Arusha broie ses incorruptibles défenseurs du droit.
(Libre antenne 19/09/2007)
par François Munyabagisha, Drummondville, Qc,
Canada
Un mois après Me Pierre Gaudreau,
Gakwaya Callixte rend son
âme subitement au Mozambique. Il aura été un brave et brillant avocat, un
martyr du droit et de la justice dans les couloirs du Tribunal Pénal
International pour le Rwanda (TPIR). Sa mort intervient seulement un an après
que le pouvoir criminel de Kigali eut réclamé sa tête l’accusant, comme c’est
devenu un stratagème pour faire taire tout esprit gênant, de «génocide». Gakwaya fut l’un des rares avocats rwandais accrédités
auprès du TPIR, le plus haut gradé parmi eux et le plus respecté des pairs
occidentaux. Tous ceux qui l’avons connu dans sa jeunesse à l’école, à la
faculté et au travail avant la tragédie de 94, gardons de lui la mémoire d’une
personne généreuse, sociable, humble et intègre, un humaniste et un homme de
principes qui avait aussi un sens de l’humour discret.
Nonobstant Drôle de similitude entourant les décès inopinés d’avocats et
témoins de la défense dans les procès du génocide rwandais au TPIR. En Août dernier, nous déplorions la mort subite de Me
Pierre Gaudreau, un intègre et brillant avocat
québécois qui avait en charge la défense dans le procès d’un ex-ministre
rwandais des affaires étrangères, Mr Jérôme Bicamumpaka.
Jérôme est paradoxalement «présumé coupable», comme tous les codétenus.
Pourtant des faits d’une évidence limpide corroborent au contraire son
innocence et le nonsense des accusations. Il a notamment sillonné des capitales
en occident demandant l’intervention pour aider à neutraliser les machines
génocidaires, dont fait partie l’actuel régime au pouvoir à Kigali.
Curieusement, son avocat décède quelques heures avant le début du procès, et ce
après que l’accusation eut tenté sans succès d’endormir sa conscience en vue de
tenir un procès en rabais et une condamnation selon la logique d’une justice de
vainqueurs.
Pierre ou Callixte ne sont pas les premiers, la liste
de témoins à décharge disparus sans que leur mort dérange est longue. Certains
se suicideraient, à l’instar de la canadienne Sian Cansfield
dont parle Roméo Dallaire dans son livre «J’ai serré
la main du diable» (p.19). D’autres sont retrouvés sans vie comme ce fut le cas
de l’ex-ministre Uwilingiyimana découvert dans un
canal en Belgique après qu’il ait eu des tête-à-tête pas mal louches avec des
enquêteurs du TPIR. D’autres comme le colonel Nubaha, fraîchement arrivé en Belgique pour témoigner dans
l’affaire Ntuyahaga et la mort de 10 casques bleus,
meurent à l’hôpital de maladies mystérieuses sans antécédent connu !
Et ce faisant, en marge de la rectitude, il se
dit de plus en plus fort que le tribunal est corrompu, voire manipulé par
Kigali et ses sponsors américains entre autres, qui font obstruction à toute
avenue voulant faire la lumière sur les crimes, tous les crimes de génocide au
Rwanda, et en juger tous les suspects. Car, pendant que le monde s’évertue
d’avoir un tribunal compétent pour administrer une bonne dose de droit aux
«génocidaires» et aider à la réconciliation et à la reconstruction nationales,
au Rwanda des criminels obtiennent des appuis, des prix et de la bénédiction
pour réitérer en toute liberté des crimes qui les ont portés au pouvoir et par
lesquels ils comptent s’y maintenir, à jamais. Plus jamais nous plaiderons
n’avoir pas été alertés, informés de ce qu’au Rwanda un génocide est en cour.
Que le sang de tous ces martyrs nous inspire pour agir, décrier l’institutionnalisat ion du crime au Rwanda et faire valoir
l’universalité des droits et de la dignité pour les humains.
François Munyabagisha
Drummondville, Qc, Canada
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La vie et la dignité de tout humain sont sacrées. Vivre, ce n’est pas un droit,
ni un dû. C’est un acquis sacré, non cessible et inaliénable. Nul n'a le droit
de tuer, et rien ne peut justifier d'enlever la vie à qui que ce soit. Nul ne
peut, soit-il faible, légitimer le pouvoir ou s’arroger le droit de supprimer
une vie. Tuer est aussi lâche que barbare. Qu'il faille prévenir ou punir,
corriger ou venger, redresser ou modeler, l'efficacité est mille fois mieux
servie (par la communication) que par le sang. Francois
Munyabagisha (Rwanda: Faces cachées de la tragédie,
Head 1998, inédit).
Et, pendant qu'ici nous nous distrayons pour quelques millions de $ à dépenser,
au Rwanda, au Darfour, chaque jour fait le lot de plusieurs milliers de
victimes qui perdent la vie ou la dignité dans le déni absolu des droits, sous
le joug de gouvernements criminels que notre silence cautionne à notre insu.
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