Rwanda
: l'enquête
sur l'attentat contre Habyarimana relancée en France
Rwanda,
septembre 2010. Le juge
Trévidic avait enquêté sur place sur
l'attentat de 1994 qui avait coûté la vie
au président Juvénal Habyarimana.
L'attentat
avait déclenché le génocide de 1994,
qui a fait 800 000 morts, principalement
tutsi au Rwanda. Les juges français ont rouvert les
investigations pour
entendre un ex-militaire entré en dissidence. L'ancien
général rwandais Faustin
Kayumba Nyamwasa accuse
l'actuel président Paul Kagame
d'avoir fomenté l'attentat contre le président
rwandais Juvénal Habyarimana le
6 avril 1994
Réfugié
en
Afrique du Sud où il a fait l'objet d'au moins deux
tentatives d'assassinat,
condamné à 24 ans de prison au Rwanda, l'ancien
général rwandais est aussi visé
par la justice française. En 2006, ce cofondateur de
l'ex-rébellion tutsi du
Front patriotique rwandais (FPR) faisait partie des neuf personnes
visées par
des mandats d'arrêt lancés par l'ex-juge
Jean-Louis Bruguière contre des
proches de Paul Kagame, un acte qui avait poussé Kigali
à rompre ses relations
diplomatiques avec Paris.
L'armée
française toujours accusée par Kigali
Si une
détente s'est amorcée depuis, Kigali
accuse toujours l'armée
française d'avoir
été impliquée dans le
génocide et déplore la
lenteur de la justice à juger les génocidaires
exilés en France. Sept mandats
d'arrêt ont été levés
après les mises en examen en 2008 et 2010 des
protagonistes, qui veulent un non-lieu dans cette enquête,
ouverte à Paris car
l'équipage de l'avion abattu dans lequel se trouvait le
président rwandais
était français.
Le camp
Kagame veut pour preuve de son innocence les
expertises techniques présentées
début 2012 par les juges Marc Trévidic et
Nathalie Poux, qui avaient
cité comme zone de tir des missiles «la plus
probable» un camp alors tenu
par la garde présidentielle du Hutu Juvénal
Habyarimana. Des éléments
renforçant la thèse d'un attentat commis par des
extrémistes hutu pour se débarrasser
d'un président jugé trop
modéré, comme l'a conclu une commission
d'enquête au
Rwanda, où le FPR a pris le pouvoir en mettant fin au
génocide.
Une
déposition devant notaire
Toujours
officiellement visé par un mandat d'arrêt, Faustin
Kayumba n'a pas été
interrogé, malgré les demandes
précédentes des juges français
à l'Afrique du
Sud. L'enquête avait été close, une
première fois à l'été 2014,
puis une
deuxième fois début 2016, dans l'attente des
réquisitions du parquet de Paris
et de la décision finale des juges d'instruction.
Mais Faustin
Kayumba, devenu un opposant à Paul Kagame, a
renouvelé sa demande pour être
entendu. Cette fois, il y a ajouté une déposition
devant notaire, à Pretoria le
23 juin, où il met à nouveau directement en cause
le président rwandais comme
instigateur de l'attentat.
Des
extraits de sa déposition
Au soir du 6
avril 1994, il aurait appris de la bouche de Paul Kagame
lui-même que «l'avion
du président Habyarimana avait été
abattu par (nos) propres troupes» du FPR,
selon sa déposition dont l'AFP a eu connaissance.
«Les planificateurs sont Paul
Kagame, James Kabarebe (actuel ministre de la Défense) et
Charles Kayonga», les
deux derniers faisant partie des mis en examen.
«Ces
trois
utilisaient un réseau distinct et secret de communications
en ayant recours à
des émetteurs-récepteurs portables»,
accuse encore Faustin Kayumba, qui donne
aussi les noms de deux exécutants, les mêmes que
ceux visés dans l'enquête. Il
se met lui-même hors de cause et réfute les
versions des témoins du juge
Bruguière, dont certains s'étaient
rétractés.
Nuire
à
Kagame avant la présidentielle ?
Avocat, avec
son confrère Bernard Maingain, des sept mis en examen, Me
Leon Lef Forster
fustige «une énième manoeuvre dilatoire
qui vise à retarder un non-lieu
inéluctable». «C'est un opposant
assumé, dont le but est de nuire avant la
prochaine présidentielle», prévue en
2017 et à laquelle Paul Kagame briguera un
troisième mandat. Pour les avocats de parties civiles,
Faustin Kayumba doit
être interrogé par les juges.
«Il a
au
moins autant de crédit que les autres», estime Me
Emmanuel Bidanda, qui défend
la famille d'un membre de l'équipage du Falcon 50 du
président Habyarimana. «Ce
document est intéressant mais insuffisant. Il faut un
interrogatoire contradictoire»,
soutient aussi Me Jean-Yves Dupeux, avocat de deux enfants de
Juvénal
Habyarimana. «Nous espérons qu'il n'y aura aucun
obstacle diplomatique», ajoute
de son côté Me Philippe Meilhac, l'avocat de la
veuve de l'ex-président, Agathe
Habyarimana.
Leparisien.fr
avec AFP