TPIR 1994-2005/04: Planification non
constitutive de génocide.
III) Crimes de guerre (Article 4)
Statut du TPIR, article 4 :
«Le Tribunal international pour le Rwanda est habilité
à poursuivre les personnes qui commettent ou donnent l'ordre de commettre des
violations graves de l'article 3 commun aux Conventions de Genève du 12 août
1949 pour la protection des victimes en temps de guerre, et du Protocole
additionnel II aux dites Conventions du 8 juin 1977. Ces violations
comprennent, sans s'y limiter :
a) Les atteintes portées à la vie, à la santé et au
bien-être physique ou mental des personnes, en particulier le meurtre, de même
que les traitements cruels tels que la torture, les mutilations ou toutes formes de peines corporelles ;
b) Les punitions collectives ;
c) La prise d'otages ;
d) Les actes de terrorisme ;
e) Les atteintes à la dignité de la personne,
notamment les traitements humiliants et dégradants, le viol, la contrainte à la
prostitution et tout attentat à la pudeur ;
f) Le pillage ;
g) Les condamnations prononcées et les exécutions
effectuées sans un jugement préalable rendu par un tribunal régulièrement
constitué, assorti des garanties judiciaires reconnues comme indispensables par
les peuples civilisés ;
h) La menace de commettre les actes précités.»
i)
il est nécessaire d'établir le droit applicable
Akayesu,
(Chambre de première instance), 2 septembre 1998, par. 604-607 : «Il convient
de noter que, dans le Statut du Tribunal international pour le Rwanda, le
Conseil de sécurité est allé plus loin que dans celui du Tribunal pour
l'ex-Yougoslavie dans le choix du droit applicable et a inclus dans la
compétence ratione materiae des instruments qui n'étaient pas
nécessairement considérés comme faisant partie du droit international coutumier
ou dont la violation n'était pas nécessairement généralement considérée comme
engageant la responsabilité pénale individuelle de son auteur. L'article 4 du
Statut inclut donc les violations du Protocole additionnel II qui, dans son
ensemble, n'a pas encore été universellement reconnu comme faisant partie du
droit international coutumier, et pour la première fois, érige en crimes les
violations de l'article 3 commun aux quatre Conventions de Genève». «[I]l est
bon à ce stade de répondre à la question de savoir si l'article 4 du Statut
renferme des règles qui, à l'époque où les crimes allégués dans l'Acte
d'accusation ont été commis, ne faisaient pas partie du droit international
coutumier existant». «[L]a Chambre rappelle que lors de la création du TPIY, le
Secrétaire général de l'ONU a affirmé que l'application du principe nullum
crimen sine lege exigeait que le Tribunal international applique des règles
du droit international humanitaire qui faisaient partie sans aucun doute
possible du droit coutumier». «[La] Chambre croit
nécessaire et raisonnable d'établir séparément l'applicabilité de l'article 3
commun et du Protocole additionnel II.»
Akayesu,
(Chambre de première instance), 2 septembre 1998, par. 608-609, 616 : La
Chambre considère que «l'article 3 commun a acquis le statut de règle du droit
coutumier en ce sens que la plupart des Etats répriment dans leur code pénal
des actes qui, s'ils étaient commis à l'occasion d'un conflit armé interne,
constitueraient des violations de l'article 3 commun». La Chambre note
également que la Chambre de première instance du TPIY a décidé dans le jugement
Tadic3
que l'article 3 commun du Statut faisait partie du droit international
humanitaire coutumier comme l'a confirmé la Chambre d'appel du TPIY.4
Néanmoins, la Chambre remarque aussi que «le Secrétaire général n'a pas jugé
que le Protocole additionnel II dans son ensemble était universellement reconnu
comme faisant partie du droit international coutumier. La Chambre d'appel est
en accord avec cette opinion dans la mesure où «de nombreuses dispositions
dudit Protocole [II] peuvent maintenant être considérées comme déclaratives de
règles existantes ou comme ayant cristallisé des règles naissantes du droit
coutumier […]» mais non toutes.» «La liste des violations graves figurant à
l'article 4 du Statut […] comporte des violations graves des garanties
humanitaires fondamentales qui […] sont reconnues comme faisant partie du droit
international coutumier.»
Mais voir Kayishema
et Ruzindana, (Chambre de première instance), 21 mai 1999, par. 156-158,
597-598 : La Chambre n'a pas jugé nécessaire de s'étendre sur la question de
savoir si les instruments devraient être «considérés comme [faisant] partie du
droit international coutumier dont les violations graves engagent la
responsabilité pénale des auteurs.» «Le Rwanda est devenu partie aux
Conventions de 1949 le 5 mai 1964 et au Protocole II le 19 novembre 1984. Par
conséquent, ces instruments étaient bien en vigueur au Rwanda au moment où les
tragiques événements de 1994 se déroulaient sur son sol.» «En outre, les
infractions énumérées à l'article 4 du Statut constituaient également toutes
des crimes au regard des lois rwandaises en vigueur en 1994. L'autre partie au
conflit, le FPR, avait également donné au Comité international de la
Croix-Rouge (CICR) notification du fait qu'elle se savait liée par les règles
du droit international humanitaire.»
Rutaganda,
(Chambre de première instance), 6 décembre 1999, par. 86-90 : La Cour s'appuie
sur les arrêts Akayesu et Kayishema et Ruzindana afin d'affirmer
qu'«à l'époque où les crimes allégués dans l'Acte d'accusation ont été commis,
les individus étaient liés par les dispositions des Conventions de Genève de
1949 et des Protocoles additionnels aux dites Conventions de 1977, telles que
reprises à l'article 4 du Statut.» Voir aussi Musema, (Chambre de
première instance), 27 janvier 2000, par. 242 ; Semanza, (Chambre de
première instance), 15 mai 2003, par. 353.
iii)
la responsabilité pénale individuelle s'applique
Akayesu,
(Chambre de première instance), 2 septembre 1998, par. 616 : «De l'avis de la
Chambre, les auteurs de violations si flagrantes doivent à l'évidence encourir
une responsabilité pénale individuelle du chef de leurs faits.»
Kayishema et Ruzindana, (Chambre de première instance), 21 mai 1999, par. 184
: «La compétence de la Chambre se limite aux violations graves de l'article 3
commun et du Protocole II.» La Chambre estime que «les «violations graves»
doivent être interprétées comme signifiant des infractions emportant de graves
conséquences et que la liste des actes prohibés sous l'article 4 doit être
indéniablement reconnue comme des violations graves engageant une
responsabilité pénale individuelle.»5
Akayesu,
(Chambre de première instance), 2 septembre 1998, par. 616 : «La Chambre
interprète l'expression «violations graves» comme signifiant «une infraction à
une règle protégeant des valeurs importantes [et cette infraction] doit
emporter de graves conséquences pour la victime.»» Voir aussi Musema,
(Chambre de première instance), 27 janvier 2000, par. 286 ; Bagilishema,
(Chambre de première instance), 7 juin 2001, par. 102; Semanza, (Chambre
de première instance), 15 mai 2003, par. 370.
Rutaganda,
(Chambre de première instance), 6 décembre 1999, par. 106 : «Par «violation grave»,
on entend une infraction à une règle protégeant des valeurs importantes,
emportant des conséquences graves pour la victime. Les prohibitions
fondamentales énoncées à l'article 4 du Statut sont dictées par des
considérations d'humanité élémentaires, dont la violation serait, par
définition, considérée comme grave.» Voir aussi Musema, (Chambre de
première instance), 27 janvier 2000, par. 288.
Kayishema et Ruzindana, (Chambre de première instance), 21 mai 1999, par.
169 : «La Chambre est d'avis que pour qu'il y ait violation de l'Article 3
commun et du Protocole II, l'acte incriminé doit remplir un certain nombre de
conditions.»
(1) «L'existence […] d'un conflit armé à caractère non
international […] doit être établie;» (2) «Il doit également exister un lien
entre l'accusé et les forces armées ;» (3) «le crime doit être commis ratione
loci et ratione personae ;» (4) «un lien doit exister entre le crime
et le conflit armé.»
Mais voir Akayesu, (Chambre d'appel), 1 juin 2001, par. 425-445, considérant que le
second élément n'est pas exigé. Voir aussi Section (III)(c)(ii) pour une
discussion des affaires qui rejettent la condition du lien entre l'accusé et
les forces armées.
i)
l'exigence d'un conflit armé (élément 1)
(1) l'exigence d'un
conflit armé à caractère non international
Akayesu,(Chambre
de première instance), 2 septembre 1998, par. 601-602 : «L'article 3 commun
s'applique aux «conflits armés ne présentant pas un caractère international.»»
«Les troubles internes n'entrent pas dans le champ du droit international
humanitaire.» Voir aussi Bagilishema, (Chambre de première instance), 7
juin 2001, par. 99.
Rutaganda,
(Chambre de première instance), 6 décembre 1999, par. 91 : «Les infractions qui
tomberaient sous le coup de l'Article 4 du Statut doivent, par définition,
avoir été commises dans le cadre d'un conflit armé non international répondant
aux exigences de l'article 3 commun qui s'applique aux «conflits armés ne
présentant pas un caractère international.»»
(a)
la définition du «conflit armé ne présentant pas un caractère international»
Akayesu,
(Chambre de première instance), 2 septembre 1998, par. 619-621, 625 : «Dans son
arrêt Tadic relatif à l'exception préjudicielle d'incompétence, la Chambre
d'appel a estimé «qu'un conflit armé existe chaque fois qu'il y a […] conflit
armé prolongé entre les autorités gouvernementales et des groupes armés
organisés ou entre de tels groupes au sein d'un Etat. Le droit international
humanitaire s'applique dès l'ouverture de ces conflits armés et s'étend au-delà
de la cessation des hostilités […] dans le cas de conflits internes, jusqu'à ce
qu'un règlement pacifique soit atteint.»»6
«[L]e conflit armé se distingue des troubles internes
par son intensité et le degré d'organisation des parties au conflit.»
La Chambre s'appuie aussi sur les commentaires du CICR
de l'article 3 commun qui suggèrent des critères
utiles pour définir les conflits armés :
«La Partie rebelle au Gouvernement légitime possède
une force militaire organisée, une autorité responsable de ses actes, agissant
sur un territoire déterminé et ayant les moyens de respecter et de faire
respecter la Convention. Le Gouvernement légitime est obligé de faire appel à
l'armée régulière pour combattre les insurgés organisés militairement et
disposant d'une partie du territoire national.
(a) Le Gouvernement légal a reconnu la qualité de belligérants aux insurgés ;
ou bien
(b) il a revendiqué pour lui-même la qualité de belligérant ; ou bien
(c) il a reconnu aux insurgés la qualité de belligérants aux seules fins de
l'application de la Convention ; ou bien
(d) le conflit a été porté à l'ordre du jour du Conseil de Sécurité ou de
l'Assemblée générale des Nations Unies comme constituant une menace contre la
paix internationale, une rupture de la paix ou un acte d'agression.»
Citant le Comité International de la Croix Rouge,
Commentaire de la Convention (I) de Genève; article 3, al. 1 – Dispositions
applicables.
Kayishema et Ruzindana, (Chambre de première instance), 21 mai 1999, par.
170 : «Un conflit armé survenant sur le territoire d'une partie contractante,
entre ses forces armées et les forces armées dissidentes, ou tout autre groupe
armé organisé, conformément au Protocole II, devrait être considéré comme un
conflit armé à caractère non international.»
Rutaganda,
(Chambre de première instance), 6 décembre 1999, par. 92-93 : «[L]es conflits
visés par l'article 3 sont des conflits armés caractérisés par des hostilités
mettant aux prises des forces armées - en somme, un conflit qui présente bien
des aspects d'un conflit international mais qui se produit à l'intérieur d'un
même Etat.» «La définition d'un conflit armé en soi est donc abstraite et le
caractère de «conflit armé» répondant aux exigences de l'article 3 commun doit
s'apprécier au cas par cas. Ainsi, s'agissant de cette question, le Jugement Akayesu
a proposé un «critère de référence» en vertu duquel il convient d'apprécier
l'intensité des combats et l'organisation des parties au conflit afin de se
prononcer sur l'existence d'un conflit armé. La Chambre fait sienne cette
démarche en l'espèce.»
Musema,
(Chambre de première instance), 27 janvier 2000, par. 247-248 : «[U]n conflit armé non international est différent d'un
conflit armé international en raison du statut juridique des parties en
présence : les parties au conflit ne sont pas des Etats souverains mais le
gouvernement d'un seul et même Etat en conflit avec une ou plusieurs factions
armées à l'intérieur de son territoire.» «L'expression «conflits armés»
introduit un critère matériel : l'existence d'hostilités ouvertes entre des
forces armées qui sont plus ou moins organisées. Ainsi, les situations de
tensions internes et de troubles intérieurs caractérisés par des actes de
violence isolés ou sporadiques n'entrent pas dans la définition de conflits
armés au sens juridique du terme, même si le gouvernement est obligé de
recourir aux forces de police, voire même aux forces armées, aux fins de
rétablir l'ordre public. Dans ces limites, les conflits armés non
internationaux sont des situations dans lesquelles des hostilités interviennent
entre des forces armées ou des groupes armés organisés à l'intérieur d'un même
Etat.»
(b)
les troubles et tensions internes sont exclus
Akayesu,
(Chambre de première instance), 2 septembre 1998, par. 620 : «L'expression
«conflit armé» évoque en soi l'existence d'hostilités entre des forces armées
plus ou moins organisées. En sont dès lors exclus les troubles et tensions
internes. Pour se prononcer sur l'existence d'un conflit armé interne, […] il
faudra dès lors apprécier à la fois l'intensité du conflit et l'organisation
des parties au conflit.»
Rutaganda,
(Chambre de première instance), 6 décembre 1999, par. 92 : «[L]es
simples actes de banditisme, les situations de tensions internes et de troubles
intérieurs, ainsi que les insurrections inorganisées et sans lendemain en sont
à exclure.»
Kayishema et Ruzindana, (Chambre de première instance), 21 mai 1999, par.
171 : «Faute de remplir certaines conditions posées comme minimum, certains
types de conflits internes ne sont pas considérés, sous l'empire de l'Article
premier, alinéa (2) du Protocole II, comme des conflits armés à caractère non
international. Il s'agit notamment des «situations de tensions internes, de
troubles intérieurs comme les émeutes, les actes isolés et sporadiques de
violence et autres actes analogues.»» Voir aussi Musema, (Chambre de
première instance), 27 janvier 2000, par. 248.
(2) l'application de
l'article 3 commun et du Protocole additionnel II repose
sur des critères objectifs
Akayesu,
(Chambre de première instance), 2 septembre 1998, par. 603 : «[I]l
convient de souligner que le soin de déterminer l'intensité du conflit ne
présentant pas un caractère international n'est pas laissé à l'appréciation
subjective des parties aux conflits.» «[S]ur la base de critères objectifs,
l'article 3 commun et le Protocole additionnel II trouvent […] application dès
lors qu'il est établi qu'il existe un conflit armé interne qui satisfait leurs
critères préétablis respectifs.»
Akayesu,
(Chambre de première instance), 2 septembre 1998, par. 624 : «[C]es critères
doivent être appliqués de manière objective, abstraction faite des
appréciations subjectives des parties au conflit. Il est nécessaire d'apporter
un certain nombre de précisions relatives auxdits critères avant que la Chambre
ne se prononce sur leur sujet.»
Bagilishema,
(Chambre de première instance), 7 juin 2001, par. 101 : «Pour déterminer si un
conflit remplit les conditions matérielles requises par [l'article 3 commun et
le Protocole additionel II] on procédera à une évaluation objective, au cas par
cas, de l'intensité du conflit et du degré d'organisation des forces en
présence.»
Semanza,
(Chambre de première instance), 15 mai 2003, par. 357 : «Pour déterminer si un
conflit tombe sous le coup de l'article 3 commun ou du Protocole additionnel II
ou des deux, il y a lieu d'analyser les critères objectifs énoncés dans les
dispositions respectives de ces instruments.»
Rutaganda, (Chambre
de première instance), 6 décembre 1999, par. 91 : «Les infractions qui
tomberaient sous le coup de l'article 4 du Statut doivent, par définition,
avoir été commises dans le cadre d'un conflit armé non international répondant
aux exigences de l'article 3 commun qui s'applique aux «conflits armés ne
présentant pas un caractère international» et du Protocole additionnel II
applicable aux conflits qui «se déroulent sur le territoire d'une Haute Partie
contractante entre ses forces armées et des forces armées dissidentes ou des
groupes armés organisés qui, sous la conduite d'un commandement responsable,
exercent sur une partie de son territoire un contrôle tel qu'il leur permette
de mener des opérations militaires continues et concertées et d'appliquer le
[présent] Protocole.»»
Akayesu,
(Chambre de première instance), 2 septembre 1998, par. 623 : «[P]our
établir que les conditions matérielles d'application du Protocole additionnel
II […] sont remplies, il faudrait démontrer :
(i) qu'un conflit armé se déroulait sur le territoire
d'une Haute Partie contractante […] entre ses forces armées et des
forces armées dissidentes ou des groupes armés organisés ;
(ii) que les forces armées dissidentes ou les groupes
armés organisés agissaient sous la conduite d'un commandement responsable ;
(iii) que les forces armées dissidentes ou les groupes
armés organisés exerçaient sur une partie de son territoire un contrôle tel
qu'il leur permettait de mener des opérations militaires continues et
concertées ; et
(iv) que les forces armées dissidentes ou les groupes
armés organisés étaient en mesure d'appliquer le Protocole additionnel II.»*
Voir aussi Rutaganda, (Chambre de première instance), 6 décembre 1999, par. 95 ; Bagilishema,
(Chambre de première instance), 7 juin 2001, par. 100 ; Kayishema et
Ruzindana, (Chambre de première instance), 21 mai 1999, par. 171.
Rutaganda, (Chambre
de première instance), 6 décembre 1999, par. 94 : «[L]es
conflits tombant sous le coup du Protocole additionnel II sont d'une intensité
supérieure à celle exigée par l'article 3 commun […]. Si un conflit armé
interne répond aux conditions matérielles d'application du Protocole
additionnel II, il satisfait dès lors ipso facto aux conditions minimum
d'application de l'article 3 dont la portée est plus vaste.»
Akayesu,
(Chambre de première instance), 2 septembre 1998, par. 625 : «D'après le
Protocole additionnel II, les parties au conflit sont d'ordinaire soit le
gouvernement aux prises avec des forces armées dissidentes, soit le
gouvernement combattant des groupes armés rebelles organisés. Les termes
«forces armées» de la Haute Partie contractante doivent être entendus au sens
large, de façon à couvrir toutes les forces armées telles que décrites par les
législations internes.» Voir aussi Musema, (Chambre de première
instance), 27 janvier 2000, par. 256.
(b)
un commandement responsable
Akayesu,
(Chambre de première instance), 2 septembre 1998, par. 626 : «Les forces armées
opposées au gouvernement doivent agir sous la conduite d'un commandement
responsable, ce qui suppose un degré d'organisation au sein du groupe armé ou
des forces armées dissidentes. Ce degré d'organisation doit être de nature à
permettre au groupe armé ou aux forces dissidentes de planifier et de mener des
opérations militaires concertées, et d'imposer la discipline au nom d'une
autorité de facto.» Voir aussi Musema, (Chambre de première
instance), 27 janvier 2000, par. 257.
(c)
les «opérations militaires continues et concertées» et l'application du
Protocole additionnel II
Akayesu,
(Chambre de première instance), 2 septembre 1998, par. 626 : «[C]es forces armées doivent être capables de contrôler une
partie suffisante du territoire pour mener des opérations militaires continues
et concertées et d'appliquer le Protocole additionnel II. Par définition, les
opérations doivent être continues et planifiées.
Le territoire sous leur contrôle est d'ordinaire celui qui a échappé au
contrôle des forces gouvernementales.» Voir aussi Musema,
(Chambre de première instance), 27 janvier 2000, par. 258.
ii)
le lien entre l'accusé et les forces armées est rejeté
Akayesu,
(Chambre d'Appel), 1 juin 2001, par. 425-445 : La Chambre d'Appel considère que
la Chambre de première instance a commis une erreur de droit (a) en appliquant
« le critère de l'agent de l'Etat ou de représentant du Gouvernement » en
interprétant l'article 4, et (b) en décidant que «[l]a catégorie des personnes
pouvant être tenues responsables des violations de l'article 4 […] recouvre
«uniquement [les] individus […] qui appartiennent aux forces armées sous le
commandement militaire de l'une ou l'autre partie belligérante ou [les]
individus qui ont été dûment mandatés et qui sont censés soutenir ou mettre en
œuvre les efforts de guerre du fait de leur qualité de responsable ou agents de
l'Etat ou de personnes occupant un poste de responsabilité ou de représentants de
facto du Gouvernement.»»
«[L]a Chambre de première instance a commis une erreur
sur un point de droit en limitant l'application de l'article 3 commun à une
certaine catégorie de personnes.» «Sur le plan pratique, il est probable que
les auteurs de violations de l'article 3 commun relèveront de l'une de ces
catégories» puisque que «l'article 3 commun requiert un lien étroit entre les
violations commises et le conflit armé.»7
«Ce lien entre les violations et le conflit armé implique que, dans la plupart
des cas, l'auteur du crime entretiendra probablement un rapport particulier
avec une partie au conflit. Il n'en reste pas moins que ce rapport particulier
n'est pas un préalable à l'application de l'article 3 commun et, par
conséquent, à l'article 4 du Statut….»
Semanza,
(Chambre de première instance), 15 mai 2003, par. 358-362, 359, 360, 362 : «[L]'article 3 commun et le Protocole additionnel II ne
précisent pas les catégories d'auteurs éventuels qui tombent sous leur coup, se
contentant de désigner ceux à qui s'imposent les obligations qui découlent de
leur jeu.» «[I]l n'est pas nécessaire de chercher à préciser davantage qui fait
partie de la catégorie des auteurs éventuels, quand on sait que l'article 3
commun et le Protocole additionnel II ont pour vocation première la protection
des victimes. […][L]es protections conférées par l'article 3 commun impliquent
nécessairement la sanction effective de toute personne qui en viole les
dispositions.» «[L]a responsabilité pénale à raison
des actes visés par l'article 4 du Statut ne dépend pas d'une quelconque
classification de l'auteur présumé du crime.»
(1) les civils peuvent
être reconnus coupables de crimes de guerre
Musema, (Chambre
de première instance), 27 janvier 2000, par. 274-275 : «[L]es
procès qui se sont tenus au lendemain de la Seconde guerre mondiale ont
consacré sans équivoque l'idée d'engager la responsabilité pénale individuelle
pour crimes de guerre des civils qui avaient entretenu un lien ou un rapport
avec une partie au conflit. Le principe d'engager la responsabilité des civils
à raison d'infractions aux lois de la guerre trouve en outre un fondement dans
l'objet et le but humanitaire des Conventions de Genève et des Protocoles
additionnels, qui est de protéger les victimes de la guerre contre les
atrocités.» «Ainsi, la Chambre est-elle d'avis que l'accusé [en tant que civil]
pourrait tomber dans la catégorie des individus pouvant être tenus responsables
de violations graves du droit international humanitaire, en particulier de
l'article 3 commun et du Protocole additionnel II.»
iii)
la compétence géographique (ratione loci) (élément 2)
Kayishema et Ruzindana, (Chambre de première instance), 21 mai 1999, par.
169 : «[L]e crime doit être commis ratione loci….»
Rutaganda,
(Chambre de première instance), 6 décembre 1999, par. 102-103 : «La protection
accordée aux personnes en vertu des Conventions de Genève et des Protocoles
additionnels l'est sur l'ensemble du territoire de l'Etat où se déroulent les
hostilités […] et ne se limite pas au «front» ni au «contexte géographique
étroit du théâtre effectif des combats.»» Voir aussi Akayesu, (Chambre
de première instance), 2 septembre 1998, par. 635 ; Kayishema et Ruzindana,
(Chambre de première instance), 21 mai 1999, par. 182-183 ; Musema,
(Chambre de première instance), 27 janvier 2000, par. 284 ; Semanza,
(Chambre de première instance), 15 mai 2003, par. 367.
Bagilishema,
(Chambre de première instance), 7 juin 2001, par. 101 : «Dès lors que les conditions
matérielles de l'article 3 commun ou du Protocole additionnel II sont remplies,
ces instruments deviennent immédiatement applicables non seulement sur le
théâtre proprement dit des combats, mais également sur tout le territoire de
l'État engagé dans le conflit. Aussi les parties impliquées dans les hostilités
sont-elles tenues de respecter les dispositions desdits instruments à travers
tout le territoire en question.»
iv)
la compétence personnelle (ratione personae) (élément 3)
Kayishema et Ruzindana, (Chambre de première instance), 21 mai 1999, par. 169
: «[L]e crime doit être commis […] ratione personae….»
(1) catégorie de victimes
- la protection de la population civile
Semanza,
(Chambre de première instance), 15 mai 2003, par. 363-366 : «L'article 3 commun
et le Protocole additionnel II protègent les personnes qui ne prennent pas
directement part aux hostilités. La Chambre d'appel du TPIY a souligné que
l'article 3 commun s'applique à «toute personne qui ne participe pas aux
hostilités». C'est également là la solution retenue par le Tribunal de céans.»
Ntakirutimana et Ntakirutimana, (Chambre de première instance), 21 février 2003, par.
859: [La version française de cette décision n'était pas à la disposition du
public au moment de la publication de ce recueil.]
Akayesu,
(Chambre de première instance), 2 septembre 1998, par. 629 : La Chambre estime
que «les personnes qui ne participent pas directement aux hostilités» (article
3 commun, paragraphe 1), et «toutes les personnes qui ne participent pas directement
ou ne participent plus aux hostilités» (article 4 du Protocole additionel II)
«sont tellement identiques que la Chambre les considérera comme synonymes.»
Kayishema et Ruzindana, (Chambre de première instance), 21 mai 1999, par.
605-608 : Les articles énumérés du Protocole II protègent les «personnes
internées ou détenues, privées de leur liberté pour des motifs en relation avec
le conflit armé», les «blessés, [l]es malades et [l]es naufragés», le
«personnel sanitaire et religieux» et «la population civile et les personnes
civiles.»
(2) la
présence de non-civils ne prive pas la population de sa qualité civile
Kayishema et Ruzindana, (Chambre de première instance), 21 mai 1999, par.
179-180 : «[T]outes les personnes qui ne sont pas des
combattants devraient être considérées comme des civils.» La Chambre a noté
qu'il existe une certaine distinction entre le terme «civils» et l'expression
«population civile». Il y a des civils qui accompagnent les forces armées ou
qui leur sont attachés. Des civils peuvent même se retrouver parmi les
combattants qui participent directement aux hostilités. Ce fait trouve
manifestement sa confirmation dans les dispositions du Protocole II qui
prévoient que «les personnes civiles jouissent de la protection accordée par le
présent titre sauf si elles participent directement aux hostilités et pendant
la durée de cette participation.» Toutefois, la population civile, en tant que
telle, ne participe pas au conflit armé. L'article 50 du Protocole I souligne
que «La présence au sein de la population civile de personnes isolées ne
répondant pas à la définition de personne civile ne prive pas cette population
de sa qualité.»
(3) la victime
participe-t- elle directement aux hostilités?
Rutaganda,
(Chambre de première instance), 6 décembre 1999, par. 100-101, note 32 : «[L]a
population civile comprend toutes les personnes civiles» c'est à dire que «la
population civile [est] composée de personnes autres que les combattants ou les
personnes mises hors de combat, en d'autres termes de personnes n'appartenant
pas aux forces armées.» «Toutefois, si les personnes civiles participent
directement aux hostilités, elles perdent leur droit à la protection en tant
que civils à proprement parler et pourraient tomber dans la catégorie des
combattants. «Participer directement» aux hostilités, c'est commettre des actes
de guerre que leur nature ou leur objet destinent à frapper concrètement le
personnel ou le matériel des forces armées de l'adversaire.» «[La] catégorie
des personnes civiles étant ainsi définie grosso modo, il s'agira d'apprécier
au cas par cas si la preuve a été rapportée qu'une victime a le statut de
personne civile ou appartient aux «forces armées.»»
Semanza,
(Chambre de première instance), 15 mai 2003, par. 366 : «La seule question qui
se pose consiste à savoir si, au moment de la commission de l'infraction
alléguée, la victime présumée participait directement aux hostilités. Dans la
négative, la victime présumée est une personne protégée par l'article 3 commun
et le Protocole additionnel II. Participer directement aux hostilités, au sens
de ces dispositions, c'est commettre des actes de guerre qui sont de nature à
frapper concrètement le personnel ou le matériel des forces armées de l'adversaire.»
v)
le lien entre le crime et le conflit armé (élément 4)
Akayesu,
(Chambre d'appel), 1 juin 2001, par. 438, note 807 : La Chambre d'appel du TPIY
a developé le critère d'application selon lequel : «Il doit exister un lien
entre le comportement criminel et le conflit armé.» Voir aussi Bagilishema,
(Chambre de première instance), 7 juin 2001, par. 105.
Kayishema et Ruzindana, (Chambre de première instance), 21 mai 1999, par.
169 : «[U]n lien doit exister entre le crime et le
conflit armé.»
(1) un lien de connexité
direct est exigé / l'infraction doit être étroitement liée aux hostilités
Kayishema et Ruzindana, (Chambre de première instance), 21 mai 1999, par.
185, 188 : «La Chambre est d'avis que seules les violations présentant un lien
avec le conflit armé, entrent dans cette catégorie d'infractions.» «Par
conséquent le terme «lien» ne saurait être considéré comme quelque chose de
vague et d'indéfini. Les faits doivent permettre d'établir l'existence
d'un lien de connexité direct entre les crimes visés dans l'Acte d'accusation,
et le conflit armé. Il n'est donc pas question de
définir un critère précis, in abstracto. Il appartient au contraire à la
Chambre de dire, au cas par cas, sur la base des faits présentés, s'il existe
un lien, et à l'Accusation de présenter ces faits et de prouver, au-delà de
tout doute raisonnable, qu'un tel lien existe.»
Rutaganda,
(Chambre de première instance), 6 décembre 1999, par. 104-105 : La Chambre a
déclaré qu' «il doit exister un lien de connexité entre [l'] infraction et le
conflit armé. Autrement dit, l'infraction doit être étroitement liée aux
hostilités ou perpétrée dans le contexte du conflit armé.» « [I]l incombe au
Procureur de prouver au-delà de tout doute raisonnable que, sur la base des
faits, un tel lien de connexité existe entre l'infraction et le conflit armé.» Voir
aussi Musema, (Chambre de première instance), 27 janvier 2000, par. 259-262
; Bagilishema, (Chambre de première instance), 7 juin 2001, par. 105 ; Semanza,
(Chambre de première instance), 15 mai 2003, par. 368-369.
Kayishema et Ruzindana, (Chambre de première instance), 21 mai 1999, par.
598-604 : «L'Accusation n'a pas établi l'existence d'un lien de connexité entre
le conflit armé et les violations imputées.» «La seule chose que ces
allégations prouvent, c'est que le conflit armé a été utilisé comme prétexte
pour mettre en oeuvre une politique officielle de génocide. Par conséquent, de
telles allégations ne sauraient être considérées comme la preuve de l'existence
d'un lien de connexité direct entre les crimes imputés et le conflit armé.»
Bagilishema,
(Chambre de première instance), 7 juin 2001, par. 105 : «[P]our
que l'article 4 du Statut trouve application, il n'est pas nécessaire que des
hostilités armées aient eu lieu dans la commune de Mabanza et dans la
préfecture de Kibuye ou que les combats se soient déroulés pendant la période
précise où les actes criminels allégués ont été perpétrés.»
vi)
l'élément moral (mens rea) (élément 5)
Pour une discussion sur l'élément psychologique, voir
Section (III)(d)(i)( 1)(le meutre) et Section (III)(d)(i)( 2)(la torture).
Musema,
(Chambre de première instance), 27 janvier 2000, par 215 : «Les éléments
suivants sont requis pour définir le meurtre en tant que crime contre
l'humanité: a) la victime est morte ; b) la mort résulte d'un acte illégal ou
d'une omission de l'accusé ou de son subordonné; c) au moment de la commission
du meurtre, l'accusé ou son subordonné étaient habités par l'intention de
donner la mort à la victime ou de porter gravement atteinte à son intégrité physique,
sachant que cette atteinte était de nature à entraîner la mort et il leur était
indifférent que la mort de la victime en résulte ou non.»
Semanza,
(Chambre de première instance), 15 mai 2003, par. 373 : «Le meurtre, au sens de l'article 4, s'entend du fait de
donner volontairement la mort à autrui. Il n'est pas nécessaire de démontrer
que cet homicide a été commis avec préméditation.
La Chambre a dégagé cette conclusion après avoir examiné l'utilisation du terme
«meurtre» par opposition au terme «assassinat» dans la version française du
Statut.»
Voir aussi la discussion sur la notion de meurtre dans
l'article 3, Section (II)(c)(ii).
Musema,(Chambre
de première instance), 27 janvier 2000, par. 285 : Les éléments constitutifs de
la torture visés à l'article 4(a) du Statut sont: «tout acte par lequel une
douleur ou des souffrances aiguës, physiques ou mentales sont
intentionnellement infligées à une personne aux fins notamment d'obtenir d'elle
ou d'une tierce personne des renseignements ou des aveux, de la punir d'un acte
qu'elle ou une tierce personne a commis, de l'intimider ou de faire pression
sur elle ou d'intimider ou de faire pression sur une tierce personne ou pour
tout autre motif fondé sur une forme de discrimination ou une autre, lorsqu'une
telle douleur ou de telles souffrances sont infligées par un agent de la
fonction publique ou tout autre personne agissant à titre officiel ou à son
instigation ou avec son consentement exprès ou tacite. Ce terme ne s'étend pas
à la douleur ou aux autres souffrances résultant uniquement de sanctions
légales, inhérentes à ces sanctions ou occasionnées par elles.»
Voir aussi la discussion sur la notion de torture dans
l'article 3, Section (II)(c)(vii) .
(1) les actes de violence
sexuelle sont des atteintes à la dignité personnelle de la personne
Akayesu,
(Chambre de première instance), 2 septembre 1998, par. 688 : «Les actes de
violence sexuelle entrent dans le champ des […] «atteintes à la dignité de la
personne» visées à l'article 4(e) du Statut.»
Voir aussi la discussion sur le viol et les actes de
violence sexuelle étant de nature à causer de graves souffrances mentales et
physiques aux membres d'un groupe, dans l'article 2, Section (I)(d)(ii)(3) , ainsi
que sur le viol et les actes de violence sexuelle dans l'article 3, Section
(II)(c)(viii) , et les actes de violence sexuelle comme autres actes inhumains
dans l'article 3, Section (II)(c )(x)(1)(b).
(2) les traitements
humiliants et dégradants
Musema,
(Chambre de première instance), 27 janvier 2000, par. 285 : Les éléments
constitutifs des «traitements humiliants et dégradants» visés à l'article 4(e)
du Statut sont «le fait de soumettre les victimes à un traitement qui porte
atteinte à leur dignité. A l'exemple des atteintes à la dignité de la personne,
on pourrait voir dans ces infractions une forme atténuée de la torture, à cette
différence près que le mobile exigé pour que la torture soit constituée ne
serait pas requis; et qu'il ne serait pas davantage nécessaire que les actes
répréhensibles soient commis sous le couvert de l'autorité de l'Etat.»
Musema,
(Chambre de première instance), 27 janvier 2000, par. 285, 220-221, 226 : Les
éléments constitutifs de viol visé à l'article 4(e) du Statut sont: «une
invasion physique de nature sexuelle commise sur la personne d'autrui sous
l'empire de la contrainte. […] [I]l peut toutefois consister en l'introduction
d'objets quelconques dans des orifices du corps d'autrui qui ne sont pas
considérés comme ayant une vocation sexuelle intrinsèque et/ou en l'utilisation
de tels orifices dans un but sexuel. […] [L]'essence du viol ne réside pas dans
le détail des parties du corps et des objets qui interviennent dans sa
commission, mais plutôt dans le fait qu'il constitue une agression à caractère
sexuel commise sous l'empire de la contrainte.»
Voir aussi les arguments sur le viol et la violence
sexuelle comme étant de nature à causer des graves souffrances mentales et
physiques aux membres d'un groupe en vertu de l'article 2 : Section (I)(d)(ii)(3) ; viol comme torture en vertu de l'article 3 :
Section (II)(c)(vii) (2) ; et viol et violence sexuelle en vertu de l'article 3
: Section (II)(c)(viii) .
Musema,
(Chambre de première instance), 27 janvier 2000, par. 285 : L' «attentat à la
pudeur» visé à l'article 4 (e) du Statut «s'entend d'une douleur ou d'une
blessure infligée à la victime par l'Accusé suite à un acte à caractère sexuel
de celui-ci perpétré par la contrainte, la violence, la menace ou
l'intimidation, et sans le consentement de la victime.»
viii) la menace de commettre
les actes précités