Carburants
toxiques en Afrique: des conséquences
désastreuses sur la santé
Une station
essence à Bamako, au Mali.
© © Issouf Sanogo/AFP
Par RFI
Publié
le 16-09-2016
Jeudi 15
septembre, le rapport de l'ONG Suisse Public
Eye mettait en lumière la piètre
qualité des carburants disponibles en Afrique
et les pratiques peu scrupuleuses des négociants suisses en
matières premières.
Il ressort que sur les 40 échantillons de carburants
prélevés par les auteurs
du rapport dans les huit pays d'Afrique étudiés,
aucun ne pourrait être
commercialisé en Europe car ces carburants ont des teneurs
en soufre entre 200
et 1000 fois supérieurs aux normes sanitaires
européennes. Avec des
conséquences désastreuses sur la
qualité de l'air donc sur la santé publique.
Si rien
n'est fait, plus de 30 000 personnes pourraient mourir
prématurément de pollution
atmosphérique sur le
continent africain d'ici 2030. C'est en
tout cas la conclusion d'une étude menée par l'ICCT,
une ONG spécialisée
dans la promotion des véhicules propres.
Le soufre
n'est pas le seul responsable de la pollution de l'air, mais son action
est
particulièrement pernicieuse. Car non seulement, il
contribue à l'émission de
particules fines qui se logent profondément dans les poumons
et provoquent de
nombreuses maladies cardiaques et respiratoires, mais en plus le soufre
détruit
les technologies de contrôle des émissions comme
les particules à filtre de
diesel. Autrement dit, si la teneur en soufre des carburants
utilisés reste
identique, même une généralisation des
véhicules propre sur le continent
n'aurait que peu d'effet.
→
A (RE)ECOUTER : Vente
de carburant toxique en
Afrique: «C'est illégitime mais
légal»
Or, tout
indique que le parc automobile va augmenter dans les prochaines
années
puisqu'on estime que la population urbaine pourrait tripler d'ici 2050
sur le
continent. Et si les études restent encore rares sur le
sujet, un rapport
récent de la Banque mondiale a montré qu'au
Ghana, pour la seule année 2013, la
pollution de l'air avait coûté 542 millions
d'euros en consultations médicales.
L'essence
kpayo comme on dit ici est vendue partout, dans de grosses bonbonnes ou
dans
des bouteilles en verre. Non traitée, elle contient beaucoup
de benzène, très
cancérigène, et de plomb. C'est ce qu'utilisent
les milliers de conducteurs de
taxis-motos.
Au Bénin, plus de 90% des conducteurs achètent l'essence frelatée
Des pays
qui prennent des mesures fortes
L'ONG Public
Eye, à l’origine du rapport
sur les carburants toxiques,
incite les Etats à mettre en place des
législations plus contraignantes. Elle
cite notamment l'exemple vertueux des cinq pays de la
Communauté des Etats
d'Afrique de l'Est, la Tanzanie, le Kenya, le Burundi,
l’Ouganda et le Rwanda,
qui depuis le 1er janvier 2015 se sont accordés pour faire
significativement
baisser la teneur en soufre dans le carburant qu'ils importent.
Reportage au
Rwanda.
Laboratoire
de l'Office rwandais de normalisation (RSB). « Cette
machine passe au
crible tous les composants du carburant. Elle détecte le
benzène, mais aussi le
soufre. Elle détecte tout »,
explique Antoine Mukunzi, en charge des
tests qualité.
Ce type de
test est effectué au moins une fois par semaine. En effet,
depuis janvier 2015,
le Rwanda comme les autres pays de la Communauté des Etats
d'Afrique de l'Est a
mis en place des normes strictes. La teneur en soufre dans le diesel,
par
exemple, ne doit pas dépasser les 50 particules par million
(ppm) au lieu de
500 ppm par le passé. Les teneurs en plomb ou en
benzène ont aussi été
réduites. « La teneur en soufre
par exemple a été réduite pour des
raisons environnementales. Du carburant à forte teneur en
soufre génère du
dioxyde de soufre dans l'atmosphère et même des
pluies acides »,
précise-t-il.
De nouvelles
normes qui, selon Norris Imbayi Ongalo, importateur au sein de la
société
rwandaise SP n'ont qu'un impact marginal sur les coûts du
carburant. « Le
processus d'obtention du carburant à faible teneur en soufre
augmente certes, à
la marge, le coût du produit. Cependant, beaucoup
d'entreprises ont trouvé un
créneau dans ce secteur, en s'en servant comme d'un argument
marketing »,
souligne-t-il.
Un impact
d'autant plus réduit que cette nouvelle
législation est intervenue dans un
contexte de baisse des cours mondiaux du pétrole.