Rwanda : le Falcon présidentiel abattu par notre (US)
homme, Kagamé.
mardi 23 juin 2009
Article original en
anglais, Civilian Plane Shoot-Downs &
International (In)Justice, Zmag, mai
2009.
Traduit par Dominique Arias. MichelCollon. info
(Les notes entre [ndt :
...] sont du traducteur et n´engagent que lui)
Le 6 avril 1994, un avion était abattu au moment d´atterrir
sur le tarmac de l´aéroport de Kigali, causant la mort du président du Rwanda, Juvenal Habyarimana, et de celui du Burundi, Cyprien Ntaryamira. Peu après commencèrent les massacres de masse
du "génocide rwandais" et un conflit intimement parallèle opposant
l´armée rwandaise - alliée au gouvernement majoritairement Hutu du président
Habyarimana - aux forces rebelles du Front Patriotique Rwandais (FPR) menées
par Paul Kagamé. Cette assassinat et cette guerre étaient le paroxysme d´un
conflit larvé engendré des années plus tôt, en octobre 1990, par une invasion
du Rwanda par des éléments de l´armée ougandaise menés par... Paul Kagamé,
ex-directeur des services de renseignements de l´armée ougandaise. Ces soldats
ougandais - majoritairement tutsis de nationalité ougandaise mais exilés
rwandais pour beaucoup - ne tardèrent pas à quitter l´armée ougandaise pour
devenir le Front Patriotique Rwandais.
Cette invasion, ainsi que le conflit, le nettoyage ethnique
et la prise de contrôle politique et militaire du Rwanda qui s´en suivirent,
bénéficiaient du soutien des Etats-Unis - Kagamé avait été formé à Fort Leavenworth
- et les victoires de Kagamé et du FRP tenaient bien sûr principalement à
l´intervention de cette superpuissance, qui impliqua bientôt le soutien au FPR
de Kofi Annan et de l´ONU, du FMI, de
Parce que soutenue par les Etats-Unis, l´invasion du Rwanda
par l´Ouganda en 1990 ne fut jamais considérée par l´ONU comme une agression
caractérisée - à l´instar de l´invasion de l´Irak par les forces américano-britanniqu es en 2003 ou de celle du Liban par
Israël en 2006, mais contrairement à l´invasion du Koweït par l´Irak, en août
1990, immédiatement condamnée et sanctionnée par les Nations Unies. Ce n´était
pas non plus une agression aux yeux de Human Rights Watch pour qui seules les violations des Droits de
l´Homme imputables au gouvernement rwandais méritaient d´être prises en compte.
L´agression militaire ougandaise et le violent mouvement de déstabilisation
mené à l´intérieur du pays par le FPR et soutenu de l´extérieur par les USA,
eux, n´entraient pas en ligne de compte.
Le problème pour Kagamé et ceux qui le soutenaient aux USA,
c´est que les Tutsis représentaient à peine plus de 15% de la population du
Rwanda et que la majorité des Hutus étaient radicalement hostiles au FRP.
L´invasion et le nettoyage ethnique mené au nord du Rwanda par le FRP et celui
mené par des forces tutsies au Burundi avaient provoqué des arrivées massives
de réfugiés Hutus au Rwanda. Kagamé et son FPR n´avaient donc pas la moindre
chance d´y remporter des élections crédibles. En vertu d´un accord de 1993,
celles-ci devaient néanmoins se tenir en 1995, sous l´égide des Nations Unies.
Kagamé ne pouvait donc prendre le pouvoir que par la force. N´est-il pas
merveilleux qu´en à peine trois mois, il soit effectivement parvenu à s´en
emparer, dès 1994, par les armes, annulant de facto la tenue des élections
prévue pour 2005 ? N´est-il pas extraordinaire qu´il ait pu remporter
seul, avec ses troupes et ses sponsors, une victoire aussi décisive au beau
milieu du génocide que perpétraient ses adversaires ? N´est-il pas
surprenant qu´il y ait eu en fait manifestement au bout du compte plus de morts
côté Hutus que côté Tutsis, au cours de cette période de massacres
épouvantables ?
N´est-il pas étonnant qu´à la suite de cette victoire,
Kagamé et l´Uganda de Musevemi (un autre protégé des
Etats-Unis) aient à plusieurs reprises envahi et occupé le Congo, pillant et
favorisant le pillage général des prodigieuses ressources de ce pays, massacrant
à tout va, mais là encore sans rencontrer la moindre opposition de la part des
USA ou de la « communauté internationale » ? (Pour davantage de
documentation sur la question, cf. : Robin Philpot,
Rwanda 1994: Colonialism Dies Hard (publié sur
Internet tel que proposé au site du Rapport Taylor en 2004 (http://www.taylor-
report.com/ Rwanda_1994/)); voir aussi Edward S.
Herman et David Peterson, The Politics of Genocide ("Politiques Génocidaires" à paraître
dans Monthly Review Press); et Keith Harmon Snow,
"Hotel Rwanda: Hollywood and the Holocaust in Central Africa,"
("Hôtel Rwanda: Hollywood et l´holocauste en Afrique Centrale"), 1er
novembre 2007 (http://www.allthing
spass.com/ journalism. php?catid=
47).
Tout cela nous ramène à l´appareil abattu le 6 avril 1994.
Encore une fois, il n´est pas vain de rappeler combien ce double assassinat
tombé du ciel était une merveilleuse aubaine tant pour Kagamé et le FPR que
pour leurs soutiens américains britanniques ou belges. Il fut le coup d´envoi
du bain de sang qui allait se dérouler au cours des mois suivants. Pour les
médias occidentaux, ce bain de sang restait exclusivement imputable aux Hutus,
au gouvernement hutu et à ses paramilitaires. Mais cette version contredit les
faits de manière flagrante : c´est bien le chef du gouvernement hutu qui a
été tué dans l´attentat. Il pouvait donc difficilement en être aussi le
commanditaire. C´est bien le FPR qui est sorti vainqueur du conflit, en à peine
plus de trois mois. C´est plutôt étonnant si l´on part du principe que
l´assassinat et les massacres qui ont suivi avaient été planifiés de longue
date par les Hutus.
Les USA, eux, ont tout fait pour que les casques bleus de
l´ONU soient retirés du Rwanda au moment même où se déroulait le supposé
génocide perpétré par les Hutus, en avril 1994. Le gouvernement hutu était
opposé à ce retrait, Kagamé, lui, y était totalement favorable. Pour les
apologistes de la version officielle, comme Samantha Power - agression et
génocide hutu, Kagamé volant au secours de son peuple - les USA étaient
seulement « prêts à intervenir ». Ils n´en avaient pas moins formé et
armé Kagamé, affaibli et déstabilisé le gouvernement rwandais, et préparaient
ouvertement le terrain pour le coup d´Etat et la prise de pouvoir planifiée de
leur client. Autre remarquable coïncidence, à peine un an plus tôt, dans le
Burundi voisin, des officiers tutsis assassinaient le chef de l´Etat, Melchior Ndadaye, un événement salué avec enthousiasme par le FPR.
Encore plus révélateur, dans le rapport sur l´attentat
contre l´avion présidentiel présenté par Michael Hourigan,
avocat australien chargé de l´enquête par le Tribunal Pénal International pour
le Rwanda (TPIR), le témoignage de trois membres du FPR et les éléments qu´ils
apportaient à l´enquête, prouvaient clairement dès 1996 que l´avion avait été
abattu par les hommes de Kagamé. Lorsque Hourigan
transmit cette information à Louise Arbour, alors
procureur général du TPIR, celle-ci, après avoir consulté les représentants des
Etats-Unis, exigea la fermeture de l´enquête, en dessaisit Hourigan
et lui donna l´ordre de détruire intégralement ses dossiers, au prétexte qu´une
telle investigation ne relevait pas des prérogatives du tribunal et sortait de
sa juridiction. C´était absolument faux, comme le souligna Richard Goldstone, lui-même ex-procureur général du TPIR et
notoirement proche de longue date du Département d´Etat U.S. Plus tard, en
2003, Carla Del Ponte, à son tour nommée procureur général du TPIR, ordonna à
nouveau l´ouverture d´une enquête sur l´attentat de 1994 contre l´avion
présidentiel. Mais Kofi Annan lui ayant refusé son soutien, elle fut, elle
aussi, congédiée et remplacée.
Bien que ce double assassinat présidentiel soit reconnu
comme l´élément déclencheur d´un génocide qui a défrayé la chronique, le
Conseil de Sécurité lui-même, plus de quinze ans après les faits, n´a toujours
engagé aucune poursuite ni exigé aucune sanction, pas même une enquête.
L´attentat d´avril
La loi d´airain reste inflexible : Impunité pour les
crimes des Etats-Unis ou de leurs clients et complices ; tribunaux et
sanctions pour ceux qu´ils prennent pour cibles. C´est bel et bien la règle,
dans le système politisé de notre (in)justice internationale.
Article original en anglais, Civilian
Plane Shoot-Downs & International (In)Justice, Zmag, mai
2009.
Traduit par Dominique Arias. MichelCollon.
info
(Les notes entre [ndt :
...] sont du traducteur et n´engagent que lui)