Marine
Le Pen élue,
pourquoi Bernard Cazeneuve pourrait rester
Premier ministre
Par Étienne
Girard
Publié
le
31/03/2017
Dans la
Constitution, rien n'oblige le Premier ministre à
démissionner après l'élection
présidentielle. Si Marine Le Pen l'emporte au second tour le
7 mai, on peut
s'attendre à quelques turbulences institutionnelles...
Ce pourrait
être un vestige inattendu du hollandisme au pouvoir. Si
Marine Le Pen devient
président de la République le 7 mai, son Premier
ministre pourrait s'appeler...
Bernard Cazeneuve. Selon un indiscret publié par Challenges
ce jeudi 30
mars, le chef du gouvernement aurait affirmé n'avoir "aucunement
l'intention de déserter le front de Matignon au cas
où Marine Le Pen
emporterait la présidentielle". Et d'ajouter : "Je
n'ai laissé
aucune lettre de démission en blanc à la
présidence".
Si
l'entourage du Premier ministre a depuis démenti
ces propos,
l'hypothèse n'en reste pas moins envisageable. Aucun texte
constitutionnel
n'oblige en effet le Premier ministre à présenter
sa démission en cas
d'élection d'un nouveau Président.
Jusqu'à présent, tous les gouvernements de
la cinquième République l'ont pourtant fait. "Il
s'agit d'un usage,
voulu par De Gaulle et perpétué notamment par
Mitterrand, rappelle le
constitutionnaliste Olivier Duhamel, qui a longuement
évoqué cette hypothèse en
2015 dans son émission Mediapolis,
sur Europe 1. L'article
8 de la Constitution, qui prévoit la démission du
Premier ministre, ne donne
aucun pouvoir au Président pour la provoquer. En
période de cohabitation, le
chef de l'Etat n'a d'ailleurs jamais pu révoquer son chef du
gouvernement".
Pour
expliquer cette situation possible, Olivier Duhamel utilise l'image
d'une
partie de tarot : "Quand on joue entre amis, on peut utiliser
des
règles particulières, si tout le monde est
d'accord. Mais dans une compétition,
on doit respecter les règles officielles".
Lesquelles n'ont jamais
prévu la démission obligatoire du Premier
ministre...
Marine Le Pen
présidente... mais impuissante
Nul doute
que ce refus de se démettre - inédit - mettrait
Marine Le Pen en rage. Il
entraînerait en effet des conséquences
fâcheuses pour la candidate du FN.
Celle-ci présiderait le Conseil des ministres... tout en
étant réduite à
l'impuissance. Elle ne pourrait prendre quasiment aucune
décision, et notamment
pas nommer le moindre préfet, recteur ou ambassadeur sans
l'accord de Bernard
Cazeneuve. Et ce, jusqu'aux élections
législatives de juin. Si Marine Le Pen
obtenait une majorité absolue à
l'Assemblée, les députés frontistes
pourraient
alors renverser le gouvernement et installer à sa place des
ministres FN.
Autrement, la présidente devrait composer avec la coalition
majoritaire.
Pour Le Pen,
il existerait cependant une autre façon de peser dans ce
conflit institutionnel
: actionner l'article 16 de la Constitution, qui permet d'obtenir les
pleins
pouvoirs pendant trente jours quand le "fonctionnement
régulier des
pouvoirs publics constitutionnels est interrompu". Olivier
Duhamel
estime pour autant que cette utilisation serait hasardeuse : "Les
députés et les sénateurs
considéreraient sûrement que les conditions pour
utiliser l'article 16 ne sont pas réunies. Ils engageraient
alors probablement
la procédure de destitution du président de la
République". Cette
procédure implique des votes conformes de
l'Assemblée et du Sénat qui
permettent la réunion de la Haute Cour, censée se
prononcer à la majorité des
deux-tiers. Sauf que les députés seront alors en
pleine campagne législative...
Dans un tel scénario, les constitutionnalistes n'ont pas
fini d'avoir des
migraines.