1er juillet 1962
Proclamation de l’indépendance de la République du Rwanda, auparavant sous
domination belge.
17-20 octobre 1962
Séjour en France du président rwandais Grégoire Kayibanda.
20 octobre 1962
Accord d’amitié et de coopération entre la France et le Rwanda, signé à
Paris.
4 décembre 1962
Signature, à Kigali, d’accords de coopération (économique, culturelle et
technique, radiophonique) entre la France et le Rwanda.
18-19 janvier 1964
Raid d’exilés tutsi contre le Rwanda à partir du Burundi. Cette incursion est
le prétexte à une vague de massacres sélectifs contre les Tutsi du Rwanda.
Des Européens parlent alors de “génocide”.
12-15 novembre 1969
Visite officielle au Rwanda du secrétaire d’État aux Affaires étrangères, la
première d’un ministre français à Kigali.
Janvier 1973
Air France ouvre une ligne Paris-Kigali.
4-5 juillet 1973
Un coup d’État militaire porte Juvénal Habyarimana au pouvoir.
13 novembre 1973
Premier sommet franco-africain, sous la présidence de Georges Pompidou.
31 mars-4 avril 1974
Le président Habyarimana est en visite officielle à Paris. Outre Georges
Pompidou (qui décède durant cette visite), il doit rencontrer le Premier
ministre, le ministre des Armées, le secrétaire général pour les affaires
africaines et malgaches et le secrétaire d’État auprès du ministre des
Affaires étrangères.
Mai-juin 1974
Signature d’un accord général de coopération militaire technique entre la
France et le Zaïre. Dans la foulée, accord entre la France et le Burundi
“relatif au concours de personnels militaires” français pour “l’organisation
et l’emploi des forces armées burundaises”.
18 juillet 1975
Signature d’un accord d’assistance militaire (non publié au Journal officiel)
entre la France et le Rwanda. Fourniture d’une aide en armement par la France
à hauteur de 4 millions de francs par an.
1978
Adoption d’une nouvelle constitution au Rwanda. Maintien de l’identification
ethnique sur les cartes d’identité, une mesure inspirée par les Belges en
1931. Intégration de chaque Rwandais, dès sa naissance, au parti unique : le
MRND.
24 décembre 1978
Le général Juvénal Habyarimana, seul candidat, est élu président de la
République avec 98,99 % des suffrages.
21-22 mai 1979
Sommet franco-africain à Kigali.
Août 1982
Jean-Christophe Mitterrand arrive à l’Élysée pour y occuper un emploi de
documentaliste à la cellule africaine.
6-7 octobre 1982
François Mitterrand effectue une escale à Bujumbura (Burundi) et Kigali,
avant de se rendre au neuvième sommet franco-africain, à Kinshasa (Zaïre). À
la veille de sa rencontre avec le chef de l’État français, Juvénal
Habyarimana confie au Monde : “Je retiens de mes trois entretiens avec le
président Mitterrand une promesse d’augmentation de l’aide civile et
militaire qui nous est accordée par la France.”
1983
Thérèse Pujolle, chef de la mission de coopération civile à Kigali entre 1981
et 1984, témoigne des violations des droits de l’homme commises par le régime
Habyarimana et constate l’accueil particulier réservé à Jean-Christophe
Mitterrand lorsqu’il vient en visite privée au Rwanda. Son administration la
somme de se taire ;
réélection de Juvénal Habyarimana avec 99,8 % des suffrages.
22 mars 1983
Le ministre rwandais des Affaires étrangères propose à la France de modifier
le troisième article de l’accord d’assistance militaire signé par les deux
pays en 1975. Le projet prévoit que “les personnels militaires français mis à
la disposition du gouvernement de la République rwandaise [pourront désormais
servir] sous l’uniforme rwandais”.
20 avril 1983
Le projet d’avenant modifiant l’article 3 de l’accord particulier
d’assistance militaire est approuvé par le directeur de cabinet du ministre
français de la Coopération.
1984
En quittant le Rwanda, Thérèse Pujolle rédige un rapport intitulé La nuit
rwandaise s’épaissit.
10 décembre 1984
François Mitterrand s’arrête au Rwanda avant de se rendre au sommet
franco-africain de Bujumbura.
1986
La Rwandese National Union (Ranu), créée au Kenya en 1979 et regroupant des
exilés tutsi de la diaspora, devient le Front patriotique rwandais (FPR).
10 septembre 1989
Georges Martres est nommé ambassadeur de France au Rwanda. Il a été
auparavant chef de la mission de coopération française au Mali, au Niger, au
Sénégal puis au Cameroun.
Janvier 1990
L’opposant rwandais Shyirambere J. Barahinyura, qui habite Francfort, est
contacté par Pierre-Yves Gilleron (commissaire à la DST), qui affirme
travailler pour l’Élysée et souhaite le rencontrer. Barahinyura prévient la
police allemande. Le 11 janvier 1990, des officiers sont présents lorsque
Pierre-Yves Gilleron sonne à la porte du Rwandais, accompagné par son garde
du corps, Pierre Massé, lui aussi rattaché à la cellule élyséenne. Gilleron
veut notamment inviter Barahinyura en France pour lui présenter son “ami et
associé Pierre Péan, spécialiste du Rwanda”.
2-5 avril 1990
Juvénal Habyarimana effectue une visite officielle à Paris. Il rencontre
Roland Dumas, ministre des Affaires étrangères, et visite les ateliers de
Thomson à Conflans-Sainte-Honorine (l’ancien fief du Premier ministre Michel
Rocard).
Juin 1990
Sommet franco-africain à La Baule.
14 juillet 1990
Interviewé par Patrick Poivre d’Arvor, François Mitterrand affirme : “Il n’y
a pas de Monsieur Afrique à l’Élysée.”
1er octobre 1990
Le FPR lance, depuis l’Ouganda, une offensive militaire sur la frontière nord
du Rwanda.
2 octobre 1990
En voyage à New York, Juvénal Habyarimana contacte par téléphone Jean-Christophe
Mitterrand, conseiller du Président français pour les affaires africaines.
Après avoir raccroché, ce dernier lance au chercheur Gérard Prunier, qui se
trouve dans son bureau : “Nous allons lui envoyer des bidasses, au petit père
Habyarimana. Nous allons le tirer d’affaire. En tout cas, cette histoire sera
terminée en deux ou trois mois.” Paul Kagame remplace Fred Rwigyema, tué sur
le front, à la tête de la branche militaire du FPR.
3 octobre 1990
Le ministre rwandais des Affaires étrangères, Casimir Bizimungu, arrive à
Paris où il est reçu par le ministre de la Coopération.
4 octobre 1990
Mise en place de l’opération Noroît (sous le commandement du colonel
Thomann), dont le but affiché est la protection des ressortissants français
au Rwanda.
Nuit du 4 au 5 octobre 1990
Avec l’appui de la France, les forces armées rwandaises organisent une fausse
attaque du FPR sur Kigali.
5 octobre 1990
Sur les ondes de la radio nationale, Juvénal Habyarimana annonce que l’ennemi
a attaqué en force la capitale. Il décrète l’état de siège, l’instauration
d’un couvre-feu intégral et appelle à la vigilance et à la délation.
Arrestation de quelque 10 000 Tutsi et opposants politiques à Kigali. Premier
massacre de Tutsi à Kibilira. Roland Dumas demande aux ressortissants
français de quitter le Rwanda en raison des “risques qu’ils courent”.
6 octobre 1990
Le Premier ministre français, Michel Rocard, déclare sur TF1, à propos du
Rwanda : “Nous avons envoyé des troupes pour protéger les ressortissants
français, rien de plus. C’est une mission de haute sécurité et un devoir
républicain.”
8 octobre 1990
Massacre de la population civile tutsi du Mutara (un millier de victimes).
Les autorités rwandaises ont appelé aux tueries, les présentant comme “un
travail collectif respectable” (umuganda).
9 octobre 1990
L’attaché de défense à Kigali transmet à Paris plusieurs “demandes de
munitions, armement et matériel présentées par le ministère rwandais de la
Défense”.
18 octobre 1990
Juvénal Habyarimana rencontre François Mitterrand à l’Élysée.
27 octobre 1990
Bruxelles annonce son intention de se retirer du Rwanda le 1er novembre
suivant et suggère la mise sur pieds d’une force d’interposition africaine
destinée à prendre le relais des Européens.
1er novembre 1990
La Belgique retire ses troupes du Rwanda.
6 novembre 1990
Le ministre français de la Coopération est en visite à Kigali. Il déclare
vouloir examiner “quelles sont les chances d’une conférence régionale” visant
à ramener la paix au Rwanda. Jean-Christophe Mitterrand l’accompagne.
11 novembre 1990
Le président Habyarimana prononce un discours libéral dans lequel il annonce
pour juin 1991 l’instauration prochaine du pluripartisme, un référendum
constitutionnel, ainsi que la suppression de la mention ethnique sur les
cartes d’identité et autres documents officiels.
Décembre 1990
La Caisse centrale française de coopération économique accorde un prêt de 49
millions de francs au Rwanda “pour la réalisation de divers projets”.
6 décembre 1990
Publication du texte raciste Les Dix commandements du Hutu dans la revue
Kangura, soutenue par la belle-famille du président Habyarimana (l’akazu).
Une photo de François Mitterrand recouvre toute la quatrième de couverture,
avec en légende ce dicton : “Les vrais amis, on les rencontre dans les
difficultés.”
14 décembre 1990
Rencontre, à Kigali, entre le président Habyarimana et une délégation
française comprenant l’ambassadeur Georges Martres, le général Varret, le
colonel du Plessis et le colonel Galinié.
22-23 janvier 1991
Le FPR lance une attaque sur Ruhengeri, dans le nord-ouest du pays.
Intervention du dispositif Noroît pour “évacuer les ressortissants français
de Ruhengeri”. Selon un responsable militaire français en prise avec les
événements, c’est à cette période qu’“une structure parallèle de commandement
militaire [est] mise en place” par Paris.
24 janvier 1991
Juvénal Habyarimana affirme à l’ambassadeur de France qu’il s’est entretenu
la veille par téléphone avec François Mitterrand, à qui il a réclamé un appui
matériel et technique pour faire face à “l’invasion” du FPR. Le chef de
l’État français lui aurait “promis que cet appui lui serait donné par le
ministère français de la Coopération”.
27 janvier 1991
En représailles à l’offensive du FPR, une vague de massacres est déclenchée
contre les Tutsi.
30 janvier 1991
François Mitterrand écrit à Juvénal Habyarimana qu’il compte “maintenir
provisoirement, et pour une durée liée aux développements de la situation, la
compagnie militaire française envoyée en octobre dernier à Kigali et chargée
d’assurer la sécurité et la protection des ressortissants français”.
15 mars 1991
Un télégramme diplomatique informe l’ambassadeur de France à Kigali qu’un
Détachement d’assistance militaire et d’instruction (Dami Panda, issu du 1er
RPIMa, lui-même rattaché au commandement des opérations spéciales) sera mis
“très prochainement à la disposition de l’armée rwandaise”. Le télégramme
conclut : “Nous n’avons pas l’intention d’annoncer officiellement la mise en place
du Dami. Vous direz au président Habyarimana que nous souhaiterions qu’il
agisse de la même manière”. Relève des troupes Noroît (2e REP).
Avril 1991
Nomination du général Christian Quesnot comme chef d’état-major particulier
du président Mitterrand. Le général Jean-Pierre Huchon est son adjoint.
14 avril 1991
Rencontre, à Paris, entre les ministres rwandais et ougandais des Affaires
étrangères.
23 avril 1991
Juvénal Habyarimana s’entretient avec François Mitterrand dans le cadre d’une
visite privée qu’il effectue à Paris.
Juin 1991
Thierry de Beaucé est nommé à la tête de la cellule africaine de l’Élysée.
10 juin 1991
Modification de la constitution rwandaise. Reconnaissance du pluripartisme,
du droit de grève pour les fonctionnaires et de la liberté de la presse.
Apparition de plusieurs partis d’opposition.
Juillet 1991
Paul Dijoud (directeur des Affaires africaines et malgaches), accompagné du
général Huchon, se rend au Rwanda. Relève Noroît (3-6e RPIMa)
17-21 septembre 1991
Paul Kagame rencontre Jean-Christophe Mitterrand et Paul Dijoud à Paris. Le
principe de rencontres entre des dignitaires du FPR et des représentants du
gouvernement rwandais est arrêté.
23-25 octobre 1991
Rencontre, à Paris, entre des émissaires du FPR et du gouvernement rwandais.
Novembre 1991
Un avocat de la Fédération internationale des droits de l’homme déclare que
les interrogatoires “musclés” des prisonniers FPR sont menés par des
officiers français. Relève Noroît (2e REP).
20 novembre 1991
Entretien privé entre les présidents Mitterrand et Habyarimana en marge du
sommet franco-africain de Chaillot.
Fin novembre 1991
Mise en place d’une Mission d’observation française (MOF) composée d’un
diplomate et de deux militaires. Celle-ci est chargée de collecter des
informations relatives aux violations de la frontière entre l’Ouganda et le
Rwanda.
14-15 janvier 1992
Nouvelle rencontre parisienne entre des émissaires du FPR et du gouvernement
rwandais. Paul Kagame affirme avoir rencontré Paul Dijoud à cette occasion,
qui lui aurait prédit : “Si vous n’arrêtez pas le combat, si vous vous
emparez du pays, vous ne retrouverez pas vos frères et vos familles, parce
que tous auront été massacrés.” Interrogé par Le Figaro en 1998, Paul Dijoud
affirmera ne pas souvenir de cette visite. Contacts entre les extrémistes
hutu de l’akazu et Paul Barril.
3 février 1992
Le Quai d’Orsay adresse une note à l’ambassade de France à Kigali stipulant
que “le lieutenant-colonel Chollet, chef du Dami, exercera simultanément les
fonctions de conseiller du président de la République, chef suprême des
forces armées rwandaises, et les fonctions de conseiller du chef d’état-major
de l’armée rwandaise”.
Mars 1992
Création de la Coalition pour la défense de la République (CDR), qui
rassemble les Hutu ultras et distille ouvertement un racisme anti-Tutsi
agressif. Massacre de Tutsi dans le sud du pays, après des appels au meurtre
émis par Radio-Rwanda. L’ambassadeur français Georges Martres refuse de se
joindre à la délégation des représentants diplomatiques des pays de l’OCDE en
poste à Kigali, qui expriment au président Habyarimana leur inquiétude face à
la nouvelle vague de violences. Interviewée sur RFI, une expatriée italienne,
Antonia Locatelli, qui habite le Rwanda depuis 18 ans, éclaire les massacres
commis dans le Bugesera : “Je sais que les gens qui sont venus commettre ces
meurtres sont venus de l’extérieur. Ils ont été amenés par des véhicules des
services gouvernementaux. Contrairement à ce que l’on dit, ce n’est pas une colère
populaire qui s’exercerait contre les Tutsi, c’est un mouvement délibéré du
gouvernement pour commettre des meurtres de type politique.” Elle est
assassinée le lendemain par les tueurs qu’elle vient de dénoncer.
Le Crédit lyonnais, banque nationalisée, garantit le risque financier lié à
une livraison d’armes au Rwanda par l’Égypte pour un montant de 6 millions de
dollars. Relève Noroît (2e RIMa).
9 mars 1992
L’opposant rwandais Shyirambere J. Barahinyura écrit à Thierry de Beaucé,
chargé des affaires africaines auprès du président Mitterrand, pour lui
demander des “éclaircissements sur les aventures de M. Pierre-Yves Gilleron,
citoyen français avec résidence probable à Paris ou dans les banlieues”.
11 mars 1992
Dans une note à l’intention du ministre des Affaires étrangères, Paul Dijoud
préconise un “renforcement de l’appui de la France à l’armée rwandaise”.
13 mars 1992
Signature du “protocole d’entente entre les partis politiques [rwandais]
appelés à participer au gouvernement de transition”.
Mai 1992
Création des milices Interahamwe par le MRND du président Habyarimana. Ces
milices sont présentées comme le mouvement de jeunesse du parti.
13-15 mai 1992
Le ministre français de la Coopération est en visite à Kigali, Bujumbura et
Kampala.
29 mai, 6 et 7 juin 1992
Discussions, à Bruxelles et Paris, entre l’opposition démocratique et le FPR.
Juin 1992
Bruno Delaye est nommé à la tête de la cellule africaine de l’Élysée.
Création d’un DAMI gendarmerie pour former des officiers de police
judiciaire.
5 juin 1992
Dans un télégramme diplomatique, l’ambassadeur Georges Martres se fait le
relais du président Habyarimana pour demander à Paris le renforcement du
contingent Noroît.
6-8 juin 1992
Rencontre entre des émissaires du gouvernement rwandais et du FPR à Paris.
10 juin 1992
Une compagnie d’environ 150 militaires français, basée en Centrafrique, est
envoyée au Rwanda. Officiellement il s’agit de “prévenir toute menace contre
la communauté étrangère”.
11-16 juin 1992
Une mission d’évaluation militaire française est dépêchée à Kigali.
Juin-octobre 1992
Renforcement de Noroît (8e RPIMa) ; reconnaissance offensive ; renforcement
du DAMI (artillerie) ; formation à l’utilisation de batteries de 105 (35e
RAP).
24 juin 1992
Création du Commandement des opérations spéciales (COS), qui relève
directement du chef d’état-major de l’armée française.
12 juillet 1992
Signature à Arusha (Tanzanie) d’un accord de cessez-le-feu. Négociations
entre le régime Habyarimana, l’opposition démocratique et le FPR.
13 juillet 1992
La radio clandestine du FPR accuse les soldats français positionnés au Rwanda
de combattre aux côtés des forces gouvernementales. Selon le FPR, “les
soldats français aident le gouvernement”, notamment en fournissant “des
pièces d’artillerie lourde” à l’armée régulière.
17 juillet 1992
En visite de travail à Paris, Juvénal Habyarimana est reçu à l’Élysée. Il
déclare, après son entretien avec son homologue français, que “François
Mitterrand soutient le processus démocratique [et] les négociations de paix”.
Relève Noroît (21e RIMa).
31 juillet 1992
L’ambassadeur français à Kigali transmet une proposition du gouvernement
rwandais visant à modifier l’accord d’assistance militaire de 1975, qui ne
concernait que la formation de la gendarmerie. Il s’agit en fait d’entériner
a posteriori l’engagement de militaires français aux côtés des forces armées
rwandaises depuis octobre 1990.
18 août 1992
Un protocole d’accord sur l’État de droit est signé à Arusha par le
gouvernement rwandais, les partis d’opposition et le FPR. Le député
socialiste du Loir-et-Cher Jeanny Lorgeoux (ami proche de Jean-Christophe
Mitterrand) fait partie de la délégation du chef de l’État rwandais lors des
négociations avec les rebelles du FPR, alors même que le Quai d’Orsay,
officiellement, ne délègue personne pour suivre ces négociations.
26 août 1992
L’ambassadeur de France à Kigali et le ministre rwandais des Affaires
étrangères signent un avenant à l’accord d’assistance militaire liant les
deux pays. L’expression “les forces armées rwandaises” remplace “la
gendarmerie rwandaise”.
1er septembre 1992
Bruno Delaye adresse à Jean-Bosco Barayagwiza (leader de la CDR, le parti
extrémiste hutu), en tant que “directeur des affaires politiques du ministère
rwandais des Affaires étrangères”, une lettre de remerciement, au nom du
cabinet du président Mitterrand. Barayagwiza avait lancé, quelque temps plus
tôt, une pétition en faveur de l’intervention française.
Août-décembre 1992
Massacres organisés de Tutsi et d’opposants hutu, à l’instigation des milices
pro-gouvernementales.
10 septembre 1992
Le Premier ministre rwandais s’entretient à Paris avec Roland Dumas.
Octobre 1992
Dénonciation, par le sénateur belge Kuypers, du rôle des escadrons de la mort
(baptisés “réseaux zéro”, pour “zéro Tutsi”) et de la politique raciste du
régime Habyarimana.
13 octobre 1992
Un général d’armée impliqué dans l’opération Noroît confie en privé à Gérard
Prunier qu’il considérerait tout abandon du régime Habyarimana comme “un acte
de haute trahison”.
13-14 octobre 1992
Le général Quesnot, chef d’état-major particulier du président Mitterrand,
effectue une mission au Rwanda avec une délégation française. Il visite les
trois secteurs principaux de la frontière nord et rencontre le chef
d’état-major de l’armée rwandaise, le ministre de la Défense, le Premier
ministre et le chef de l’État.
18 octobre 1992
Les extrémistes de la CDR descendent dans la rue pour manifester contre les
conditions de négociation du processus de paix. Parmi les slogans scandés :
“Merci président Mitterrand !” ; “Merci le peuple français !”
Novembre 1992
Discours du président Habyarimana, devant les militants du MRND, dénonçant le
“chiffon de papier” que seraient les premiers accords d’Arusha. Léon
Mugesera, membre du bureau politique du MRND, prône de son côté la
liquidation des Tutsi. Relève Noroît (21e RIMa).
3-6 novembre 1992
Mission d’évaluation de la coopération militaire franco-rwandaise.
Décembre 1992
Massacres contre les Tutsi dans la région de Gisenyi, dont le président
Habyarimana est originaire.
Janvier 1993
Membre d’une commission d’enquête internationale au Rwanda, le français Jean
Carbonare affirme avoir vu des instructeurs français dans le camp de Bigogwe,
où “l’on amenait des civils par camions entiers. Ils étaient torturés et
tués.”
8 février 1993
Le FPR déclenche une nouvelle offensive (stoppée devant Kigali grâce à
l’appui militaire français) visant à faire cesser les massacres de civils et
à mettre en œuvre les accords d’Arusha. De 750 000 à un million de paysans
quittent le nord du pays et fuient en direction de Kigali.
8-9 février 1993
Renforcement de Noroît, qui comprend désormais un état-major tactique (EMT),
trois compagnies du 21e RIMa, une compagnie du 8e RPIMa, les détachements
Chimère et Rapas et un DAMI renforcé (génie).
11 février 1993
Opération Volcan au profit des français habitant la préfecture de Ruhengeri
après l’attaque du FPR sur cette région.
20 février 1993
Le Quai d’Orsay annonce que deux compagnies supplémentaires de soldats
français ont été envoyées “d’urgence” au Rwanda “pour assurer la sécurité des
ressortissants français et des autres étrangers”. Il s’agit d’une compagnie
du 6e bataillon d’infanterie de marine (BIMa), basé à Libreville, et d’une
compagnie des éléments français d’assistance opérationnelle (EFAO), installée
à Bangui, soit un total d’environ 240 hommes. Le contingent français s’élève
désormais officiellement à quelque 600 militaires d’élite (pour environ 400
expatriés).
20-22 février 1993
Violences commises à Kigali par les milices Interahamwe et les hommes de main
de la CDR. Massacres de Tutsi et d’opposants hutu dans les préfectures de
Gisenyi, Ruhengeri, Kibuye et Byumba.
28 février 1993
Visite du ministre français de la Coopération à Kigali. Appel à un “front
commun” contre le FPR. Création, au sein de chaque parti rwandais, d’une
mouvance “Hutu Power”.
Février-mars 1993
Noroît reçoit comme mission l’assistance opérationnelle d’urgence aux forces
armées rwandaises et la protection de Kigali. Recrutement du capitaine Paul
Barril par le ministre rwandais de la Défense en vue d’une mission portant
comme nom de code : opération Insecticide.
Mars 1993
Accord de cessez-le-feu à Dar es-Salam (Tanzanie) entre le gouvernement
rwandais et le FPR.
1er mars 1993
Gérard Fuchs, secrétaire national du parti socialiste, chargé des relations
internationales, déclare qu’il s’“interroge sur la décision d’envoyer de
nouvelles troupes françaises au Rwanda, alors que les violations des droits
de l’homme par le régime du général Habyarimana ne cessent de se multiplier”.
5 mars 1993
La France dépose devant le conseil de sécurité de l’ONU un projet de
résolution en vue de l’envoi d’une force de contrôle des Nations unies au
Rwanda.
8 mars 1993
Le rapport de la commission internationale d’enquête sur les violations des
droits de l’homme au Rwanda depuis le 1er octobre 1990 est rendu public. Ses
conclusions sont accablantes pour le régime Habyarimana, mis en cause au plus
haut niveau.
20-25 mars 1993
Relève Noroît (1e RI).
Avril 1993
Nomination du général Huchon, ancien commandant du 1er RPIMa, à la tête de la
Mission militaire de coopération.
Mai 1993
De nouveaux accords sont conclus à Arusha : ils prévoient la constitution
d’une armée nationale unifiée rassemblant les forces armées rwandaises et les
combattants du FPR. Assassinat d’Emmanuel Gapyisi, dirigeant du Mouvement
démocratique républicain (MDR), le principal parti d’opposition. Accord entre
le FPR et le gouvernement sur le retour des déplacés de guerre.
Juin 1993
Mise en place du gouvernement de transition. Agathe Uwilingiyimana, issue du
MDR, est nommée Premier ministre. Relève Noroît (3e RPIMa)
4 août 1993
Signature des accords d’Arusha. Début des émissions de propagande raciste de
la Radio-Télévision libre des mille collines (RTLM) – liée au régime – à
l’encontre des Tutsi et des “traîtres” hutu.
Septembre-octobre 1993
Michel Cuingnet, responsable de la mission de coopération civile à Kigali, observe
“des militaires français qui contrôlent les routes et jouent un rôle d’armée
d’occupation”.
5 octobre 1993
La résolution n° 872 du conseil de sécurité de l’ONU crée la Mission des
Nations unies pour l’assistance au Rwanda (Minuar), composée de 2 500 casques
bleus et observateurs militaires.
11 octobre 1993
Juvénal Habyarimana effectue une visite privée à Paris. Il s’entretient avec
François Mitterrand, Alain Juppé et le chef d’état-major des armées, l’amiral
Lanxade.
Entre novembre 1993 et avril 1994
Un officier de réserve proche du vendeur d’armes Dominique Lemmonier affirme
avoir eu connaissance par ce dernier “d’une demande visant à la fourniture de
deux missiles sol-air. […] Cette commande […] semblait émaner d’un proche de
l’ex-capitaine Barril ; elle a été [par la suite] formulée auprès d’une
société française autorisée d’exportation de matériel de guerre”.
Décembre 1993
Une note des services de renseignements belges évoque “une participation
française allant bien plus loin qu’il n’est admis officiellement”.
13 décembre 1993
Mise en place de la Minuar, dirigée par le brigadier-général Roméo Dallaire.
Les forces françaises de l’opération Noroît (600 militaires) quittent le
Rwanda. Restent vingt-quatre assistants militaires techniques (AMT) et un
sous-officier.
Janvier 1994
Blocage des accords d’Arusha en raison du refus opposé par la faction
présidentielle, dite Hutu Power, de mettre en place un gouvernement de
transition élargi au FPR.
Février 1994
Le leader du Parti social démocrate, Félicien Gatabazi, et le dirigeant de la
CDR, Martin Bucyana, sont assassinés. Des violences font plusieurs dizaines
de morts.
15 mars 1994
Une dépêche des services secrets belges rend compte de “livraisons d’armes et
de munitions au Rwanda” par l’armée égyptienne, par l’intermédiaire d’une
société immatriculée dans le paradis fiscal de Man et de “la société
DYL-Invest, de Cran-Gévrier, en France (contrat du 3 mars 1993)”. Signalant
des “livraisons d’armes en provenance de France”, cette dépêche rappelle qu’a
“déjà été interceptée, le 21 janvier 1994, à l’aéroport de Kigali, une
livraison de munitions déclassées parmi lesquelles des mortiers de l’armée
belge en provenance de France”.
5 avril 1994
Résolution 909 du conseil de sécurité, qui prolonge le mandat de la Minuar
jusqu’au 29 juillet.
6 avril 1994
Vers 20 h 30, le Falcon 50 ramenant de Dar es-Salam le président Habyarimana
et son homologue burundais Cyprien Ntaryamira est abattu par deux missiles
sol-air au-dessus de l’aéroport de Kigali. Les trois membres d’équipage sont
français. Moins d’une heure plus tard, avant même que la nouvelle ne soit
annoncée à la radio, début de massacres sélectifs visant l’opposition hutu.
7 avril 1994
Les massacres commencent à Kigali. Le Premier ministre, Agathe
Uwilingiyimana, est assassinée ainsi que dix casques bleus belges affectés à
sa protection. François de Grossouvre, conseiller et homme de confiance de
François Mitterrand, est retrouvé suicidé dans son bureau de l’Élysée. Paul
Barril se trouve au Rwanda.
8 avril 1994
Deux gendarmes français et l’épouse de l’un d’entre eux sont assassinés à
leur domicile de Kigali. Extension du génocide hors de Kigali : massacres
dans les paroisses de Zaza (10 et 12 avril), Kanzenze (11 avril), Kabarondo
(13 avril), Nyarubuye (14 avril), Kibungo (15 avril)...
9 avril 1994
Agathe Habyarimana et sa famille sont évacuées vers Paris via Bangui. À son
arrivée, la veuve du président rwandais – connue pour faire partie de
l’akazu, un cercle d’extrémistes hutu proches du pouvoir, dont font partie
plusieurs de ses frères – reçoit un chèque de 200 000 francs du ministère
français de la Coopération. L’ambassadeur de France fait détruire toutes les
archives.
9-14 avril 1994
Début de l’opération Amaryllis. Évacuation de 1 238 personnes, dont 454
Français.
12 avril 1994
Fermeture de l’ambassade de France à Kigali. Départ des AMT.
13 avril 1994
Fin de l’opération Amaryllis.
16 avril 1994
Le gouvernement belge décide de retirer ses troupes de la Minuar (780
militaires).
19 avril 1994
Diffusion par Radio Rwanda d’un discours du président du gouvernement
intérimaire, Théodore Sindikubwabo, de passage à Butare, invitant la
population à se “mettre au travail”. Début des massacres à Butare.
19 avril-18 juillet 1994
Le “chargé d’affaires” de l’ambassade rwandaise à Paris, le
lieutenant-colonel Cyprien Kayumba, qui est régulièrement reçu en audience
par le général Huchon, supervise six livraisons d’armes à l’armée du
génocide, pour un montant de 5 454 395 dollars.
21 avril 1994
Par sa résolution n° 912, le conseil de sécurité réduit de 2 500 à 270
l’effectif de la Minuar.
27 avril 1994
Jérôme Bicamumpaka, “ministre des Affaires étrangères” du gouvernement
intérimaire, et Jean-Bosco Barayagwiza, leader de la CDR, sont reçus à
l’Élysée, au Quai d’Orsay et au ministère de la Coopération. À Kigali, Paul
Barril remonte le drapeau français sur le faîte de l’ambassade de France, où
il s’installe.
9 mai 1994
Le conseiller du chef d’état-major de l’armée rwandaise, est reçu à la
mission militaire de Coopération par le général Huchon qui, explique
l’émissaire rwandais dans son rapport, lui affirme qu’“il faut sans tarder
fournir toutes les preuves prouvant la légitimité de la guerre que mène le
Rwanda, de façon à retourner l'opinion internationale en sa faveur et pouvoir
reprendre la coopération bilatérale. Entre-temps, la mission militaire de
coopération prépare les actions de secours à mener en notre faveur.” Un
matériel de communication cryptée est fourni pour permettre un contact
régulier et confidentiel entre Paris et Kigali.
11-12 mai 1994
Mission à Kigali du haut commissaire des Nations unies pour les droits de
l’homme. Il prononce le mot génocide.
17 mai 1994
La résolution n° 918 du conseil de sécurité étend la mission de la Minuar à
la protection des populations et autorise pour cela le déploiement de 5 500
casques bleus (Minuar II). Elle prévoit en outre un embargo sur les armes à
destination du Rwanda.
19 mai 1994
Un ancien des services secrets français en charge du dossier Rwanda au
ministère de la Coopération affirme à Gérard Prunier : “Nous livrons des
munitions en passant par Goma. Mais bien sûr, nous le démentirons si vous me
citez dans la presse.”
22 mai 1994
Le FPR s’empare de l’aéroport de Kigali.
25 mai 1994
La commission des droits de l’homme des Nations unies adopte à l’unanimité
une résolution qui constate que “des actes à caractère de génocide ont pu
survenir au Rwanda” et prévoit l’envoi sur le terrain d’un rapporteur spécial
chargé de mener une enquête au sujet des exactions commises. L’ambassade du
Rwanda en Égypte annonce au gouvernement intérimaire une livraison de 35
tonnes d’armes, en violation de l’embargo ; le document mentionne une
transaction conclue à Paris.
Juin 1994
Paiement de 1 200 000 dollars à Paul Barril, en vertu d’un contrat de
“service et assistance” signé au temps du régime Habyarimana.
11 juin 1994
Alain Juppé, ministre des Affaires étrangères, déclare que la communauté
internationale devra prendre de nouvelles initiatives si les combats et les
exactions se poursuivent au Rwanda.
13 juin 1994
Prise de Gitarama par le FPR. Le gouvernement intérimaire s’installe à
Gisenyi, à la frontière zaïroise.
14-15 juin 1994
Transaction portant sur une livraison d’armes au profit de l’armée du
génocide. Les fonds proviennent d’un compte tenu en France par la BNP. Le
donneur d’ordre est la Banque nationale du Rwanda. Durant la transaction,
près d’un million de dollars disparaissent dans un trou noir.
16 juin 1994
Alain Juppé parle de “génocide” au Rwanda et annonce l’imminente intervention
militaire française.
22 juin 1994
Après une déclaration de François Mitterrand affirmant qu’il s’agit “d’une
question d’heures, de jours”, la résolution n° 929 du conseil de sécurité
autorise une intervention armée humanitaire au Rwanda (sur proposition de la
France) pour une durée de deux mois, afin de protéger les civils et d’assurer
la distribution de l’aide humanitaire. La résolution ne prévoit pas de
poursuivre les responsables du génocide ; le FPR se déclare fermement opposé
à toute intervention française. Débats à Paris entre l’Élysée, qui souhaite
une action directe en faveur des auteurs du génocide, et Matignon, qui se
refuse à une “intervention de type colonial”.
23-30 juin 1994
Pénétration au Rwanda des troupes françaises de l’opération Turquoise. Prise
de contrôle de Kibuye
24 juin 1994
Mise en place progressive de l’opération Turquoise, en vertu de la résolution
929 de l’ONU.
25 juin 1994
300 soldats sénégalais rejoignent l’opération Turquoise.
27 juin 1994
Sur France 2, Paul Barril brandit ce qu’il présente comme la boîte noire de
l’avion du Président Habyarimana. Il affirme que l’attentat serait l’œuvre du
FPR, avec la complicité de militaires belges dont il aurait reconnu l’accent
sur des interceptions radiophoniques récupérées dans la tour de contrôle de
l’aéroport de Kigali. La prétendue boîte noire se révèle rapidement n’être
qu’un simple appareil de radioguidage.
28 juin 1994
Publication du rapport des Nations unies sur le génocide des Tutsi et les
massacres sélectifs de Hutu rwandais.
4 juillet 1994
Butare et Kigali tombent aux mains du FPR. La France annonce la création
d’une “Zone humanitaire sûre” dans le sud-ouest de Rwanda (préfectures de
Gikongoro, Kibuye et Cyangugu).
13 juillet 1994
Du fait de l’avancée des troupes du FPR, début de l’exode massif de Hutu
rwandais en direction de la ville de Goma, au Zaïre.
14 juillet 1994
Prise de Ruhengeri, principale ville du nord, par le FPR. Les forces armées
rwandaises en déroute fuient vers le Zaïre grâce à un couloir ouvert par
l’opération Turquoise.
15 juillet 1994
Les États-Unis annoncent qu’ils ne reconnaissent plus l’ancien gouvernement
rwandais.
17 juillet 1994
Le FPR atteint Ruhengeri et Gisenyi et déclare la fin de la guerre.
18 juillet 1994
À Goma, un avion décharge une cargaison d’armes (pour une valeur de 753 645
dollars) destinées à l’armée du génocide. La zone est totalement quadrillée
par l’armée française.
19 juillet 1994
Un gouvernement d’union nationale est formé à Kigali.
20 juillet 1994
Une épidémie de choléra se déclare dans les camps de Goma.
31 juillet 1994
Un détachement de l’armée américaine arrive à Kigali.
21 août 1994
Retrait des forces françaises de l’opération Turquoise, relevées par la
Minuar II.
Octobre-novembre 1994
Le responsable des milices Interahamwe indique à l’AFP qu’il rentre d’un
voyage en France. Le ministre des Affaires étrangères du gouvernement
intérimaire déchu se félicite d’avoir été reçu officiellement en France.
8 et 9 novembre 1994
Sommet franco-africain de Biarritz. François Mitterrand refuse d’inviter les
nouvelles autorités rwandaises. Dans la version écrite de son discours,
remise à la presse, figure la mention “des génocides”. Le conseiller spécial
du président pour l’Afrique, Bruno Delaye, déclare de son côté : “Les
nouvelles autorités rwandaises [...] sont trop controversées, sans compter
qu’elles vont s’effondrer d’une minute à l’autre.”
18 novembre 1994
Le ministre de la Coopération, Bernard Debré, déclare que “si la politique
française à l’égard du Rwanda est difficile à cerner [...], c’est que
l’Élysée, le président Mitterrand, est très attaché à l’ancien président
Habyarimana et sa famille, et à tout ce qui était l’ancien régime.” La France
bloque toute aide financière de la part de la Banque mondiale et de l’Union
européenne à Kigali, avant d’y consentir sous la pression internationale.
Décembre 1994
Rapport de la commission d’enquête de l’ONU, constituée le 1er août
précédent, concluant que “des actes de génocide ont été commis à l’encontre
du groupe tutsi par des éléments hutu agissant de manière planifiée,
systématique et méthodique”.
27 janvier 1995
Dominique Lemmonier, fondateur de la société DYL-Invest, fournisseur d’armes
et de munitions au régime Habyarimana, est mis en examen par la justice
française “pour commerce illégal d’armes de guerre”. La plainte a été déposée
par Paul Barril, qui affirme avoir reçu mandat du gouvernement responsable du
génocide afin de récupérer, auprès de Lemonnier, 1 650 000 dollars de
trop-perçus. Trois mois plus tard, Dominique Lemmonier décède à Annecy d’une
crise cardiaque après un déjeuner d’affaires.
9 février 1995
La résolution 978 du conseil de sécurité de l’ONU demande aux États membre
d’arrêter les responsables présumés du génocide rwandais qui se trouveraient
sur leur sol. La France obtient que cette résolution n’ait pas de caractère
obligatoire.
Juin 1997
Le colonel Théoneste Bagosora, considéré comme le cerveau du génocide,
déclare devant le tribunal d’Arusha : “Mon affaire est plus politique que
pénale. Plusieurs pays sont impliqués dans le dossier dont je fais l’objet.”
Décembre 1997
Une commission d’enquête du Sénat belge rend public son rapport sur les origines
du génocide tutsi.
12-15 janvier 1998
Le Figaro publie une enquête en quatre volets sur l’implication de la
République française aux côtés du régime ayant planifié le génocide.
3 mars 1998
Paul Quilès, président de la commission de la défense à l’Assemblée nationale
et ancien ministre de la Défense de François Mitterrand, annonce la création
d’une mission d’information parlementaire sur le rôle de la communauté
internationale, la France notamment, au Rwanda. Quelques jours plus tard, une
information judiciaire sur l’attentat commis le 6 avril 1994 est confiée au
juge Jean-Louis Brugière, du pool antiterroriste, à la suite d’une plainte
déposée par la veuve d’un des pilotes français. En vertu du règlement de
l’Assemblée nationale, l’ouverture de cette instruction empêche les
parlementaires d’enquêter réellement sur l’attentat.
Avril 1998
Le Figaro publie une seconde enquête, en six volets, sur l’implication
française au Rwanda entre 1990 et 1994.
15 décembre 1998
La mission d’information parlementaire rend son rapport. Dans sa
présentation, Paul Quilès déclare que “la France n’est nullement impliquée
dans ce déchaînement de violence. […] C’est l’ONU et la force de surveillance
des accords d’Arusha qui ont été incapables d’enrayer la montée des violences
et de mettre fin aux massacres”. Aux journalistes, il assure même que la
France en sort “blanchie”.
Octobre 2000
Pierre Péan publie, avec deux autres journalistes, dans Le Vrai Papier
journal de Karl Zéro, un article prémonitoire qui affirme que le juge
Bruguière aurait identifié le commanditaire de l’attentat du 6 avril en la
personne de Paul Kagame. La mise en examen du chef de l’État rwandais par le
magistrat antiterroriste est annoncée comme imminente. Trois ans et demi plus
tard, à un mois de la dixième commémoration du génocide, Le Monde publie une
double page basée sur les conclusions provisoires du juge Bruguière, qui
présentent Paul Kagame comme le commanditaire de l’attentat. Unique
révélation du Monde : la boîte noire du Falcon 50 serait entre les mains de
l’ONU depuis 1994.
16 mars 2004
Interrogé par RFI sur la teneur de l’enquête Bruguière telle qu’elle a été
rendue publique par Le Monde, Paul Kagame déclare notamment que les Français
“étaient là au moment où le génocide a eu lieu. Ils ont entraîné les
génocidaires. Ils étaient à des postes de commandement au niveau des forces
armées qui ont commis le génocide…”
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