Échec et mat : le roi est-il vraiment mort ?

Quand on dit échec et mat, cela signifie-t-il que le roi est mort ?

Par Neamar g+ le 05/03/2010
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 Echec

Je ne ferai pas l'injure au lecteur d'expliciter le terme « échec et mat », que chacun a dû rencontrer au moins une fois dans sa vie, que ce soit lors d'une partie d'échec ou dans une expression figurée.

Mais si le contexte d'utilisation est clair, la signification mérite quant à elle un article.
La plupart des joueurs d'échecs se sont malheureusement vus enseigner une mauvaise traduction, qui clame qu'« échec et mat » signifie « le roi est mort ».
Tentons de rétablir la vérité…

Allons dans l'ordre et commençons par le commencement. « Échec et mat » provient de shah mat. Partant du principe que mat en arabe signifie « mort » et shah « roi », il a longtemps été considéré que l'expression signifiait littéralement le massacre du roi ennemi en fin de partie.

Mais les échecs sont plus subtils ! Toutes les pièces sont tuables, à l'exception du roi : le dernier coup que l'on porte au maître du plateau n'est jamais joué, et sa capture – pas sa mort – est symbolisée par le couchage de la pièce sur l'échiquier. Autrement dit, la symbolique du jeu (« le roi se rend ») ne s'accorde pas à son oral (« le roi est mort »).

Sauf que shah mat ne vient pas des Arabes ! Ceux-ci ont récupéré le jeu des Perses. Et en perse, si shah signifie toujours « roi », mat ne se traduit par par « mort », mais par « capture », « embuscade », « défaite ».
Le premier avertissement, shah (mal translittéré par « échec », ce qui enlève le rapport entre l'interjection et la pièce) indiquait à l'autre joueur que son roi (son Shah) était en danger, et qu'il fallait faire une action pour le sortir de ce mauvais pas. La seconde phrase – « échec et mat » – était ensuite un moyen civilisé de résoudre la situation, non pas en décapitant le monarque mais en montrant à son adversaire que la partie est finie, le roi étant acculé et n'ayant plus aucun moyen de se défendre. Bref, une guerre idéaliste… et idéalisée.

Légendes

Mythe du brahmane Sissa

La légende la plus célèbre sur l'origine du jeu d'échecsG 13 raconte l'histoire du roi Belkib (Indes, 3000 ans avant notre ère) qui cherchait à tout prix à tromper son ennui. Il promit donc une récompense exceptionnelle à qui lui proposerait une distraction qui le satisferait. Lorsque le sage Sissa, fils du Brahmine Dahir, lui présenta le jeu d'échecs, le souverain, enthousiaste, demanda à Sissa ce que celui-ci souhaitait en échange de ce cadeau extraordinaire. Humblement, Sissa demanda au prince de déposer un grain de riz sur la première case, deux sur la deuxième, quatre sur la troisième, et ainsi de suite pour remplir l'échiquier en doublant la quantité de grain à chaque case. Le prince accorda immédiatement cette récompense en apparence modeste, mais son conseiller lui expliqua qu'il venait de signer la mort du royaume car les récoltes de l'année ne suffiraient à s'acquitter du prix du jeu. En effet, sur la dernière case de l'échiquier, il faudrait déposer 263 graines, soit plus de neuf milliards de milliards de grains (9 223 372 036 854 775 808 grains précisément), et y ajouter le total des grains déposés sur les cases précédentes, ce qui fait un total de 264-1, soit 18 446 744 073 709 551 615 grains, soit environ 4. 1011 tonnes de riz décortiqué22.

Des variantes de cette légende existent, l'une suggérant que le roi accepta à condition que le sage compte les graines lui-même, une autre affirmant que Sissa eut la tête tranchée pour une telle effronterie. Certaines versions disent que Sissa ne demanda rien en échange mais que le roi insistant, Sissa aurait alors décidé de se moquer du roi en lui demandant une récompense qu'il ne pourrait donner.

Légende grecque

Une autre légende place l'invention du jeu durant la Guerre de Troie. Palamède, l'un des héros grecs, aurait inventé le jeu pour remonter le moral des troupes durant le siège de Troie, ainsi que d'autres jeux : « Les Grecs lui attribuaient [à Palamède] l'invention de plusieurs lettres de leur alphabet, de la monnaie, des dés, des osselets et du "jeu d'échecs" (sic) »23,24. C'est l'origine du nom de la première revue échiquéenne, Le Palamède. Cette légende est née d'une traduction erronée du mot grec πεττεια (petteia), un terme désignant un jeu de plateau différent des échecs, l'équivalent du senet égyptien25 et ancêtre probable du Tablut ou "Jeu des cinq lignes"26 parfois traduit, à tort, par « dames »27 ou « échecs »28.

Légende latine

Selon une autre légende, inventée par le poète anglais William Jones en 1763 dans un poème en latin, Euphron (frère de Vénus et dieu des sports) aurait créé les échecs pour aider Mars à séduire la belle Caïssa. Cette dernière est parfois considérée comme la déesse des échecs.