pages exposant par le menu les griefs formulés par
Kigali face à une
instruction qui, depuis 2006, a régulièrement
suscité l’irritation des
autorités et de la population rwandaises, allant
même jusqu’à provoquer la
rupture des relations diplomatiques entre les deux pays pendant trois
ans. Si les
avocats ne souhaitent pas s’exprimer sur le dossier, un de
leurs clients, en
revanche, a accepté de livrer à JA la teneur du
courrier (lire ci-dessous).
L’argumentaire
des avocats se décline en cinq points.
« Nos clients ont déjà
été
entendus, ont coopéré avec la justice et ont
répondu à toutes les questions
concernant le présent dossier »,
rappellent-ils d’entrée. Fin 2010, en
effet, James Kabarebe, Franck Nziza et cinq autres Rwandais
soupçonnées par la
justice française avaient été entendus
au Burundi par le juge Trévidic,
précédemment chargé de
l’instruction. Ce dernier les avait alors mis en examen,
levant par la même occasion les mandats
d’arrêts internationaux qui pesaient
sur eux depuis fin 2006, à l’initiative du juge
Jean-Louis Bruguière.
Lettre
Juge d’Instruction 11/12/2017