Le sort des casques bleus a été évoqué avant leur mort

Des personnes présentes à l'ambassade du Rwanda à Bruxelles parlaient déjà de la mort des casques bleus à Kigali avant que celle-ci ne soit connue officiellement à Bruxelles et même avant qu'ils aient été tués, a expliqué mercredi un témoin devant la cour d'assises. Au lendemain de l'attentat contre l'avion présidentiel, commis le 6 avril 1994 à 20h30, le journaliste Jacques Collet s'est rendu à l'ambassade pour demander un visa pour se rendre au Rwanda.

Les faits
Ce témoin, qui parle kinyirwanda, a expliqué qu'il y a alors entendu, à une heure qu'il situe vers 10h00, des militaires rwandais en stage à Bruxelles et un membre du parti présidentiel parler de la mort des dix casques bleus. Ils disaient, a précisé le témoin, que cinq casques bleus avaient été tués car ils avaient abattu l'avion du président. Or, a-t-il ajouté, il semble que le premier casque bleu belge ait été tué vers 13h00.

M. Collet a expliqué qu'il ne les a pas crus, surtout car il ne pouvait croire que les Belges aient abattu l'avion. "J'étais alors le premier à le savoir en Belgique. En tout cas, eux le savaient", a dit le témoin, expliquant que la mort des casques bleus n'a été annoncée à Bruxelles que dans la soirée. L'ex-major Bernard Ntuyahaga doit répondre de l'assassinat des casques bleus, de la Première ministre rwandaise que ces soldats protégeaient et d'un nombre indéterminé d'homicides commis pendant le génocide rwandais, à Kigali et Butare. Ce qu'il nie.

Officier intègre
Egalement entendu comme témoin, un ex-officier rwandais, devenu brièvement ministre de la défense après 1994, ne croit pas à l'implication de M. Ntuyahaga qu'il a côtoyé dès 1974 quand ils étaient élèves officiers. "C'est un officier intègre, discipliné, soucieux des lois et règlements qui vivait en harmonie avec tous les citoyens", a expliqué Emmanuel Habyarimana. Il ne croit d'ailleurs pas que l'armée ait été impliquée dans les massacres du génocide, hormis la garde présidentielle et, peut-être quelques unités. "Dire que tous les militaires l'ont fait est une aberration", a-t-il dit.

Pour M. Habyarimana, l'accusé n'a pas dirigé, comme l'avance le ministère public, un camp militaire à Butare. Ce camp, a-t-il précisé, ne comptait pas de soldats opérationnels mais des invalides de guerre. "Quand on dit qu'il (le major Ntuyahaga) a fait ce qu'on lui reproche, cela m'étonne", a-t-il conclu. Un dernier témoin entendu mercredi matin est allé plus loin. Pour Jean-Baptiste Mberabahizi, ex-compagnon de route du FPR, aujourd'hui au pouvoir au Rwanda, c'est ce FPR qui est responsable du génocide. Il a décrit ce parti comme étant exclusivement composé de Tutsis de l'extérieur du Rwanda et comme pas du tout intéressé par le sort des Tutsis du Rwanda.

Responsable du génocide
En 1994, "il n'était pas difficile pour le FPR de prendre le pouvoir mais le prix à payer en était le génocide", a dit le témoin. Pour ce dernier, le FPR aurait dû savoir que la population tutsie était prise en otages et était dès lors menacée en cas d'avancée du FPR. Il laisse donc sous-entendre que le FPR est responsable du génocide. Une position qui n'a pas du tout été appréciée par les parties civiles. Interrogé par le ministère public, ce témoin a dit douter que des listes de Tutsis à abattre pendant le génocide ont existé. "Je ne les ai pas vues", a-t-il dit.