Rwanda : les Ex-FAR représentent-elles encore une menace réelle au régime du FPR?

Le Général Paul Kagame et son régime ne cessent d’alerter le monde sur l’existence d’une menace à l’extérieur du Rwanda et évoquent tambour battant la présence des ex-Forces Armées Rwandaises (FAR), notamment dans l'Est de la République Démocratique du Congo (RDC).

Par cette propagande qui devient légendaire pour le Front Patriotique Rwandais  (FPR), les autorités de Kigali veulent entretenir un climat de peur et d'insécurité favorable  à l'oppression des populations intérieures et l'exportation de la guerre  dans les pays limitrophes.

La vérité est que les FAR ont payé un lourd tribut pendant une longue guerre qui les a opposées pendant plus de trois ans, à la coalition des armées  ougandaises, burundaises, éthiopiennes, somaliennes, sud-soudanaises et érythréennes  et que les survivants ont été anéantis subtilement lors des opérations de destruction des camps de réfugiés et de rapatriement forcé.

Sur les dernières 15 années de pouvoir du nouveau régime rwandais, Kigali s'est doté d'outils politiques et juridiques qui, aujourd'hui comme nous allons le voir dans les lignes qui suivent, ont littéralement réduit au néant la menace des militaires de l'ancien régime.

1994 : une intégration déguisée.

Le 17 juillet 1994, le FPR du Général Paul Kagame s'emparait du pouvoir à Kigali après sa victoire militaire sur les FAR.

Pour des motivations diverses, plusieurs officiers de l'Armée défaite s'étaient alors ralliés au vainqueur. Les uns, convaincus du rôle qu'ils avaient joué pendant la guerre en faveur de ce front, l'ont rejoint tout naturellement  pour exploiter son  succès politico-militaire.

D'autres, embarqués dans des courants politiques de l'opposition intérieure au régime du Président Juvénal Habyarimana se sont laissés entraîner par des politiciens tout aussi ambitieux que naïfs, qui espéraient avoir droit de partager le pouvoir avec  la hiérarchie militaire du FPR qui l'avait longtemps convoité et qui venait de le ravir dans la douleur.

D'autres enfin, pris au piège de leurs cadres, n'ont pas directement osé, discipline militaire oblige, se dissocier de ceux-là qui pensaient avoir choisi leur nouveau camp, après avoir failli à leur serment et aux engagements pris vis-à-vis de tout le peuple rwandais.

A l'époque, ces ex-FAR ont été intégrés dans l'Armée Patriotique Rwandaise après plusieurs  semaines  d'intoxication idéologique au cours de laquelle ils ont été emmenés à confesser pour des crimes qu'ils n'ont pas nécessairement commis, à porter de faux témoignages contre leurs anciens frères d'arme et à cautionner les affirmations élogieuses selon lesquelles le FPR a mené une lutte juste et libératrice d'un peuple opprimé par les anciens dirigeants.

Ils vont être présentés, dans une cérémonie très médiatisée, comme la consécration de l'intégration des armées, prônée  par l'Accord de Paix,  accord violé par ce même FPR le 06 avril 1994, par l'assassinat du Président de la République et la reprise des hostilités.

Par ce truchement, l'Armée Patriotique Rwandaise dominée par les Tutsi  venait de prouver au monde entier sa volonté de réconciliation, en procédant unilatéralement à la formation d'une armée "multi-éthnique" dans laquelle les "bons hutus" sont représentés.

La cérémonie d'intégration terminée, ils ont presque tous bénéficié d'un petit moment de répit, comme si le FPR avait besoin de ce temps pour s'organiser et peaufiner ses méthodes. Certains se sont même vu confier des postes de responsabilité élevés, question de les mettre à l'aise et d'en attirer d'autres dans ce qui va se révéler être une véritable souricière.

Dans tous les cas, cette manœuvre transitoire était nécessaire pour l'ex-mouvement rebelle pour la relance de l'appareil administratif entièrement détruit par la guerre, et dans lequel il n'avait ni l'expérience ni la compétence.

Une fois tout en place, le  FPR ne se retiendra pas longtemps avant de passer à l'action. Il va mettre en œuvre toute une gamme de méthodes de haute perfidie pour éliminer  moralement et physiquement ces ex-FAR dont le seul crime aura été de croire en la sincérité de l'appel du vainqueur pour la reconstruction et la réconciliation nationale. Il n'a plus  besoin d'être discret pour arriver à ses fins.

De début 1995 à aujourd'hui, sans exception, la persécution et la menace de mort  va planer sur toutes les têtes de ces ex-FAR, repentis qui qu'ils soient.

Ils seront jetés en prison sans aucun statut et seront victimes de mauvais traitement, de torture, d'empoisonnement ou de maladie. Ils seront assassinés par des commandos de la DMI (Directorate Military Intelligence) et périront le plus souvent avec leur famille. Ils seront enlevés et disparaîtront sans laisser de traces.

1996 : l'attaque des camps de réfugiés de l'Est de l'ex-Zaïre

A partir d'octobre 1996, le nouveau régime rwandais prend l'initiative d'attaquer et de détruire les camps de réfugiés hutus installés dans l'Est de l'ex-Zaïre. Le but inavoué est encore une fois de tuer et d'anéantir le maximum d'hommes valides, à commencer par les  officiers et sous-officiers ex FAR.

Ceux qui sont pris au piège vont être éliminés avant de franchir la frontière rwandaise sur le chemin du rapatriement forcé ou seront emmenés dans leur commune natale où ils seront enlevés, assassinés ou jetés dans des prisons dans lesquelles ils seront torturés et maltraités jusqu'à la mort.

Ceux qui échappent aux assauts des premiers jours lors du démantèlement des camps de réfugiés sont seulement en sursis. Comme d'autres réfugiés, ils vont être traqués  comme du gibier à travers forêts et marécages jusqu'au delà de la frontière de la RD Congo. Pendant cette chasse poursuite qui va durer plus d'une année, les chefs militaires des assaillants, jusqu'au plus bas échelons de commandement, ont des listes d'anciens cadres civils et militaires à abattre.

Pour les unités de l'Armée Patriotique Rwandaise envoyées en expédition en RD Congo comme pour les rébellions qu'elles soutiennent encore aujourd'hui, cette consigne est toujours de rigueur vis-à-vis des réfugiés perdus dans le labyrinthe de la mangrove congolaise depuis octobre 1996.

1997: le rapatriement forcé de Tanzanie

Dès 1997, le gouvernement Tanzanien expulse tous les réfugiés hutus installés depuis 1994 dans la partie occidentale de ce pays. Cette décision, probablement concoctée par le HCR et le régime de Kigali, rentre en droite ligne des visées du FPR de mettre la main et éliminer progressivement tous les opposants civils et militaires réels ou supposés.

Aussi, dès début 1998, le FPR commence-t-il à faire disparaître les officiers des ex-FAR  que le gouvernement tanzanien avait  livré à leur ennemi sachant pertinemment le sort qui les attendait.

Le Tribunal Pénal International pour le Rwanda (TPIR) et les juridictions Gacaca.

Dès la création du TPIR en fin 1994, Kigali s'est pressée à dresser des listes de criminels responsables du génocide de Tutsis. Sans aucune investigation, l'occasion était bonne pour incriminer un maximum d'ex-FAR en commençant par ceux réputés  s'être farouchement opposés militairement à son avancée pour la conquête du pouvoir.  Ces listes étaient souvent tirées du premier ordre de bataille récupéré dans l'administration de telle façon que même certaines identités étaient complètement fausses.

Bon nombre d'ex-officiers de haut rang seront ainsi traqués dans leur pays d'accueil, avec pour objectif leur neutralisation qui passait par une élimination physique, faute de quoi ils étaient arbitrairement arrêtés et jetés en prison, faisant par la suite l'objet d'une demande systématique d'extradition par Kigali.

Ceux des ex-FAR qui ont eu plus de chance ont été transférés au TPIR pour y être jugés. Malheureusement, la pratique et la logique du procès pénal devant le TPIR montrera très vite que les accusés devant cette justice internationale sont présumés coupables alors qu'ils devraient bénéficier de la présomption d'innocence en vertu de l'article 11 alinéa 2 de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme.

En effet, il est étrange de constater que dans une instance devant le TPIR, le Procureur n'a pas tellement à étayer sa charge, mais que c'est plutôt l'accusé qui doit prouver son innocence. Cet état de choses rend périlleuse la situation des accusés ex-FAR, d'autant plus que le régime de Kigali et les syndicats de délateurs ne se gênent pas à mettre tout en œuvre pour fabriquer de la fausse preuve à charge de tous ceux qui ont appartenu à l'ancienne armée rwandaise.

Le sort de ceux qui ont regagné le Rwanda est loin d'être enviable. A côté de nombreux ex-FAR qui ont subi des représailles, beaucoup se sont vus incriminés mensongèrement devant la justice gacaca, ce après quoi ils ont écopé des peines les plus lourdes.

L'heure du bilan.

Voici déjà 15 années que certains ex-FAR ont eu le courage de répondre à l'appel du FPR en vue de contribuer à la remise du pays sur les rails. Cependant, des informations insistantes et concordantes ont régulièrement fait état de maltraitances et d'oppression dont auraient été l'objet ces ex-FAR rentrés dans rangs du FPR.

C'est sensible à cette préoccupation que l'équipe de rédaction de Virunga Vision a pris l'initiative de faire des investigations sur le sort de ces ex-FAR à majorité hutus restés au Rwanda ou rentrés au lendemain de la victoire du FPR.

En vue de donner au lecteur une indication sur le sort qu'a connu cette ancienne armée du Rwanda, nous publions, conjointement à cet article le document suivant : « Situation des officiers des ex-FAR et le triste sort  leur réservé  par le régime de Kigali», qui peut être directement être consulté sur ce site www.virungavision.com  

Sur la foi des informations contenues dans ce document, nul ne peut douter qu'il s'est agi bel et bien d'un programme et d'une volonté délibérée d'éliminer méthodiquement les membres des ex-FAR.

La disparition systématique de ces ex-militaires et de leurs familles ne peut relever que  d'un plan conçu et coordonné par la haute hiérarchie militaire et exécuté sur base d'ordres précis.

Emprisonnement ou enlèvement, torture, exécutions sommaires et assassinats de toutes ces personnes sans défense, sans aucune forme de procès et en dehors de tout conflit armé, présentent toutes les caractéristiques de crimes les plus graves en droit international.

Le document que nous présentons au lecteur présente malheureusement quelques imperfections. En effet, il ne reprend pour le moment que des cas connus et contient encore quelques imprécisions.

Témoigner sur les circonstances de la mort et de la disparition de chacun de ces ex-militaires, donner des dates et des documents de référence, et étendre cette liste aux nombreux lieutenants, sous-lieutenants, sous-officiers et hommes de troupe des ex-FAR est la finalité de ce grand chantier.

La rédaction de Virunga Vision demande à toute personne et organisation qui serait en possession d'informations sur le sort qu'a connu l'un ou l'autre membre de l'ancienne Armée Rwandaise de la lui transmettre pour que le moment venu, il soit procédé  régulièrement à une remise à jour du document ci-dessus en vue d'une nouvelle édition.

Virunga-Vision est disposé à collecter et à garder précieusement toutes ces informations, de manière à ce que l'histoire et la fin tragique des ex-FAR puisse figurer en bonne place dans l'ensemble de l'Histoire dramatique du peuple rwandais.

Consulter le document "situation des ex-FAR..."

Virunga Vision

La rédaction

Document situation ex-FAR