L'enquête sur
l'attentat contre le président Habyarimana relancée en France.
AP | 10.11.2008 |
18:24
L'arrestation dimanche en Allemagne d'un des
neuf Rwandais mis en cause par la justice française dans l'enquête sur
l'attentat contre l'ancien président rwandais Juvénal Habyarimana en avril 1994
va permettre au Rwanda de prendre connaissance d'un dossier judiciaire qui
empoisonne depuis des années les relations entre Paris et Kigali.
Condamnée lundi par le Rwanda, l'interpellation
de la responsable du protocole de la présidence rwandaise, Rose Kabuye, va relancer l'enquête qui, selon plusieurs sources,
devait être clôturée en novembre par les juges d'instruction antiterroristes
français Marc Trévidic et Philippe Coirre qui en ont hérité après le départ de Jean-Louis
Bruguière.
Sans cette interpellation, c'est un procès en
l'absence d'accusés qui se serait tenu devant la cour d'assises de Paris dans
plusieurs mois.
En 1998, la justice française a ouvert une
enquête pour "assassinats" à la suite des plaintes des familles des
pilotes français de l'avion présidentiel rwandais.
En novembre 2006, Jean-Louis Bruguière a lancé
des mandats d'arrêts contre neuf Rwandais, dont Mme Kabuye,
pour leur participation présumée à cet attentat, une décision ayant entraîné la
rupture des relations diplomatiques entre Kigali et Paris.
"On redoutait que le Rwanda fasse sauter un
fusible. Il n'y a pas de hasard", a déploré lundi Me Laurent Curt, avocat
d'une des familles de pilotes français de l'avion présidentiel rwandais. Il
estime que les autorités rwandaises ont délibérément "sacrifié" le
pion Kabuye pour prendre connaissance du dossier
auquel il "n'avait pas officiellement accès".
Depuis mai 2007, Mme Kabuye
a, par le truchement de ses avocats à Paris, demandé en vain aux deux juges
français de venir l'entendre au Rwanda ou d'effectuer des actes d'instruction.
La procédure pénale française n'autorise pas l'avocat d'une personne visée par
un mandat d'arrêt de prendre connaissance du dossier d'instruction tant qu'elle
n'a pas été arrêtée.
Rose Kabuye, 47 ans,
responsable du protocole d'Etat, arrêtée dimanche matin à l'aéroport de
Francfort en vertu d'un mandat européen délivré par la justice française, ne
bénéficiait d'aucun statut diplomatique, selon la porte-parole du parquet de
cette ville, Hildegard Becker-Toussaint. Mme Kabuye a donné verbalement son accord pour être remise aux
autorités françaises. Son transfèrement pourrait intervenir au plus tôt dans
quelques jours, au plus tard d'ici deux semaines.
Une fois en France, elle se verra notifier sa
mise en examen et devrait être présentée à un juge des libertés et de la
détention qui statuera sur son placement en détention provisoire. Son avocat,
Me Lef Forster, a indiqué à l'Associated
Press que sa cliente contestait une "quelconque
implication dans l'attentat du 6 avril 1994". Major dans l'armée
patriotique rwandaise, Mme Kabuye est soupçonnée
d'avoir hébergé le commando avant l'attentat. Son avocat a précisé qu'elle
s'expliquerait devant les juges une fois qu'elle aura pris connaissance du
dossier.
"Il est assez troublant que quelqu'un qui
se sait visé par un mandat d'arrêt se fasse arrêter
aussi facilement. Il y a certainement une dimension stratégique à cette
arrestation", a déclaré pour sa part Me Philippe Meilhac, avocat d'Agathe
Habyarimana, la veuve du président rwandais. Mais, il est souhaitable que
"les commanditaires ou les exécutants de l'attentat soient sur le banc des
accusés", a-t-il ajouté.
La ministre des Affaires étrangères rwandaises,
Rosemary Museminali, a qualifié lundi Rose Kabuye d' héroïne" pour avoir
combattu dans les rangs de la rébellion du FPR (Front patriotique rwandais),
dirigé par Paul Kagame, qui avait pris le pouvoir à Kigali en 1994, mettant un
terme au génocide du printemps. Plus d'un millier de personnes ont par ailleurs
manifesté lundi sous une pluie torrentielle devant l'ambassade d'Allemagne à
Kigali pour protester contre cette arrestation.
Si le ministère français des Affaires étrangères
n'a pas souhaité faire de déclaration à la suite de cette arrestation, il a
rappelé son "souhait de rétablir les relations diplomatiques (...) rompues
à l'initiative du Rwanda".
L'avion du président Habyarimana a été abattu
par un missile le 6 avril 1994 alors qu'il s'apprêtait à atterrir à l'aéroport
de Kigali. A son bord se trouvait également le président burundais Cyprien Ntaryamira et plusieurs dignitaires des deux pays. Cet
attentat a été suivi, durant trois mois, du génocide de 500.000 à 800.000
Rwandais, en grande majorité des Tutsis -ethnie minoritaire du pays-, mais
aussi des Hutus modérés. AP