La
question soulève encore
et toujours les passions. Non, affirment certains, pour qui
l’attirance
sexuelle ne peut jamais être totalement
évacuée. Oui, soutiennent d’autres, qui
entretiennent des liens sans ambiguïté.
Enquête sur les rapports délicats entre
désir et mixité.
Un
homme et une femme amis
? L’idée fut longtemps inconcevable, les deux
sexes vivant dans des univers
séparés, sans vraiment se connaître
hors des liens du couple.
La généralisation du travail des femmes puis la
mixité à l’école ont
bousculé
ces rapports distants. Les périodes de célibat,
bien plus nombreuses au cours
de la vie qu’autrefois, laissent le champ libre à
la naissance d’amitiés
solides entre hommes et femmes, et à toutes leurs
ambiguïtés.
Quand
Anna, 22 ans, m’a
gentiment demandé sur quel sujet je travaillais, ma
réponse l’a laissée un brin
interrogative : « Euh, c’est quoi le
problème ? » Une réaction qui
n’étonne
guère le psychiatre et psychanalyste Serge Hefez, auteur de
Scènes de la vie
conjugale (Fayard, 2010) : « La
génération actuelle a vécu la
mixité comme une
évidence, analyse-t-il. Mais, au-delà de
ça, garçons et filles ont
été pris en
considération de la même façon, dans le
respect de leur part féminine et
masculine.
Depuis
qu’ils sont petits,
ils se comprennent, sont proches émotionnellement, il
n’est pas rare que la
meilleure amie d’une fille soit un garçon.
» Ceux-là ne se posent jamais la
question du désir sexuel, car « il naît
de la différence, tandis que l’amitié
se nourrit de similitudes, remarque la psychanalyste Sophie Cadalen,
auteure
avec Sophie Guillou de Tout pour plaire… et toujours
célibataire (Albin Michel,
2009). La complicité amicale ne laisse pas assez de place
à l’altérité pour que
le désir survienne ».